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Entretien avec Yann Caillère, Directeur général Hôtellerie Europe, Afrique, Moyen-Orient, Groupe Accor - Directeur général Sofitel Monde : "Sur chaque marché identifié, Accor aspire à être sur la plus haute marche du podium"

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Publié le 06/10/09 - Mis à jour le 17/03/22

HTR Magazine : Après l'annonce faite du recentrage de Accor sur l'hôtellerie économique et milieu de gamme, quelle stratégie comptez-vous mener pour Sofitel ?Y.C. : D'une manière générale, aussi bien dans les parties communes que dans les chambres, les espaces sont de moins en moins cloisonnés. On fait entrer la chambre dans la salle de bains ou vice-versa. Nous l'avons traité dans la nouvelle chambre Etap, mais aussi dans la rénovation du Sofitel Vieux Port à Marseille. L'utilisation de la chambre est plus “fluide”, on travaille autant sur le lit que sur le bureau, tout en regardant la télévision. On adapte le mobilier, par exemple avec un lit central, plus grand et plus haut. Cette flexibilité se retrouve aussi dans les parties communes. Le lobby est un lieu de convivialité où l'on fait son check-in, on y déjeune, on y travaille ou on prend l'apéritif… avec une plus grande notion de liberté. Dernier élément fondamental, le design s'est démocratisé. Le client assume totalement la consommation low cost, mais attend aussi de ces produits qu'ils soient valorisants. J'en reviens à la nouvelle chambre Etap Hotel qui intègre à prix économique tous les codes du design et des équipements contemporains. C'est un vrai challenge.Yann Caillère : Recentrage ne veut pas dire que nous sortons de Sofitel, mais que la crise nous contraint à recentrer les moyens financiers disponibles sur ce qui constitue le cœur des résultats de Accor, l'hôtellerie économique et milieu de gamme, et plus encore sur l'hôtellerie en Europe. Concrètement des projets d'acquisition de bâtiments, propices pour installer Sofitel dans une destination, ou de nouvelles rénovations intensives ne sont plus d'actualité. Mais cela correspond à une stratégie déjà en vigueur de gestion des enseignes qui privilégie les contrats de management pour les enseignes haut de gamme et luxe.HTR : La poursuite des opérations avec Sofitel vous conduiront-ils à “rendre la promise encore plus belle” ?Y.C : Notre objectif pour Sofitel est d’en faire une société de gestion hôtelière. Nous avons encore des hôtels à vendre dans le cadre de contrats “sales & management back” et lorsque des opportunités se présenteront nous les envisagerons. Quant à la marque elle-même, il n'est pas question de la céder au vu des résultats de ces derniers mois et du repositionnement qui correspond à une nouvelle approche du luxe. Sur l'ensemble du parc Sofitel, en pleine crise économique, 70% des établissements affichent une croissance du RevPAR index. Nous cumulons plus de récompenses internationales que jamais, signe de la reconnaissance du public. Sur des marchés clés, nous sommes perçus comme le meilleur établissement de la ville ou de la région, comme à Hanoï avec le Sofitel Métropole, premier Sofitel Legend entièrement rénové, au Caire ou à Montréal. C'est ce travail de longue haleine qui donne des résultats. Nous poursuivons le repositionnement luxe de Sofitel avec l'installation d'un “spa by Sofitel” au St-James à Londres, la rénovation du Grand à Amsterdam ou des suites du Sofitel Faubourg à Paris. L’aménagement du réseau, qui compte 129 établissements, se poursuit avec de nouveaux arrivants qui confortent l'image de prestige comme le Sofitel Rabat ou celui de Dubaï.HTR : Les propriétaires pourraient-ils percevoir la déclaration de Gilles Pélisson comme un renoncement à votre implication dans le luxe ?Y.C. : Je reviens de notre rencontre annuelle en Amérique du Nord avec les propriétaires de Sofitel et ce n'est pas du tout la perception que j'en retire. Je dirai qu'au contraire le “modèle” Sofitel séduit