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Janvier 2010 France : une conjoncture toujours morose

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Publié le 10/03/11 - Mis à jour le 17/03/22

Le premier mois de l’année 2010 a laissé les hôteliers sur leur faim. Ceux-ci pouvaient espérer un résultat dans la lignée de celui de décembre 2009, marqué par un recul limité du RevPAR (-2,7%). Il n’en est rien : le RevPAR s’est encore infléchi de 4,4%, s’ajoutant à une baisse de -7% l’année précédente. La réelle déception vient de la fréquentation qui se replie de -2,2 points. L’hiver rude a désorganisé les transports et l’absence de salons comme le Sirha de Lyon, une manifestation biennale qui tombe les années impaires, ont pu peser dans la balance. Mais le constat est net : l’activité globale bat toujours de l’aile et la France est allée en janvier à contre-courant de la tendance européenne où les TO sont en progression pour la première fois depuis de longs mois.

La bonne fréquentation des stations de sports d’hiver n’a pas pu compenser une fréquentation toujours en dents de scie. Comme en 2009, les hôteliers français restent pénalisés par les politiques de voyages toujours restrictives de la part des entreprises. L’activité Affaires est molle sur le plan domestique, pénalisant l’hôtellerie économique et milieu de gamme. L’hôtellerie de province qui avait résisté plus longtemps au retournement de cycle constate des résultats toujours plombés alors que la fréquentation des 4* dans les plaques tournantes internationales - Paris, Côte d’Azur, mais aussi Toulouse - retrouve des couleurs. Ainsi, sur le plan national, le 4* enregistre pour une fois une progression de son TO. Mais, pour atteindre ce résultat, l’hôtellerie haut de gamme a été contrainte à consentir certaines largesses tarifaires (-5,4%). Dans le haut et milieu de gamme, la pression reste forte sur les prix moyens avec des contrats Corporate renégociés à la baisse et une quête permanente du meilleur tarif par les clients individuels. Heureusement, le mois de janvier est traditionnellement l’un des plus creux de l’année et ce résultat décevant ne devrait pas peser lourdement dans le bilan final de l’année 2010. En espérant que les onze mois à venir sauront inverser la courbe actuelle.Echantillon : les tendances fournies par la Base de données de MKG Hospitality sont fondées sur le traitement mensuel des indicateurs de performance de 3 500 hôtels, récoltés hôtel par hôtel, représentant 275 000 chambres. Cet échantillon, le plus large en France et en Europe, est en croissance régulière de 7 % l’an depuis 2004. Il inclut à ce jour la quasi totalité de l’offre des chaînes intégrées et un nombre de plus en plus important d’hôtels indépendants. Il représente 60 % du chiffre d’affaires réalisé par l’ensemble de l’hôtellerie française. _ Outils de suivi : au-delà des performances mensuelles, la Base de données de MKG Hospitality dispose d’un programme de suivi des performances quotidiennes - Hotelcompset Daily® - sur les principales places européennes. Il permet de suivre en temps réel l’évolution des places et des grands pays européens. La base de données conduit des missions d’analyse concurrentielle et d’information sectorielle pour le compte des investisseurs, des institutions financières, des organismes publics, ainsi que pour les chaînes internationales. _ Méthodologie : la Base de données de MKG Hospitality effectue chaque mois le traitement statistique des parts de marché de plus de 3 500 hôtels : analyse personnalisée des taux d’occupation, prix moyens et RevPAR face au marché concurrentiel, en fournissant des indices de performances et des indices de pénétration des marchés, avec plus de 20 ans d’historique. Les traitements respectent les règles de déontologie, de confidentialité et de maintien de la concurrence édictées par les autorités de l’Union européenne.Zoom sur le "Flop" du mois : Lyon bataille contre les cycles{• Grâce à la combinaison du Sihra avec ses 2 100 exposants et ses 140.000 visiteurs de près de 150 pays différents avec le congrès international de pneumologie de langue française et ses 5 000 participants, le mois de janvier 2009 avait été particulièrement actif sur l’agglomération lyonnaise. La comparaison avec l’activité du mois de janvier 2010 est donc particulièrement sombre avec une baisse de RevPAR supérieure à 25%.• Ville d’affaires, stimulée par ses activités industrielles autour de la pharmacie, de l’énergie, des hautes technologies, Lyon souffre des restrictions des déplacements professionnels. Elle est aussi une ville de tourisme d’affaires grands centres de congrès et de salons dont le rythme cyclique secoue les exploitations. Sa vocation touristique peine encore à s’affirmer, même si la Fête des Lumières et le patrimoine gastronomique attirent davantage les projecteurs médiatiques et l’intérêt des visiteurs.