
L’hôtellerie de plein air française aborde un tournant stratégique. Derrière des résultats 2024 contrastés, entre recul des nuitées domestiques et envolée de la demande premium, se dessinent les lignes de transformation d’un secteur à la croisée des chemins. Face à la montée en puissance de ses voisins européens, à la pression du changement climatique et à l’érosion progressive de son parc, la filière doit repenser son modèle. Modernisation de l’offre, attractivité territoriale et accompagnement public structurant s’imposent plus que jamais pour préserver un pilier majeur du tourisme français.
Comment performe l’hôtellerie de plein air française ?
Une saison 2024 en demi-teinte
Après une saison record en 2023, les acteurs de l’hôtellerie de plein air avaient de fortes attentes mais la saison 2024 n’a pas exaucé tous leurs souhaits. En effet, la fréquentation des campings tricolores a diminué de 0,3%, s’établissant à 141,18 millions de nuitées d’après les données de la Fédération Nationale de l’Hôtellerie de Plein Air (FNHPA).
Un recul léger dû aux mois de juin et juillet où la météo capricieuse, les élections législatives et les vacances scolaires tardives ont découragé bon nombre de touristes. Mais c’est sans compter sur le dynamisme des mois de mai et d’août, porté notamment par un afflux important de visiteurs étrangers (+4,6%). Pour beaucoup de régions, ce mois d’août a même été le plus important qu’elles n’aient jamais connu.
Une clientèle étrangère qui a généré 36,4 millions de nuitées dans les campings français, soit 30% de la fréquentation totale. Sans surprise ce sont majoritairement les Européens de proximité qui tirent ces chiffres vers le haut, en particulier les Néerlandais (+7%). Parallèlement, la proportion de clientèle domestique diminue légèrement (-1%).
Un bilan contrasté selon les zones
La fréquentation des campings littoraux est également en recul (-1%), bien qu’ils représentent toujours plus de la moitié des nuitées. Tous les littoraux sont concernés par cette baisse, à l’exception des Hauts-de-France qui enregistrent une hausse des nuitées (+2,7%) ainsi que de l’Occitanie et de la Nouvelle-Aquitaine qui restent stables.
Et si les Jeux Olympiques et Paralympiques ont pu booster la fréquentation hôtelière de Paris, les campings franciliens ne tirent pas le même constat. En effet, ces sites enregistrent une baisse conséquente de leur fréquentation durant la période estivale (-8,8%).
A contrario, la montagne confirme son attractivité avec un nombre de nuitées en hausse de +5,3% sur la période mai-août, boostant les performances de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Les territoires ruraux ont également bénéficié de cette bonne dynamique (+1%), attestant de l’appétence prononcée pour la nature des campeurs.
Une saison 2025 prometteuse
La saison touristique débute sous de bons auspices avec un week-end de Pâques qui affiche une légère avance de réservations (+1%). Un signal positif dans une année où le calendrier scolaire est plus favorable qu’en 2024. Et cette dynamique est autant portée par la clientèle domestique qu’étrangère, notamment les Allemands et les Italiens dont les réservations sont en hausse.
Si les mois de mai et juillet enregistrent un léger retard en termes de réservations, août et juin devraient aisément rattraper cela. Tout comme en 2024, les tendances varient selon les zones avec un littoral méditerranéen qui prend de l’avance tandis que la façade Atlantique accuse un léger retard.
Seules deux régions affichent par ailleurs des taux de réservation en-deçà des niveaux de 2024, à savoir le Centre – Val de Loire et l’Ile-de-France, s’inscrivant ainsi dans la même dynamique qu’elles connaissaient l’année dernière. A l’inverse, la Provence-Alpes-Côte d’Azur, les Hauts-de-France et l’Auvergne-Rhône-Alpes poursuivent sur leur lancée positive.
Si le Sud de la France demeure le moteur de l’hôtellerie de plein air tricolore, les campeurs semblent s’intéresser de plus en plus à une autre typologie de destinations. Le changement climatique n’est sans doute pas étranger à ce phénomène. Le dynamisme des Hauts-de-France s’explique également par une montée en gamme de l’offre et un développement soutenu des groupes d’hôtellerie de plein air selon Nicolas Dayot, Président de la FNHPA.
Qui sont les campeurs du 21ème siècle ?