davantage les propriétaires car nous nous sommes écartés des dérives de certaines enseignes pour coller à ce que le client attend du luxe hôtelier tout en apportant un retour sur investissement au propriétaire. Je suis convaincu que le client du XXIe siècle n'accepte plus de surpayer des prestations qui flattent son ego sans correspondre à un besoin réel. Aujourd'hui, nous prenons des parts de marché et de nouveaux contrats, ce qui montre que notre positionnement est le bon. Sur le marché américain où notre notoriété n'est pas la plus grande, le taux de repeat business est en croissance constante.HTR : La réunification de l’Europe du Nord et du Sud dans un seul territoire masque-t-elle des différences de “cultures” ?Y.C. : L'Europe est notre premier marché à deux titres. C'est là que notre présence hôtelière est la plus importante et c'est là également que nos clients, y compris pour les autres continents, sont les plus nombreux. Il était finalement assez logique de la réunir sous une même organisation. Je ne ferai pas la différence “culturelle” entre l'Europe du Nord et l'Europe du Sud, mais plus une différence d'approche entre les pays d'Europe occidentale, aux marchés plus matures, et les marchés plus émergents d'Europe orientale. Notre organisation s'appuie sur la cohérence des marchés avec un patron de zone à chaque fois que le caractère spécifique du marché le justifie : France, Royaume-Uni, Allemagne, Italie ou Benelux, Europe centrale, Russie… Désormais, notre stratégie est simple : Accor a vocation sur chacun de ces marchés identifiés à être sur le podium des groupes les plus présents, et tant qu'à faire plutôt sur la plus haute marche du podium.HTR : La dimension européenne de Accor sera-t-elle réaffirmée ?Y.C. : Sur le plan commercial, le fait d'avoir réuni les deux entités Europe du Nord et Europe du Sud va nous permettre de peser de tout notre poids pour des actions conjointes, notamment sur le web.HTR : Cela va-t-il entraîner des révisions de déploiement hôtelier dans le futur ?Y.C. : Cela veut dire que là où nous sommes déjà forts, nous voulons l'être encore plus en déployant toute la panoplie des marques, de l'hôtellerie budget au haut de gamme. Là où nous sommes en position intermédiaire, la réflexion doit être approfondie : doit-on repousser les bornes ou sortir du pays, ou assumer notre position intermédiaire, en attendant que le marché devienne stratégique ? Exemple, sur la zone Afrique, nous sommes sortis de plusieurs pays africains où nous n'avions qu'un hôtel. En revanche nous accélérons notre implantation comme par exemple en Algérie, au Maroc et en Tunisie, notamment avec les marques économiques. L'Ibis ouvert à Alger affiche un taux d'occupation de 86 %. Cela nous renforce dans notre conviction sur le potentiel de ces marchés.HTR : Qu'en est-il des pays toujours présentés comme porteurs mais difficiles, comme l'Espagne et l'Italie ?Y.C. : En Espagne, nous sommes leader de l'hôtellerie économique de chaînes depuis 2008. Nous sommes dans une stratégie d'accélération avec des marques comme Ibis et Etap Hotel. En Italie, nous étions N°1 des groupes hôteliers avant la reprise de Jolly par NH, nous avons vocation à retrouver cette place de N°1 sur un marché difficile, il faut le reconnaître. Nous avons eu quelques mauvaises surprises dans la localisation de nos hôtels. C'est typiquement le pays où notre stratégie de développement en franchise est pertinente.HTR : L'Europe centrale et orientale est-elle toujours aussi porteuse ?Y.C. : Nous n'allons pas chercher à pousser les pions en Pologne, en Hongrie ou République tchèque où nous sommes déjà bien présents, alors que la situation devient difficile. En revanche, la Russie reste une priorité dans un contexte compliqué. Nous avons ouvert le 1er Ibis et Mercure y a un bon potentiel.HTR : La France reste dans le contexte de crise actuel un marché où la résistance du groupe est la plus forte. Quels enseignements en tirez-vous ?Y.C. : La