• Autour de l’Office du tourisme et des congrès du Grand Lyon, la riposte s’organise. Le Grand Lyon va revoir son schéma de développement hôtelier, et les instances du tourisme travaillent avec les hôteliers à l’harmonisation de leur offre pour gagner de nouvelles manifestations et faciliter l’accueil des participants en faisant partager au plus grand nombre la Lyon Welcome Attitude.}Eric Obeuf, directeur général du Sofitel Bellecour _ “Pour la catégorie hôtelière des 4* et 5*, la seule clientèle qui puisse nous faire vivre, c’est la clientèle Affaires et nous prenons aujourd’hui la crise de plein fouet, avec des notes de frais en fortes réduction et des déplacements professionnels qui s’amenuisent. Lyon est une ville d’affaires qui vit de manière terriblement cyclique. Dès que l’on constate l’absence d’une grande manifestation, nous entrons très vite dans une zone sinistrée. Malgré sa réputation et sa volonté, Lyon reste et restera une ville moyenne tant qu’elle n’aura pas un aéroport international digne de ce nom, qui permette des liaisons avec tous les continents et des voyages pratiques dans la journée avec le reste de l’Europe. A défaut, le marché international va rester marginal. La prise de conscience existe tant auprès des élus municipaux que des responsables du Tourisme, mais on n’a pas encore trouvé la recette qui augmente la fréquentation et la régularité des rendez-vous d’affaires. Devant les difficultés du marché, les enseignes ont trop souvent une politique commerciale irrationnelle et suicidaire. Il y a des niveaux tarifaires que l’on ne peut pas atteindre sans perturber gravement la perception du produit et la cohérence des étoiles. En gardant une grande rigueur tarifaire, je me heurte à des pratiques incohérentes de confrères aux abois.”Eric Giorgi, propriétaire des hôtels Lyon Métropole, Hôtel des Congrès et Villa Florentine _ “Il est vrai que le mois de janvier a été difficile pour la Villa Florentine et l’Hôtel des Congrès à Villeurbanne, en revanche nous avons fait un excellent mois à l’hôtel Métropole qui s’appuie sur une clientèle touristique grâce au spa de 3 000 m2 qui a ouvert il y a quelques années. Nous devons nous adapter aux conditions du marché dans une ville qui connaît une forte activité cyclique au rythme des salons et congrès, et c’est pour cela que nous avons transformé l’ancien club de tennis adjacent en spa en profitant de tout l’espace disponible. Nous avons désormais une bonne clientèle de fidèles de proximité et des clients étrangers de Suisse ou de Belgique qui viennent en week-end. Il est important de toucher une clientèle Loisirs qui commence à reconnaître les atouts de Lyon. La Fête des Lumières du 8 décembre nous aide bien et l’action de l’Office du tourisme va dans ce sens. En adhérant aux Relais & Châteaux avec la Villa Florentine, nous nous sommes ouverts sur une clientèle Loisirs qui a du potentiel. Nous allons profiter de l’espace encore disponible au Métropole pour construire une résidence hôtelière qui apportera encore une offre complémentaire. ”Jérôme Montantème, Président du Club Hôtelier Lyonnais _ “Je n’ai accepté la présidence du Club Hôtelier Lyonnais que pour avoir un rôle actif dans l’attractivité de la destination lyonnaise. Il est trop facile de trouver des responsabilités ailleurs face aux faiblesses réelles que nous entretenons, et notamment nous hôteliers. Notre part de marché des grands congrès est largement insuffisante et nous y sommes pour quelque chose avec des conditions commerciales très disparates, des engagements insuffisants, des prestations qui n’ont rien d’uniforme. Le Club a pris les choses en mains, avec le Bureau des congrès pour écrire les choses, noir sur blanc à travers une Charte congrès. Nous représentons quelque 2 000 chambres avec nos 35 hôtels en 3 et 4*, et le tourisme d’affaires est vital pour la bonne santé de nos affaires. Nous ne pouvons pas continuer à vivre avec des performances en dent de scie, en tirant la langue entre deux grands événements qui se font attendre. La mobilisation est réelle chez nos adhérents et nous avons ouvert le chantier aux résidences hôtelières et aux catégories économiques, car tout le monde est concerné. Nous avons pris en partie modèle sur ce qui se fait à Barcelone, Paris ou Vienne, qui ont une certaine avance en la matière. _ Au-delà de ce travail de formalisation, nous devons mettre en avant sans complexe les points forts de Lyon