Entretien avec Nicolas Dayot, Président de la Fédération Nationale de l'Hôtellerie de Plein Air (FNHPA).

Nous avons déjà échangé l'été dernier, en juillet 2020, entre temps il s'est passé beaucoup de choses. Est-ce que tous ces événements ont permis à la FNHPA de développer son parc d'adhérents ? 

Nicolas Dayot : Nous avons gagné des adhérents. Du fait sans doute, de la volonté de ceux qui ne l’étaient pas d'avoir l'information la plus juste, la plus précise et la plus réactive possible pour pouvoir respecter les lois et règlements. Et surtout évidemment être au fait des choses tout au long de la gestion de cette crise par les pouvoirs publics.  

Est-ce que cette crise qu'on traverse, et qui dure, entraine une d'accélération dans la fermeture des petits établissements ?

Nicolas Dayot : L'année dernière nous en avons perdu 112 sans qu’il y ait de rapports par ailleurs avec la Covid 19 puisque c'est lié principalement au papy-boom. Et également aux choix stratégiques inopportuns sans doute ou à l'absence de choix stratégiques d'établissements souvent de petites tailles qui ne repensent pas leurs positionnements et qui ne parviennent pas à atteindre leur taille critique. Pour faire simple, nous avons 3 000 campings sur 7 900 qui ont moins de 60 emplacements, donc des petits établissements, qui pourtant ont un avenir à condition qu'ils se positionnent sur l’insolite.  Certains d'entre eux ont d'ailleurs totalement repensé leur stratégie autour de l'insolite puisque typiquement ces petits établissements plaisent à certaines catégories socioprofessionnelles supérieures parce qu'il n’y a pas d'animations et aussi car c'est bucolique et calme. Le problème c'est que de nombreux exploitants ou propriétaires de ces établissements n'ont pas pensé à totalement repenser leur stratégie commerciale et marketing.

Comment en tant que fédération nationale vous arrivez à adresser les sujets et à garder une cohésion entre tous ces acteurs quand on a d'un côté certains gros gestionnaires et de l'autre plein de petits qui ont tous leur vision et leur sensibilité au métier qui sont très différentes ?

Nicolas Dayot : Nos complexités urbanistiques et environnementales notamment et nos particularités, qui sont pour certaines d'entre elles propres à notre profil touristique, font que peu importe la taille du camping, nos intérêts sont finalement communs. Puisqu’à travers notamment les levées de frein que nous attendons de l'administration et des pouvoirs publics, nous espérons que le potentiel qui est le nôtre, et qui est encore en grande partie non exploité, puisse être atteint. Et finalement nos intérêts communs et nos ennuis communs si j'ose dire, font que nous sommes soudés et intéressés par les mêmes problématiques catégorielles, peu importe que l'on fasse partie des comités des chaînes et des groupes de camping ou qu’on ait un tout petit camping dans un département rural.

Concernant ce besoin de clarté et d’aménagement juridique, notamment pour aider ceux qui par exemple peuvent se retrouver face à des problématiques de relocalisation pas obligatoire parce qu'ils sont face à une montée des eaux. Cela a-t-il évolué depuis que nous en avions parlé l'été dernier ?

Nicolas Dayot : Nous avons l'espoir justement que la France prenne le taureau par les cornes en matière de levée des freins dont nous souffrons depuis des années. Chacun  s'est aperçu à quel point le tourisme domestique était important en France. Nous qui accueillons 2/3 de la clientèle française et 1/3 de clientèle européenne de proximité alors que les campings français ont moins souffert que les autres campings des pays du sud de l’Europe, je pense à l’Espagne, l’Italie et la Croatie par exemple. Parce que justement, nous avons une population domestique importante et les Français aiment visiter la France. Je pense que ce soit du côté des directions générales de l'Etat mais également d'autres grands Ministères, une prise de conscience est en train d'être faite et nous attendons d'ailleurs, en particulier à travers peut-être un conseil interministériel du tourisme qui pourrait se réunir dans les mois prochains, qu'une partie des levées de frein qui ont été identifiés soit mise à l'ordre du jour et fasse l'objet de traitements administratifs performants.