Le rapport qualité-prix en première motivation de séjours
« L’hôtellerie de plein air est un amortisseur de crise pour une partie de la population et leur permet de partir en vacances dans un cadre contraint du pouvoir d’achat » explique Jérôme Fouquet, Directeur du département Opinion de l’IFOP, dans le cadre d’une étude menée pour le compte de la FNHPA.
Si la moitié de la fréquentation des hébergements collectifs en France est réalisée par l’hôtellerie de plein air, ce n’est pas un hasard. En effet, les campings permettent à de nombreux foyers modestes de s’offrir des vacances. Alors que 40% des Français ne partent pas en vacances chaque année, ce secteur joue plus que jamais un rôle essentiel tant sur le plan économique que social.
Un rôle tel que 83% des sondés considèrent que le camping va être de plus en plus privilégié pour des raisons économiques dans le contexte actuel. Et c’est justement le rapport qualité-prix qui est spontanément cité comme le principal atout de ce mode d’hébergement (29%), suivi par la convivialité (19%) et la liberté (14%) par les Français, campeurs ou non.
Des raisons de choisir ce mode de vacances qui sont encore davantage mis en avant par les campeurs confirmés, qui citent également la proximité avec la nature (32%), les équipements de loisirs (30%) ou encore le confort comme à la maison (23%). Le programme d’animations, le côté « all inclusive » et l’habitude sont quant à eux ex-aequo (14%).
Et ces touristes ont une idée très précise de ce qu’ils attendent des vacances en camping, avec en premier lieu un accès à une zone de baignade (71%) que ce soit grâce à la proximité avec la mer (47%) ou bien la présence d’une piscine (43%). Une offre d’hébergements locatifs confortables est tout aussi essentielle (45%) tandis que l’offre de restauration semble importante dans une moindre mesure (22%).
Une clientèle populaire et familiale…
Les familles sont historiquement le cœur de cible de l’hôtellerie de plein air et cette affirmation reste d’actualité. Sur l’ensemble des personnes ayant déclaré avoir séjourné en camping au cours des 3 dernières années, 48% étaient des familles. Et le plus souvent ce sont de grandes familles avec deux enfants ou plus (57%).
La pratique du camping est généralement une expérience familiale, et cela se transmet de génération en génération. En effet, 59% des campeurs déclarent avoir découvert ce mode d’hébergement en partant en vacances avec leurs parents durant leur jeunesse. Et 33% d’entre eux sont même partis exclusivement en vacances au camping depuis leur plus jeune âge.
Le bon rapport qualité-prix qui caractérise l’hôtellerie de plein air explique qu’autant de Français soient des campeurs fidèles. Un argument économique de taille qui attire particulièrement les CSP les plus modestes, 85% ayant une bonne image du camping. Si un grand nombre d’entre eux héritent de cette pratique par leurs parents, 46% fréquentent aujourd’hui les campings pour des raisons budgétaires alors qu’ils avaient d’autres habitudes de vacances par le passé.
En outre, le profil du campeur moderne ne se résume pas exclusivement à sa catégorie socio-professionnelle. Bien qu’une grande majorité appartienne à la classe populaire, le sport et la culture font pleinement partie de leurs centres d’intérêt avec 77% d’entre eux pratiquent la randonnée tandis que 73% visitent régulièrement des sites culturels et patrimoniaux. Autant d’activités qu’ils s’attendent par ailleurs à retrouver durant leurs séjours au camping (72%).
… mais plus seulement
Si l’hôtellerie de plein air est un acteur à part entière du tourisme social grâce à ses prix attractifs, elle n’attire pourtant pas que des foyers modestes comme beaucoup le pense à tort. D’après un rapport publié par Pitchup, la requête « luxe » lors de la phase de recherche pour un camping a augmenté de +2253% en 2024.
Et cette quête de vacances haut de gamme est confirmée par la fréquentation en hausse des campings 4 et 5 étoiles. Selon les chiffres de l’INSEE pour le troisième trimestre de 2024, ces catégories premium ont totalisé 63,6 millions de nuitées, soit une progression de +1,4%. Cela représente 61% de l’ensemble des nuitées en camping.
Une recherche de confort qui se traduit également par le succès grandissant que rencontrent les emplacements équipés. Ces emplacements ont progressé de +2% au cœur de la saison 2024, atteignant ainsi 69 millions de nuitées. Parallèlement, les emplacements nus ont vu leur fréquentation légèrement diminuer (-1%).