et insister inlassablement auprès de notre personnel sur leur rôle essentiel en matière de qualité d’accueil. C’est un combat que nous pouvons, que nous allons gagner. _ Il ne faut pas sous-estimer la capacité d’hébergement lyonnaise qui présente de fortes concentrations dans des quartiers bien reliés les uns aux autres. Ce sont comme autant de villages où les établissements sont proches les uns des autres. Même, si la décision se prend de construire un hôtel de grande capacité, comme navire amiral de la ville, il ne sortira pas de terre avant 5 ans. Va-t-on subir le marché en attendant ou se prendre en main ? C’est déjà pour cela que nous mettons en place un système de navettes efficace en place quand il le faut.”Entretien avec Jean-Michel Daclin Adjoint au maire de Lyon, vice-président du Grand Lyon chargé des relations internationales et du rayonnement de la villeL'activité cyclique du tourisme d'affaires sur Lyon est-elle une sorte de fatalité ? _ Si on regarde attentivement l’activité hôtelière lyonnaise, il y a bien sûr des piques et des creux selon les mois, mais au global nous arrivons à une croissance régulière. La résistance de l’activité en 2009 a été une bonne surprise pour les groupes hôteliers et on ne peut pas tout mettre sur le compte du Sirha de Janvier. C’est un travail plus régulier. Je nous considère comme des coureurs de fonds et pas comme des sprinters qui s’arrêtent après chaque accélération. Cela étant, il reste un problème important pour les hôteliers qui est celui des week-ends qui pèsent sur le niveau moyen de l’activité.Lyon ne semble pas avoir toute sa place dans l'univers porteur du tourisme urbain des grandes métropoles... _ Depuis trois ans, nous privilégions les opérations pour toucher davantage le segment du tourisme d’agrément, avec des actions marketing et des offres attractives de courts séjours. Le résultat commence à se faire sentir et nous sommes en train de faire basculer ce déséquilibre trop fort entre clientèle Affaires et Loisirs. Ce que les visiteurs touristiques attendent est de l’ordre de l’émotion et nous avons ce qu’il faut pour jouer sur ces émotions gastronomiques, culturelles, événementielles.Quelles actions allez vous conduire pour faire évoluer, si c'est nécessaire, le parc hôtelier lyonnais? _ Nous avons entrepris de revoir le schéma de développement hôtelier pour les années à venir. Il y a pas mal de projets dans les tuyaux qui portent sur des capacités moyennes et jusqu’à 200 chambres. Cela ne résout pas entièrement le problème de l’accueil de grandes manifestations. Avec un dialogue constructif avec les hôteliers, nous avons réussi à mieux gérer les allottements accordés en semaine - quand l’activité individuelle est déjà soutenue – pour gagner de grands congrès. Il nous manque cet établissement gros porteur qui serait un atout dans les appels d’offres.Les investisseurs semblent réticents face au risque que peut représenter ce projet... _ Nous serons présents fortement au salon de l’immobilier Mipim à Cannes cette année. Nous allons faire une grosse opération pour démontrer l’attractivité de la ville, les résultats déjà obtenus et la séduction que peut encore développer Lyon comme destination Affaires et Loisirs. Notre but est de convaincre des investisseurs de nous suivre sur ce projet de gros porteur.Valérie Ducaud , directrice du Bureau des Congrès et des Salons du Grand Lyon _ Notre objectif est de stimuler la venue des grandes manifestations à Lyon et nous devons revoir nos outils pour faire une offre commerciale compétitive face aux concurrents européens. Nous sommes en train de travailler avec le Club Hôtelier Lyonnais, avec une ouverture aux hôtels non membres du Club , sur une Charte congrès, qui harmonise les conditions générales de ventes et qui porte sur un engagement au minimum de 50% de la capacité de l’établissement pour faire une proposition efficace et cohérente aux gestionnaires d’hébergement des grands congrès, notamment associatifs. _ Par ailleurs, nous travaillons également sur le segment Salons, qui a la particularité intéressante de constituer des rendez-vous réguliers et pérennes, contrairement aux congrès. Nous cherchons à fidéliser et à améliorer l’organisation des grands événements existants, comme le Sihra ou Pollutec, avec le concept de Lyon Welcome Attitude créé il y a un an avec l’appui d’acteurs tels que le Sytral , l’aéroport, la SNCF et Eurexpo qui a été le «pilier» de cette démarche étant directement concerné puisque ces événements se tiennent sur ce site. C’est une mise en place spécifique, durant la durée du salon, de services d’accueil aux aéroports et dans les gares, de signalétique