Ce sont aussi des questions qui concernent les territoires, vous avez les préfectures, les communes, les mairies… Comment gérez- vous aussi en région, en département voire par petites intercommunalités ces sujets-là ?

Nicolas Dayot : Premièrement, notre organisation est décentralisée, la fédération nationale est à Paris elle est composée des syndicats départementaux et de fédérations régionales. Ce qui fait que nous sommes évidemment très présents en province notamment dans les départements principalement ruraux. Nous n’avons pas trop de difficultés avec les services déconcentrés de l'Etat et quasiment aucunes avec les élus locaux. Puisqu’eux ont parfaitement compris à quel point nous étions importants pour les territoires notamment ruraux, comme nous sommes le premier mode d'hébergement touristique en capacité d'accueil de très loin dans la ruralité. On a parfois des difficultés des réglages avec quand même certains services déconcentrés mais on arrive en général à les gérer soit depuis Paris soit localement. Notre problème est surtout un problème législatif ou réglementaire donc il se traite dans les Ministères et on peut se réjouir d'avoir un soutien indéfectible d'ailleurs du Quai d’Orsay dans notre croisade. J'espère que le contexte à l'issue de cette crise nous sera favorable, nous sommes en tout cas très attachés à l'articulation entre le comité de filière du tourisme et le conseil interministériel du tourisme pour arriver à atteindre des objectifs et surtout à lever ces fameux freins qui nous bloquent.

Vous aviez depuis plusieurs années un parc qui monte en gamme, qui se professionnalise, cette crise a-t-elle mis un frein ? L'arrivée de nouveaux investisseurs permet-elle de compenser un peu le manque de moyens que peuvent avoir certains, faute d'exploiter ?

Nicolas Dayot : Quand on parle de montée en gamme, quand on ne connaît pas notre secteur d'activité, on a tendance à penser que nous avons de moins en moins de classes populaires et que nous accueillons de plus en plus de classes sociales supérieures. Nous accueillons incontestablement des catégories socioprofessionnelles qui n'auraient jamais mis les pieds dans un camping il y a 20 ou 30 ans, et notamment sur le segment 5 étoiles mais qui pèse moins de 300 campings sur 7910. La montée en gamme, en réalité, est une montée en équipements, une montée en services et une montée en prestations complémentaires mais en réalité nous avons conservé les mêmes clients tels que dans les années 50 dans les années 60. C’est-à-dire, on a un volet extrêmement important de classes populaires dont la classe moyenne.

Il y a une grande mode en ce moment, l'hébergement insolite qui veut dire beaucoup de choses mais qui est très illustrée dans le camping parce qu'on peut se retrouver dans des endroits insolites, on peut aussi proposer de la cabane, de la tente flottante… Comment cela se développe au sein du parc ?

Nicolas Dayot : Le camping a toujours innové, quand on regarde le début de l'hôtellerie de plein air, le début du camping il y a plusieurs décennies, l'habitation légère de loisirs, la résidence mobile de loisirs n'existait pas. Il n’y avait que des tentes au départ, un peu de caravanes et puis le camping-car est arrivé, après le mobile home. Au cours des années, la yourte, la cabane dans les arbres, la roulotte, la tente accrochée à une branche d'un arbre sans toucher le sol, des tentes gonflables transparentes… Tout ceci est arrivé progressivement et le rythme continue d'avancer, pas forcément d'accélérer mais en tout cas se développe à un rythme continu parce que cela correspond à une demande.

Que l'on soit bien clair, les hébergements insolites dans l'hôtellerie de plein air française représentent un peu moins de 5 000 hébergements sur un peu moins de 900 000 emplacements, c'est l’arbre qui cache la forêt. Néanmoins, c'est un segment qu’il ne faut pas négliger, d'une part parce qu’on installe de l'insolite dans des établissements conventionnels, à travers un parc d'emplacements nus, de mobile-homes, de chalets et de roulottes, on trouve deux cabanes dans les arbres et une yourte. Mais surtout on a grand espoir pour les campings justement de petite taille qui disparaissent. Parce qu'il nous semble que ces petits établissements, qui sont très majoritairement dans la ruralité, qui pourraient remplacer tous ces petits hôtels ruraux qui ont disparu, pourraient parfaitement renaître au sein de ces petits campings de 40 ou 50 places qui aujourd'hui ont des chiffres d'affaires confidentiels et qui finissent par fermer. On s'aperçoit à quel point l'insolite est l'objet idéal pour ces établissements.