Comment se porte le marché de l’hôtellerie de plein air française ?

Attention au déclassement touristique
« 2025 est une année de grand basculement » prévient Nicolas Dayot, faisant référence à la perte de vitesse de la France sur le plan touristique. L’Hexagone fait face à une concurrence accrue des autres pays européens, l’Italie l’ayant devancé en termes de nuitées touristiques en 2024 et la relayant ainsi à la 3ème place du podium.
Un podium dont la France pourrait bien être prochainement exclue avec la montée en puissance de l’Allemagne qui la talonne désormais. Par ailleurs, l’ensemble des pays européens observent une hausse des nuitées en 2024 au regard de l’année précédente, à l’exception de la France qui enregistre un recul de -2,2% selon Eurostat.
Si la France était autrefois le leader touristique incontesté en Europe, les choses ont bien changé aujourd’hui. Elle doit notamment faire face au dynamisme de l’Espagne et de l’Italie qui ont toutes deux profité d’investissements stratégiques, d’une modernisation de leurs parcs ainsi que des politiques de soutien fortes et ambitieuses.
Une action coordonnée entre les acteurs du secteur et le gouvernement est donc primordiale pour stopper ce phénomène de perte de parts de marché. Si la France continue sur sa lancée actuelle, Nicolas Dayot alerte sur un réel déclassement de la destination, ce qui mettrait en péril des milliers d’emplois et fragiliserait un secteur clé de l’économie nationale.
Le Président de la FNHPA souligne la nécessité de se doter d’une réelle stratégie nationale pour le tourisme. La Fédération rappelle par ailleurs le rôle central que joue l’hôtellerie de plein air dans les chiffres du tourisme français. Le secteur a connu une augmentation de près de 40 millions de nuitées entre 2010 et aujourd’hui, permettant ainsi d’éviter un recul plus marqué de la fréquentation touristique du pays ces dernières années.
Un marché qui se réduit d’année en année
Le parc hôtelier de plein air français est aujourd’hui le plus important d’Europe et le second plus grand à l’échelle mondiale après les Etats-Unis. Et l’industrie représente par ailleurs près de la moitié des nuitées estivales de la France. Pourtant la santé de ce secteur est plus fragile que jamais avec un parc qui ne cesse de diminuer année après année. D’après la FNHPA, la France a perdu près de 1 600 campings depuis le début du siècle, passant ainsi de plus de 9 000 terrains aménagés en 2000 à seulement 7 400 aujourd’hui.
Un phénomène qui dénote dans le paysage européen puisque le reste des pays voit leur nombre de terrains aménagés soit progresser ou se stabiliser. Et cette tendance ne devrait pas aller en s’améliorant car sur les 7 460 campings qu’abrite la France, « seulement » 4 000 performent réellement bien selon Nicolas Dayot.
Un parc qui comptabilise également 3 000 campings de moins de 70 emplacements, majoritairement municipaux, et ce sont précisément ces terrains qui sont en danger selon le Président de la FNHPA. En effet, ces campings sont vieillissants tant en termes d’images que d’infrastructures et selon lui ils sont voués à disparaitre car ils ne répondent pas aux attentes des campeurs modernes.
Et dans les décennies à venir ce seront des centaines de sites en danger en raison de contraintes environnementales et climatiques. « Le changement climatique pourrait être dévastateur pour le secteur » prévient Nicolas Dayot. A cela s’ajoute également des contraintes réglementaires empêchant la création de nouveaux campings et entravant l’évolution de terrains existants. Un défi des plus complexes pour les acteurs du secteur qui attendent beaucoup de la part de l’État pour les aider à le relever.
La FNHPA se mobilise aux côtés des acteurs pour enrayer cette tendance à la baisse, œuvrant notamment pour la sauvegarde de tous ces petits campings garants d’une offre diversifiée et accessible. Pour ce faire, la Fédération peut compter sur le soutien de la Banque de Territoires pour financer un plan d’accompagnement visant à repositionner et redynamiser tous ces acteurs certes petits mais clé de l’hôtellerie de plein air.
Rendez-vous la semaine prochaine pour la suite de cette analyse sur l'évolution de l'hôtellerie de plein air avec un focus sur la structuration de l'offre, entre l'essor des groupes et réseaux et l'arrivée massives de fonds d'investissements.


Fédération Nationale de l'Hôtellerie de Plein Air (FNHPA)
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