Glion Institut de Hautes Etudes et l'ESSEC ont construit ensemble une formation Executive Master pour accompagner les professionnels du secteur dans leur progression professionnelle. Frédéric Picard, DG de Glion Institut de Hautes Etudes, Caroline Ellul, alumni Glion et fondatrice de French Luxury, Ashok Som, professeur titulaire du département de gestion à l’ESSEC Business School et Alban Sucrot, lauréat 2022 des Young Talent Awards, échangent sur l'attractivité du secteur et la formation.
Frédéric Picard : Je suis directeur général de l'école hôtelière de Glion en Suisse. L’école dispose de trois campus deux en Suisse et un en Angleterre. L’entité fait partie du groupe Sommet Education, au sein duquel il y a également l'école Les Roches à Crans-Montana et Marbella, Glion Education ainsi qu’un institut en Inde et Invictus en Afrique du Sud. Ce sont 5 écoles hôtelières à travers le monde qui forment différents niveaux du Bachelor, après le bac en France au Master. Nous avons récemment lancé et un Executive Master en partenariat avec l’ESSEC.
Glion est un établissement créé en 1962 par des hôteliers pour des hôteliers à un moment où il y avait une gros boom de la destination de Montreux et de la Riviera Suisse, notamment au niveau du développement hôtelier. Cinq personnes ont décidé de créer cette institution qui forme les leaders de demain.
L'objectif est de pouvoir fournir à l’industrie des étudiants qui ont cette capacité d'entrepreneuriat. Pour cela il nous faut, dès le départ, bien comprendre la demande de l'industrie
Caroline Elul : Je suis une ancienne élève de Glion. Après mes études, j'ai eu une carrière plus vaste que ce à quoi je m'attendais. J'ai d'abord travaillé dans l'opérationnel à l'étranger puis en France dans de très belles maisons. On m'a ensuite proposé de collaborer dans une entreprise de consulting et de formation chose à laquelle je n'aurais jamais pensé. J’ai ensuite créé ma structure. Je suis aujourd'hui consultante et formatrice en qualité de l'accueil et du service pour l'hôtellerie et le secteur luxe. Cela m'a aussi menée à une carrière plus large dans l'enseignement supérieur et dans l'institutionnel. Je suis donc aussi un exemple de cette génération Millenium qui aime avoir plusieurs casquettes et toucher à tout.
Ashok Som : Je suis professeur au sein de l’ESSEC Business School dans le département management. J’effectue des recherches dans le domaine de la stratégie. J’ai eu plusieurs rôles au sein de l’ESSEC, j’étais avant doyen associé du Global MBA. Je suis désormais le directeur académique de notre programme Executive Master in Luxury Management. J’ai désormais également le plaisir d’être le directeur académique d’un nouveau programme en partenariat avec Glion pour les métiers de l’hospitalité.
Je suis également auteur, avec un profil de chercheur. Ce qui me parle dans ce secteur, c’est cette intersection entre le luxe et l’hospitalité.
Alban Sucrot : Je suis actuellement étudiant à l’ESSEC avec le programme IMHI au sein d’un master spécialisé en hospitality. J’ai avant étudié 4 ans au sein de l’Institut Paul-Bocuse. Je suis actuellement en apprentissage avec l’ESSEC ce qui me donne la chance de pouvoir évoluer entre l’entreprise et l’école. C’est une formule qui me permet de développer mes compétences.
Que retenez-vous du travail de l’Alliance France Tourisme qui vient d’être partagé ?
Frédéric Picard : Je pense qu'aujourd'hui l'industrie a besoin d'anticiper l'arrivée des étudiants dans les hôtels. J'ai toujours dit à mes équipes dans ma précédente vie : vos collaborateurs c'est votre bien le plus précieux. Si vous voulez faire de la bonne rétention, c'est quand les gens arrivent en stage dans vos établissements qu’il faut bien s'occuper d'eux pour qu'ils aient envie de revenir chez vous.
Nous l’avons entendu aujourd'hui, il faut que les capitaines d'industrie, que les professionnels se rapprochent des écoles, fassent partie des conseils administration. Notre conseil d’administration est principalement composé de professionnels de l'industrie. Nous échangeons avec eux sur les programmes. Nous allons aussi mettre en place un échange sur les attentes de l'industrie. Il est primordial que nous soyons à l'écoute du marché. C’est la raison pour laquelle je suis arrivé dans cet univers de l'éducation venant d'un passé purement hôtelier.
Le profils des étudiants varie ainsi que leurs attentes, développer des partenariats avec d’autres écoles, est-ce un moyen d’y répondre ?
