Étienne Page : « Chez Yelloh! Village, c’est avant tout une affaire de familles »

9 min de lecture

Publié le 23/06/25 - Mis à jour le 25/06/25

Etienne Page

À l’occasion des 25 ans de Yelloh! Village, nous avons rencontré Étienne Page, Directeur général du groupe depuis 2017. Le groupe s’est imposé au fil des années comme une référence en matière de qualité, d’innovation et de distribution directe. Avec plus de 100 campings répartis en France et en Europe, le groupe célèbre aujourd’hui un quart de siècle de croissance, de diversification et de fidélité à son ADN familial. Dans cet entretien, Étienne Page revient sur les grandes étapes du développement du réseau, partage sa vision du secteur, et évoque les défis actuels, de la transformation RSE à la pénurie de talents, sans oublier les ambitions internationales de Yelloh ! Village.

À l’occasion des 25 ans de Yelloh! Village cette année, pouvez-vous revenir sur la création et le développement du groupe ? 

Étienne Page : Le groupe a été fondé au tout début des années 2000 par quatre propriétaires de campings qui poursuivaient deux objectifs. D’abord, créer une marque de qualité. Chacun a apporté le meilleur de son établissement et cela a servi de base pour établir les standards de qualité de Yelloh! Village. Il s’agissait principalement de campings quatre étoiles car à l’époque, il n’en existait pas encore en cinq étoiles. Ils ont voulu bâtir une marque solide, fondée sur cette exigence. 

Le second objectif, c’était de préserver la distribution directe, à un moment où l’essor d’Internet inquiétait, avec l’arrivée des tours opérateurs sur ce secteur. Ils ont donc voulu s’organiser pour garder la main sur leurs canaux de commercialisation. Vingt-cinq ans plus tard, on peut dire que c’est une réussite : nous comptons aujourd’hui plus de 100 campings et avons su maintenir notre exigence qualitative tout en maîtrisant notre distribution directe. 

Quels ont été, selon vous, les moments les plus marquants au cours de ces 25 années ? 

Camping Yelloh Village Les Grands Pins
Camping Yelloh! Village Les Grands Pins (Lacanau)

Étienne Page : Il y en a plusieurs. Sur le plan produit, Yelloh! Village a souvent été précurseur : les premiers à installer de véritables parcs aquatiques, à proposer des spas, des quartiers premium, ou encore des sanitaires privatifs sur emplacements nus. Ce sont des innovations importantes qui ont jalonné notre développement. Nous avons aussi innové en communication : dès 2006, nous étions les premiers à lancer une campagne télévisée. 

Et côté croissance, le réseau s’est développé de manière régulière. Deux années ont été particulièrement marquantes : 2015, avec plus de quinze campings intégrés, et l’an dernier, avec douze nouveaux sites. Habituellement, nous intégrons quatre ou cinq campings par an, car nous sommes très attentifs à la qualité des profils entrants. Nous recevons plus de demandes que nous n’acceptons, ce qui nous permet de rester exigeants. 

Il y a bien sûr eu le Covid. Par chance, le camping a été relativement épargné. Nous avons pu rouvrir à l’été 2020, certes avec des protocoles très stricts, mais cela nous a permis de sauver la saison et, surtout, de préserver notre clientèle, ce qui a facilité la reprise les années suivantes. 

Vous dites avoir plus de demandes que vous n’acceptez de dossiers. Sur quels critères vous basez-vous pour intégrer un nouveau camping au sein de Yelloh! Village ? 

Étienne Page : D’abord, nous avons une charte qualité très rigoureuse, avec plus de 500 critères. Le camping candidat doit en respecter au moins 80 %. Mais ce n’est pas tout. Nous prêtons une grande attention à la philosophie du propriétaire. Nous recherchons des personnes prêtes à investir, à s’inscrire dans la durée. Nous n’avons pas vocation à faire croître la valeur d’un site pour qu’il soit revendu trois ou quatre ans plus tard. 

