C’est un moment un peu particulier, car nous célébrons les 30 ans du Hospitality Operator Forum. Trente ans, c’est long, presque une génération et demie. Je me souviens, il y a une trentaine d’années... Aujourd’hui, nous sommes tous très inquiets : que va-t-il se passer dans les mois qui viennent ? Quelle sera la tendance, la conjoncture ? 

Mais il y a 30 ans, vous souvenez-vous de la manière dont nous faisions des statistiques hôtelières ? Nous allions sur le parking des hôtels, nous comptions les chambres allumées pour estimer le taux d’occupation. Sinon, nous nous glissions discrètement à la réception pour jeter un œil au nombre de clés encore accrochées derrière le desk. C’était ça, notre data. 

Depuis, nous avons parcouru un sacré chemin. Et nous avons été collectivement très heureux de contribuer à structurer davantage ce secteur, à lui donner plus de visibilité, plus de lisibilité, plus de certitudes. C’était notre mission dès le départ, une mission que nous avons prise à bras-le-corps il y a une trentaine d’années. 

À l’époque, nous recevions les statistiques par fax. L’objectif, c’était déjà d’instaurer de la transparence, de la confiance sur le marché, et de permettre aux banques de prêter. Il faut se rappeler qu’à l’époque, les taux d’intérêt oscillaient entre 12 et 14 %, avec des prêts mezzanines assez exotiques. 

L’hôtellerie, ce n’était pas du tout un secteur mainstream. Il a fallu l’industrialiser, notamment avec le développement de concepts d’hôtellerie économique standardisés. Cela a duré une vingtaine d’années, et nous avons contribué, chacun à notre place, à cette transformation. 

Aujourd’hui, à nouveau, nous faisons face à de nombreuses incertitudes. Comme il y a 30 ans, nous nous interrogeons : que nous réserve l’avenir ? Quelle rupture l’intelligence artificielle va-t-elle provoquer ? Serons-nous capables de nous y adapter ? 

Nous vivons un momentum bien particulier. Dans notre « famille de l’hospitalité », nous en sommes à un autre stade. Entre partenaires, entre investisseurs et opérateurs, nous vivons un nouveau moment, plus mature. C’est une étape où il nous faut redéfinir les leviers de valeur de chacun dans cette équation. 

Depuis 30 ans, les partenaires investisseurs ont appris à comprendre le modèle opérationnel. Ils savent désormais gérer des hôtels, savent identifier les gisements de valeur, et ont développé de véritables expertises. De leur côté, les opérateurs sont là pour créer des marques, de l’attractivité, des concepts différenciants, pour instaurer un premium de rentabilité, et pour accompagner les grandes transitions, notamment celle de l’IA. 

Il est donc essentiel qu’ensemble, avec sérénité, nous redéfinissions de nouveaux horizons, de nouvelles formes de coopération, pour prolonger encore 30 années de prospérité dans notre secteur. C’est, en tout cas, la mission que nous nous sommes donnée. 

Chez MKG Consulting, nous savons comment continuer à jouer ce rôle de force vertueuse, au service de la prospérité de l’ensemble des acteurs ici présents, et même au-delà. 

Aujourd’hui, nous faisons face à l’intelligence artificielle. C’est une transformation passionnante. L’IA va nous amener des évolutions très fines. Et d’abord, elle vient valider une chose : notre modèle est extraordinairement solide et pérenne. 

Un juriste ou un comptable ? Leur compétitivité face à une IA ne tiendra probablement pas longtemps. C’est une affaire de semaines, de mois. Mais nos métiers ? Les métiers du contact, du service, de l’accueil, ceux où l’on agit avec empathie, avec sincérité, où l’on construit une expérience, un service… Ces métiers-là ont un avenir. Mieux encore, ils prennent de la valeur. 

Nous pourrons dire à ces jeunes diplômés : votre vraie compétence, c’est votre humanité. Votre cœur, votre disponibilité à l’autre, votre capacité à vous enrichir personnellement en vous engageant dans ces métiers. 

C’est une responsabilité collective que de porter ce message. Je suis convaincu que l’IA va renforcer la valeur de nos métiers. Les gens seront tellement saturés de transactions automatisées qu’ils auront besoin de retrouver un contact humain sincère. Nos hôtels, nos établissements, nos lieux de vie deviendront des interfaces précieuses. Ils continueront à gagner en valeur. 

J’avais écrit un édito où je parlais de “la revanche de la tête sur la main et le cœur”. Je crois que nous vivons pleinement ce moment. Et c’est une bonne chose : l’IA va accroître notre valeur. 

Mais pour que cette valeur soit délivrée, il faudra également des gains de productivité. Et c’est ici que l’IA nous sera extrêmement utile. Comment, dans un établissement à forte intensité opérationnelle, génère-t-on des gains de productivité ? Comment fait-on un lit ? Comment nettoie-t-on une salle de bain ? Comment sert-on un buffet ou une table ? Ce sont des gestes complexes à automatiser. 

J’en discute régulièrement avec des spécialistes. Certains me disent : la robotique arrive. Peut-être, nous verrons. Prenons les révolutions une par une. Concentrons-nous d’abord sur celle-ci. 

Notre défi, collectivement, c’est de définir les standards de transformation de l’IA dans nos métiers. Car, contrairement au droit ou à l’informatique où l’IA peut immédiatement générer 80% de productivité supplémentaire, ce ne sera pas notre cas. Nous ne disposerons pas d’un levier unique, massif, mais d’une multitude de micro-sujets, dans lesquels nous allons devoir insuffler de l’intelligence, de l’IA, pour libérer notre potentiel de création de valeur autour de l’humain, du service, de l’expérience. 

Je vous propose donc que, pour les années à venir, nous poursuivions cette démarche ensemble. Que nous cherchions, collectivement, les bonnes pratiques, que nous réfléchissions, que nous construisions un consensus. Ensuite, chacun exprimera ses talents, ses spécificités. 

Notre contribution, à nous, elle est quotidienne. Mais elle passe aussi par ces événements que nous organisons pour réfléchir ensemble, pour continuer à grandir, à évoluer, à nous transformer en tant qu’industrie.