pour les navettes, de vente de pass de transport public dans les TGV et en gare… Tout un dispositif pour faciliter les flux et rendre la vie plus facile aux visiteurs et aux exposants. Nous travaillons aussi sur une autre piste, la création d’un package qui favorise la naissance de nouvelles manifestations pour enrichir le calendrier et inciter les organisateurs à choisir Lyon plutôt qu’une autre destination. _ En matière d’hébergement, Lyon dispose d’une capacité suffisante, 11 500 chambres d’hôtels dans le Grand Lyon et 4 500 supplémentaires en résidences hôtelières, pour accueillir de grandes manifestations. En revanche la capacité moyenne des établissements est assez faible. Pour un grand congrès de cardiologie récent, notre offre d’hébergement comportait 134 établissements pour 4 500 participants. C’était trop pour l’organisateur. La question d’un gros porteur haut de gamme revient régulièrement dans les discussions. Avec la crise économique et la baisse de catégories opérée par les congressistes, c’est un investissement risqué qui a sans doute moins de pertinence, même si nous manquons de capacité en haut de gamme. Pour autant, le parc hôtelier continue de grandir avec un projet multi-enseignes du groupe Accor sur la Part-Dieu, qui porte sur 300 chambres.Hôtellerie de chaînes - tous segments : Les tops et les flops des agglomérationsLyon ne fait pas la fine bouche. La tendance positive du SIRHA, le rendez-vous de la gastronomie mondiale, sur le RevPAR (+26,3% l’an dernier) s’est inversée le mois passé (-27,1%). Les établissements économiques ont limité la casse mais l’hôtellerie 4* de la capitale des Gaules a pris la crise de plein fouet (-37,5%). Le Nord n’est pas plus à la fête. Calais et l’agglomération de Douai-Lens ont vu leurs TO chuter de près de 15 points et passer sous la barre des 50%. Le pouvoir d’attraction de la métropole lilloise voisine a pu jouer dans ce résultat décevant. Celle-ci n’a pas été affectée par la baisse de la fréquentation et son RevPAR est resté stable par rapport à l’an dernier. Tout n’a pas été négatif pour ce premier mois de l’année. Les villes de Bretagne et de Normandie sont à l’honneur, en particulier à Quimper et à Cherbourg où l’activité du port a soutenu l’activité hôtelière.Résultats cumulés pour l'année 2009 tous segments confondusLe résultat négatif enregistré en janvier ne devrait probablement pas avoir une incidence trop importante sur le bilan final de l’année 2010. L’objectif «zéro baisse» de RevPAR sur l’ensemble de l’année est l’hypothèse privilégiée par MKG Hospitality. Pour l’ensemble des secteurs économiques, 2010, sans faire des étincelles, devrait être une année de stabilisation avant de repartir sur de meilleures bases. Espérons-le puisque, pour certains observateurs pessimistes, les plaies ouvertes par la crise actuelle mettront du temps à se refermer, parlant même de l’horizon 2015… A l’inverse, Bercy, toujours optimiste en matière de prévisions, table sur une croissance de 1,4% du PIB. Le ministère des finances n’est pas le seul à faire preuve d’une relative confiance. Les chefs d’entreprise semblent eux aussi entrevoir la fin de la récession. D'après une étude menée par le cabinet PricewaterhouseCoopers dans 52 pays, 81% des chefs d'entreprise dans le monde et 70% en Europe se déclarent "confiants" ou "très confiants" pour 2010, contre 64% en 2009. Toutefois, si, côté embauches, un léger frémissement peut être constaté, les carnets de commande se remplissent mollement et les entreprises resteront, quoiqu’il en soit, très prudentes dans leurs dépenses, en particulier concernant leur budget voyages. Car tous les indicateurs ne sont pas au vert. Plusieurs éléments pourraient avoir un impact négatif sur le tourisme domestique. Après des mois de pénible remontée depuis l’automne 2008, l’opinion des ménages sur la situation économique est brutalement repartie à la baisse en février 2010. Selon l’INSEE, celle-ci perd trois points par rapport à janvier. Cette étude révèle également qu’aujourd’hui les ménages ont plus la tête à l’épargne qu’à la dépense. Autre frein à la consommation, le chômage est toujours orienté à la hausse et devrait le rester jusqu’à l’été prochain. Reste une bonne nouvelle pour les hôteliers : la baisse de l’euro par rapport au dollar pourrait donner un coup de pouce bienvenu au tourisme hexagonal. En effet, ce recul, qui n’affaiblit pas les clientèles de proximité, pourrait en revanche favoriser les arrivées en provenance du Royaume-Uni, des Etats-Unis et, plus globalement, de l’ensemble des clientèles long courrier.Base de données MKG Hospitality

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