Chez Yelloh! Village, c’est avant tout une affaire de familles. Beaucoup de nos membres en sont à leur deuxième, voire troisième ou quatrième génération. Nous voulons maintenir cette vision patrimoniale. 

De nombreux campings sont nés dans les années 60–70, souvent créés par des agriculteurs propriétaires de terres. Ils ont un lien fort avec leur environnement, ce qui nous correspond bien. 

La particularité de Yelloh! Village, c’est que notre franchise est pilotée exclusivement par des propriétaires exploitants. Aucun fonds d’investissement n’intervient dans notre gouvernance, et ce n’est pas un hasard.

Cela signifie-t-il que vous refusez systématiquement les fonds d’investissement ? 

Étienne Page : Oui. Ce n’est pas une posture idéologique, simplement une divergence de temporalité. Un fonds vise souvent un retour à 5 ans, là où nous construisons des stratégies à 20 ans. Cela change tout en matière d’investissements. 

Par ailleurs, nous restons très attachés à l’esprit du camping : 40 % de notre offre concerne encore les emplacements nus. C’est un choix assumé, alors que beaucoup les ont réduits pour des raisons de rentabilité. Ces emplacements font partie de notre ADN. Ils favorisent la mixité entre clients en locatif et campeurs traditionnels, et sont particulièrement plébiscités par notre clientèle nord-européenne. 

Camping Les Trois Vallées
Camping Yelloh! Village Les Trois Vallées (Midi-Pyrénées)

Avez-vous observé une évolution des comportements ou des attentes de vos clients ces dernières années ?

Étienne Page : Oui, notamment depuis le Covid. De nouveaux profils de vacanciers sont arrivés dans le monde du camping, parfois sans aucune expérience du plein air. Certains, par exemple, arrivaient avec leur tente… et demandaient qu’on la monte pour eux. 

De manière plus globale, les clients sont en quête de qualité et de services. Ceux-là réservent de plus en plus tôt, pour s’assurer les meilleurs emplacements ou logements. 

À l’inverse, l’inflation a aussi rendu certains clients plus attentifs à leurs dépenses, sans pour autant sacrifier leur budget vacances. Ils consomment parfois moins sur place, que ce soit au restaurant ou au bar, mais ils cherchent toujours un bon rapport qualité-prix. 

Comment s’annonce la saison estivale 2025 pour les campings Yelloh ! Village ? 

Étienne Page : Plutôt bien. Il y a bien sûr des disparités régionales, notamment liées à la météo. Par exemple, un printemps pluvieux peut impacter les réservations dans certaines zones. Cette année, la Bretagne, la Normandie ou la Picardie ont connu des ralentissements à cause d’un été 2024 humide. 

Mais globalement, la haute saison 2025 s’annonce satisfaisante. Les réservations ont bien progressé, et nous avons même pris un peu d’avance en chiffre d’affaires et en nombre de nuitées par rapport à l’an dernier. 

Est-ce que vos clients réservent plus tôt qu’avant ? 

Étienne Page : Oui, surtout notre clientèle fidèle. Nous ouvrons nos réservations en novembre, et fin janvier, la moitié de notre chiffre d’affaires est déjà engagée. Cela nous donne une bonne visibilité. Aujourd’hui, 90 % des nuitées prévues pour la saison sont déjà réservées. Il reste 10 % à commercialiser, ce qui nous place dans une bonne dynamique. 

Avez-vous de nouveaux projets de développement à court terme ? 

Étienne Page : Pour la saison prochaine, nous allons intégrer un camping à Erquy, en Bretagne, ainsi que le Holiday Green à Fréjus, que nous avons intégré exceptionnellement en mai, en cours de saison. 

Plus intéressant encore, nous allons accueillir un camping en Cantabrie, dans le Pays basque espagnol. Ce projet a une dimension familiale, puisqu’il s’agit d’un propriétaire déjà franchisé Yelloh! en France, qui investit dans un nouvel établissement en Espagne. Ce type de développement, initié par nos franchisés eux-mêmes, correspond parfaitement à notre vision. 