Ashok Som : Le monde évolue très rapidement. Il y a de grands challenges pour les personnes qui travaillent dans l’industrie et qui veulent se former. Que ce soit pour changer de secteurs ou progresser au sein de leur secteur. Depuis le Covid, ce changement s’est accéléré. Nous voyons ainsi dans plusieurs secteurs que ce type de programmes modulaires est très pertinent pour les professionnels en activité. Cela permet également d’être impliqué dans plusieurs institutions, ici Glion et l’ESSEC, où ils peuvent valider un diplôme d’Executive Master tout en travaillant. Tout cela en une année au sein par exemple de deux continents différents et quoi qu’il en soit, deux écoles différentes. Pour ce programme spécifique, les participants débutent en Suisse, puis viennent en France, ensuite à Singapour et enfin à Londres.
Nous en avons déjà parlé, aujourd’hui le monde est flexible, il y a une volonté de mobilité et de changement tout en continuant à travailler. Cette flexibilité est intégrée dans ce programme.
Glion a également fait évoluer la manière d’enseigner pour les étudiants
Frédéric Picard : Nous avons effectivement adapté les programmes. Sur un programme de master, il y a deux fois 6 mois de stage en entreprise. Ces stages eux-mêmes sont modulaires, avec des changements de services pendant les stages. D'autre part nous faisons intervenir beaucoup de professionnels, ce que nous appelons les visitings lectureurs qui vont intervenir sur des sujets précis. Le développement, la finance, le management ainsi que des éléments qui vont être importants pour les étudiants afin de de les armer pour leur entrée dans l'univers de l'entreprise.
Cela ne veut pas dire que nous les écartons de la pratique. Cela fait l’objet d’un semestre entier. Pour pouvoir diriger un hôtel je pense qu'il faut savoir un ce qui s’y passe. Savoir ce que c'est qu'un steward, connaître la pénibilité du travail d'une femme de chambre. Quand je disais au début, de savoir que ses collaborateurs c'est notre bien le plus précieux, cela implique d’aller les voir et comprendre ce qu'ils font, la pénibilité de leur travail. C'est aussi notre rôle au sein de l'institution de préparer les jeunes étudiants à comprendre les besoins ; et à développer l'anticipation qu’ils peuvent déployer en tant que futurs managers.
Caroline, du fait de vos activités vous en côtoyez au quotidien des salariés du secteur qui ont envie d'évoluer, de se former, que constatez-vous ?
Caroline Elul : Ce qui revient quasiment tout le temps, pour être à leur côté tous les jours, c'est le besoin d'accomplissement à la fois professionnel et personnel par le métier que l'on fait. Cet accomplissement passe par le besoin d'être accompagné mais véritablement sous forme de mentorat, de coaching par les dirigeants ou par les managers de proximité. Cet accompagnement les équipes vont considérer qu'il est véritable s’il conduit à une montée en compétences, à apprendre de nouvelles choses, à se réinventer chaque jour. C'est une génération qui ne veut pas qu'une journée ressemble à l'autre. Il y a vraiment un besoin d'évoluer à travers la formation, sentir que l’on progresse. Cette génération s'ennuie assez facilement et a besoin sans arrêt de se réinventer. C’est un des éléments importants du Livre blanc de l’Alliance France Tourisme. Rendre attractives les formations et les métiers.
Alban, vous êtes diplômé d’un master et avez enchaîné sur un second diplôme, quelles étaient vos motivations et vos objectifs ?
Alban Sucrot : Peut-être ce besoin de changement justement, de pouvoir voir autre chose. Je me posais la question de savoir si un seul diplôme me suffisait pour avoir balayé l'intégralité de ce que je voulais acquérir comme savoir pour atteindre la carrière qui m’attire. J’ai pris la décision de faire ce second diplôme pour m’ouvrir à l'international que j'ai voulu développer. Le programme de l'ESSEC m'offrait justement ce diplôme internationalement reconnu. A cela s’ajoutait la formation dispensée en anglais ce qui n'était pas le cas dans précédent cursus. Enfin la possibilité de faire cet apprentissage qui me donne vraiment la possibilité d'appliquer le contenu et les compétences intellectuelles acquis pendant le cursus. Cela offre vraiment la possibilité de se former constamment et de se sentir progresser.
C’est aussi un moyen « d’allonger » ce temps d'études qui nous permet d’apprendre à se connaître. C'est vraiment important, à mon sens, de pouvoir voir un maximum de choses avant de se lancer dans la vie professionnelle pour s'orienter au mieux.
Le secteur offre de très nombreuses opportunités, comment faire toucher du doigt toutes ces possibilités ? Comment rendre le secteur plus attractif en tant qu’institut de formation ?