Pour accueillir les clients, il va falloir du monde. Tous les ans il faut recruter des saisonniers, ce n’est pas forcément simple. Comment faites- vous cette année dans ce contexte tellement compliqué ?

Nicolas Dayot : D'un point de vue l'accompagnement financier des campings, la situation est bien meilleure que l'année dernière puisqu’on sait à quel point le Gouvernement n'a pas démérité en matière de soutien. Aujourd'hui, on a un chômage partiel qui avait déjà été mis en place au tout début de la crise mais qui est encore bien présent, avec un taux de prise en charge très élevé qui nous permet pour les salariés en CDI et lorsqu'il n'y a pas d'activité comme au mois d'avril d'être pris en charge. Par contre, on sait que le Ministère du travail a resserré un peu la vis suite aux initiatives qui avaient été prises pour les saisons d’hivers, notamment à la montagne. Aujourd'hui tous les campings qui envisageaient d'embaucher leur personnel au mois de mars sont dissuadés de le faire lorsque ce personnel devait être affecté à des services qui sont fermés. Ce qui fait qu'aujourd'hui la plupart des campings ont retardé leurs embauches, il y aura sans doute embouteillage au mois de mai et au mois de juin, sachant qu'on a 40 000 saisonniers à embaucher pour l'été.

La France c'est une très grande nation de campings, la deuxième dans le monde derrière les Etats-Unis qui sont bien plus grands. Comment, en tant que nation aussi importante pour ce type d'hébergements, peut-on porter une parole ? Et quel message peut-on porter au niveau par exemple de l'Union Européenne sur certains sujets ?

Nicolas Dayot : Depuis les métropoles, on n'identifie pas que la France est le champion de l’hôtellerie de plein air et qu'on n'est pas un grand pays touristique quand on n'a pas de grandes capacités d'accueil. Car le principe du tourisme c'est de dormir à l'extérieur de chez soi donc quand on a peu de capacité d'accueil, on ne peut pas devenir une grande nation et une grande destination touristique.

Nous avons la chance d'avoir 2 700 000 lits touristiques en hôtellerie de plein air, ce qui fait la moitié des lits touristiques collectifs du pays effectivement et surtout ce qui nous fait un avantage concurrentiel qu'aucun pays du continent européen n'a. C'est la raison pour laquelle nous avons bon espoir pour notre profession maintenant que tout le monde sait à quel point le tourisme domestique est finalement une poire pour la soif en période de coup dure comme après une crise, il est plus résistant que le tourisme international. Si la France veut garder son rang et profiter de cet avantage, il va falloir qu'elle favorise le développement et surtout la survie de son hôtellerie de plein air. Nous avons donc bon espoir qu’un « plan camping » soit mis en place pour arriver d'une part à nous permettre de stopper la disparition des campings existants, permettre aux campings existants auxquels il reste un grand potentiel de pouvoir l'atteindre.

Et puis, nous sommes en train de travailler avec les différents Ministères, de construire une stratégie pour pouvoir préparer demain. C'est d'arriver à lier un peu plus les différents opérateurs du tourisme. Nous, dans la ruralité par exemple, nous avons un travail en cours avec le Ministère la culture et les musées pour pouvoir lier un peu plus les musées environnants aux campings, à travers notamment des relations avec les animateurs, avec la présentation des œuvres d'art qu’on trouve dans les musées environnants au sein des campings.

Pour toutes ces raisons, je pense que cette crise peut avoir un effet positif de rebond si nous nous organisons correctement mais j'ai bon espoir que cela soit le cas.

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