Camping Gavina Creixell
Camping Yelloh! Village Gavina Creixell, Costa Dorada (Espagne)

Ce développement en Espagne s’inscrit-il dans une stratégie plus large à l’international ?

Étienne Page : Oui, nous souhaitons nous développer en Europe du Sud. Nous sommes en discussion pour entrer en Croatie, et nous avons aussi des ambitions en Italie et en Grèce. Le modèle de franchise y est encore peu connu, donc il faut convaincre. 

Ces discussions prennent du temps, d’autant que les campings indépendants parviennent encore à se commercialiser efficacement, contrairement à ce qu’on observe désormais en France ou en Espagne. Mais nous savons que cela évoluera, et nous voulons être prêts. 

Vous avez récemment lancé une collaboration avec la fondation « Je pars, tu pars, il part ». Pouvez-vous nous en dire plus ? 

Étienne Page : Pour nos 25 ans, nous cherchions un projet à impact, qui aille au-delà de la simple célébration interne. L’idée est née de notre ADN social : l’hôtellerie de plein air est historiquement accessible à une grande diversité de clientèles. Chez Yelloh! Village, nous proposons aussi bien des emplacements nus à 15 € la nuit que des hébergements premium à plus de 200 €. Cette mixité fait partie de notre identité. 

En s’associant à la fondation, nous avons voulu permettre à des familles éloignées des vacances de découvrir un camping cinq étoiles. De nombreux établissements ont joué le jeu. Ce n’est pas évident, car nous fonctionnons en franchise : chaque camping est une entité indépendante, il faut donc convaincre individuellement. 

Nous avons reçu de très beaux retours de familles qui ont pu bénéficier de ce moment hors du quotidien. Cela donne du sens à notre action. 

Cette action s’inscrit-elle dans une démarche RSE plus large de la part du groupe ?

Étienne Page : Oui, tout à fait. La RSE est devenue incontournable, et nous l’abordons aussi bien sous l’angle environnemental que sociétal. Beaucoup de nos franchisés sont des agriculteurs de formation, profondément connectés à leur environnement. Ils ont toujours travaillé avec sobriété, notamment sur la gestion de l’eau ou des ressources. 

Mais nous avons encore du mal à communiquer là-dessus. Nous voulons éviter toute accusation de greenwashing : nous ne voulons parler que de ce qui est concret, vrai, vérifiable. 

Nous avons aussi des initiatives intéressantes pour sensibiliser les vacanciers, comme ce jeu organisé dans certains campings où les enfants doivent éteindre les lumières inutiles, avec un compteur d’énergie affichant la consommation en temps réel. C’est ludique, éducatif, et cela responsabilise les familles.

Camping Yelloh Village Le Brasilia
Camping Yelloh! Village Le Brasilia (Roussillon)

 Est-ce que le recrutement, notamment des saisonniers, est un enjeu fort pour vous aujourd’hui ? 

Étienne Page : C’est même une vraie problématique. Comme beaucoup dans le secteur, nous avons des difficultés à recruter, que ce soit des saisonniers, des animateurs, ou même des postes en CDI dans la restauration ou la gestion. 

C’est un sujet que nous prenons à bras-le-corps. Nous travaillons avec les écoles de tourisme pour mieux faire connaître nos métiers. Quand je prends la parole devant 300 étudiants, tous veulent devenir directeurs d’hôtel… aucun ne pense à devenir directeur de camping. Pourtant, les responsabilités sont comparables, et l’environnement de travail est souvent plus riche. 

Nous renforçons donc notre communication pour valoriser les métiers du camping. Nous collaborons avec une école pour créer un cursus dédié à la direction de camping, où nous pourrions intervenir directement pour partager nos exigences de qualité. C’est complexe à mettre en place, notamment à cause de la répartition géographique de nos campings, mais nous espérons aboutir à une solution, peut-être sur deux sites.

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