Frédéric Picard : Cela se travaille à travers plusieurs étapes. Quand les jeunes étudiants arrivent, le premier semestre est vraiment focus sur la partie pratique. Cela leur permet de vraiment comprendre les intérêts qu’ils vont avoir à comprendre le business. Ils ont ensuite deux stages, là aussi ils sont préparés dans ces stages à bien comprendre leur impact au sein de l'entreprise. Le discours et les relations que nous entretenons avec l'industrie, sont également importants. Aujourd'hui nous accueillons environ 350 entreprises tous les ans sur site pour recruter nos étudiants. Chaque étudiant reçoit en moyenne cinq propositions de stage lorsqu'il est chez nous. Cela veut dire que l'industrie est très intéressée par les candidats que nous préparons. Nous avons également cette responsabilité de préparer des étudiants qui vont rentrer dans un univers où l’on sait que 50% des étudiants à 5 ans vont basculer dans un autre univers, soit celui du retail, soit celui du luxe.
C'est pour cela que nous avons décidé l'année dernière de lancer un nouveau programme, un Bachelor. Aujourd'hui il y a de la demande de l'industrie mais aussi de la part des étudiants qui veulent en savoir plus et qui veulent dévier par rapport à leur métier de base qui était l'hôtellerie. Désormais, nous proposons deux Bachelor, l’un spécialisé dans l'univers de l'hôtellerie, l’autre spécialisé dans l'univers du luxury business.
Le développement de l’ Executive Master a-t-il également pour ambition d’attirer des gens qui ne sont pas du secteur de l'hôtellerie ?
Frédéric Picard : Le sujet dont nous parlons aujourd’hui est tellement important pour l'industrie. Nous rencontrons aujourd'hui des difficultés de recrutement nous cherchons des talents.
A un moment donné dans sa carrière professionnelle, on a on a un besoin de découvrir d'autres horizons, de voir d'autres choses. On éprouve le besoin de remettre un peu en question ses connaissances. L'hôtellerie est un secteur où l’on peut monter les échelons rapidement. Il arrive un moment où l’on se retrouve confronté à des positions managériales. Mais est-on complètement équipés ? C’est là que nos programmes interviennent. Avec également une dimension liée aux technologies. Les chatbots, le revenue management… en élargissant le scope, on forme des personnes mieux armées pour continuer leur progrès professionnel.
Quels sont les éléments qui peuvent donner à un jeune l’envie de travailler dans l’hôtellerie ? Comment éveiller l’intérêt des cibles potentielles ?
Caroline Elul : Dans le tourisme, la formation est en perpétuelle évolution. J’ai personnellement été formée à Glion à avoir un profil très polyvalent. Nous sommes préparés non seulement au métier de l'hôtellerie mais également à des disciplines qui peuvent nous permettre d’explorer d'autres carrières. Et ça, c'est un point qui peut attirer des talents à mon avis. Il faut leur faire comprendre que dans le tourisme ou l'hôtellerie il n’y a pas de limite, plutôt une infinité de possibilités.
Je me réfère à une phrase de Saint-Exupéry : « Si tu veux construire un bateau ne t'entoure pas des hommes et des femmes pour leur dire quoi faire ou quels outils utiliser. Fais naître dans leur cœur le désir de la mer. »
Pour nos métiers, il faut faire naître une vision de passion, le goût de l'effort, le goût du beau, le goût du bien, le sens du détail.
Alban Sucrot : Il y a de nombreuses choses qui peuvent attirer dans l'industrie de l'hospitalité et je pense qu'on est terriblement mauvais pour mettre en avant ces avantages qui sont nombreux. Comme la mobilité internationale, le travail en équipe. Cela fait 15 ans que l’on parle des heures supplémentaires et de la coupure.
C'est le travail des écoles, avec les entreprises conjointement de mettre ces avantages en nature en avant. Également d’en créer de nouveaux pour attirer.
Côté Glion et ESSEC on est dans l’excellence, est-il envisageable de s’associer avec d’autres types de formations avec des moyens différents ?
Frédéric Picard : Je pense que l'union fait la force. Nous déployons de nombreux partenariats avec l’ESSEC mais aussi avec Les Roches, Ducasse Education, Invictus, Indian School of Hospitality qui font partie de notre portefeuille. C’est déjà une force globale qui permet de proposer sur les différents continent des formations.
Il peut y avoir d'autres partenariats mais il faut que ça fasse sens pour les étudiants et l’industrie. Nous avons aujourd'hui un programme spécialisé sur l'évent management notamment dans la perspective des Jeux Olympiques et Paralympiques. L’objectif c’est d’être beaucoup plus pointus sur certains sujets pour être adaptés aux besoins.



