
Bénéficiant du redressement judiciaire en avril 2024 à sa demande, le groupe Machefert, qui comprend une vingtaine d’hôtels en France et au Maroc, a choisi cette situation pour se protéger de la pression intense de son principal créancier, le fonds Fortress. Le CEO Kevin Machefert prévoit de s’appuyer sur un nouveau fonds partenaire pour apurer sa dette et sortir de procédure collective. Plusieurs options sont à présent à sa main, combinant cessions de quelques actifs et refinancement, pour mieux repartir en développement.
Dans un entretien exclusif, Kevin Machefert, CEO du groupe éponyme, a décrypté sa stratégie des prochains mois, notamment pour répondre face à de multiples rumeurs et informations hâtives qui laissaient penser à une cession complète du groupe.
Quel est le contexte actuel de votre situation financière ?
Sans revenir en détail sur toutes les raisons qui ont conduit à notre mise en redressement judiciaire, la crise sanitaire nous a beaucoup affecté et généré un endettement d’une centaine de millions d’euros, porté essentiellement par le fonds Colony Capital. Celui-ci a cédé cette dette à un autre fonds, en l’occurrence Fortress, qui nous a mis une pression considérable pour accélérer les échéances de remboursement. La procédure de sauvegarde engagée en 2022 et la décision de bénéficier de la protection du tribunal en avril dernier étaient des mesures préventives qui nous donnaient le temps de trouver un nouveau partenaire financier et d’envisager les meilleures options pour sortir de cette situation, que je considère provisoire.
Qu’est-ce qui justifie votre optimisme pour sortir par le haut, alors qu’on vous présente parfois comme une entreprise en difficulté ?
Depuis la fin de la crise sanitaire et la mise en place de notre plan triennal « Réputation », l’activité a fortement repris et nous dégageons à nouveau des marges opérationnelles satisfaisantes et en progression constante. Nous avons par ailleurs inauguré 3 nouveaux restaurants et 2 nouveaux hôtels, à savoir La Dépendance et le Kraft à Paris. Le développement reprendra également avec des ouvertures, des extensions et de nouveaux projets.
Il vous reste néanmoins à résoudre ce problème de dette. Est-ce pour cela que vous avez ouvert un appel d’offres pour la cession d’actifs ?
C’est notre administrateur judiciaire, la SCP Abitbol, qui a pris l’initiative en janvier dernier de lancer un appel d’offre pour apurer plus rapidement la dette. Très honnêtement, je n’y étais pas favorable car j’y voyais un mauvais signal lancé au marché. Mais quand je vois la réaction de ce marché et la valorisation du groupe à travers la réception de plus d’une centaine d’offres, je rends hommage à l’administrateur de cette initiative.
Qu’est-ce qui a justifié ce changement d’avis ?
Selon le nouveau partenaire qui va nous accompagner et les différentes valorisations que nous avons commandées à plusieurs auditeurs et experts, la valeur de notre groupe dépasse largement les 500 millions d’Euros, soit quatre à cinq fois son passif. Si je retiens la moyenne des 170 propositions sur des périmètres variés, émanant des 52 acquéreurs potentiels de nos actifs, on est très loin d’une vente à la casse comme certains veulent le faire croire. Cela veut dire que j’ai la possibilité, en concertation avec notre administrateur et le tribunal, de combiner un refinancement de la dette par la cession contrôlée de quelques actifs et le recours au fonds partenaire qui pourra dégager des ressources supplémentaires pour poursuivre le développement.
Rassuré car l’épée de Damoclès qui pendait sur notre tête est en passe de disparaître ; hésitant car je dois faire les meilleurs choix pour les quelques cessions.
Dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui ?
A la fois rassuré et positivement hésitant. Rassuré car l’épée de Damoclès qui pendait sur notre tête est en passe de disparaître ; hésitant car je dois faire les meilleurs choix pour les quelques cessions.
Quel est votre échéancier à court et moyen terme ?
Une fois les cessions réalisées après la levée des offres que nous aurons choisies et l’apport de notre partenaire, il appartiendra au tribunal de Commerce de réévaluer notre situation et de nous faire sortir de l’administration judiciaire, dès ce mois d’avril. Nous pourrions repartir avec zéro dette, reprendre les capex et de nouveaux financements pour le développement.
Vous faites référence régulièrement à ce nouveau partenaire financier, n’êtes-vous pas en train de vous mettre dans de nouvelles mains hostiles ?
Je tiens à rester discret sur le nom de ce nouveau partenaire, mais je peux vous dire que ce n’est pas un fonds vautour. C’est un fonds en private equity qui est prêt à nous accompagner sur la durée.
Nous avons d’ores et déjà identifié un gros projet de 105 chambres à 1 h de Paris, un autre projet à la montagne. On se donne trois ans pour faire cinq très beaux projets et redévelopper la plateforme. Si nous nous orientons vers une réduction temporaire de la voilure, c’est pour repartir sans dette et financer le développement de manière plus musclée. Les proportions sont encore à définir et c’est un vrai choix cornélien.