première leçon est que l'on réussit le mieux là où nous sommes leaders sur le marché, mais avec une bonne répartition de l'offre hôtelière dans toutes les catégories. Il ne suffit pas d'être leader sur un créneau, car un retournement peut fragiliser l'entreprise. L'équilibre de l'offre toutes catégories nous permet de bien travailler et de faire jouer la notion de “place” qui est centrale dans l'organisation Accor. Le but est qu'un client trouve toujours une réponse quel que soit son budget, qui peut évoluer avec la situation économique. Cette pratique en France et en Allemagne nous ont permis de bien résister. La seconde leçon est que le modèle de développement franchise, travaillé intelligemment, est vraiment une recette gagnante. Avec les franchisés, nous partageons les mêmes objectifs et les mêmes outils. La bonne expérience développée en France nous sert de modèle pour décliner une politique de franchise très professionnelle avec des règles mêlant le respect, la rigueur, et une plateforme d'expertises pour les aider comme le marketing, la distribution, les achats ou la construction.HTR : La crise aura-t-elle des conséquences profondes et permanentes sur la façon de piloter un groupe hôtelier ?Y.C. : Ma conviction profonde est que le client ne sortira pas de la crise comme il y est entré. Sa manière de dépenser sera profondément modifiée et il n'acceptera plus de surpayer une prestation, quel que soit le secteur. La notion de “Value for money” devient centrale avec une pratique de la négociation décomplexée qui ne disparaîtra pas. Les groupes hôteliers doivent rapidement l'intégrer. Par ailleurs, sur le plan de notre organisation et notamment des ressources humaines, la crise a conduit à revisiter nos pratiques, à serrer les boulons, et il ne faut pas que cela se traduise par un service réduit. La formation est primordiale pour bien sortir de cette crise. Elle doit couvrir aussi bien les aspects techniques, type revenue management, commercialisation, langues … et des aspects de comportement, notamment en termes de réactivité. Un client n'accepte plus de ne pas avoir de réponse en temps réel. Nous devons dimensionner nos outils et inculquer la passion de la réactivité avec des équipes encore davantage tournées vers le client. Cela passe aussi par une réflexion sur la notion de “service vrai”. Il y a une chaîne qui se met en action pour satisfaire le client, et à chaque niveau le personnel doit connaître son affaire et avoir une relation authentique avec le client. On va y revenir au-delà des équipements les plus sophistiqués proposés. La nouveauté est que cette attente n'est plus limitée à l'hôtellerie haut de gamme, mais qu'elle est aussi forte dans les hôtels économiques.HTR : Comment abordez-vous votre nouvelle responsabilité de la construction hôtelière au niveau mondial ?Y.C. : Quels sont les enjeux stratégiques pour le groupe ? D'abord continuer à construire des hôtels économiques de qualité, en retrouvant la règle du millième, qui reste d'actualité à travers les âges. Nous avons subi une inflation des coûts de construction avec la multiplication des normes contraignantes sécuritaires et environnementales. On s'est parfois laissé influencer par les pressions marketing pour faire plus grand, plus beau. Mais on atteint très vite la limite si on veut conserver un retour sur investissement réaliste. Le deuxième enjeu majeur, ce sont les rénovations. Les deux notions ne sont pas assez liées, et pourtant dès la construction des nouveaux concepts, il faut anticiper la maintenance et la rénovation. Nous devons aussi être plus disciplinés sur les établissements moins standardisés et éviter que chaque projet mobilise des créatifs, des concepteurs qui veulent signer une œuvre, qui finit par coûter une fortune.HTR : Est-ce que l'on retrouve des éléments récurrents dans les nouveaux concepts hôteliers ?Y.C. : D'une manière générale, aussi bien dans les parties communes que dans les chambres, les espaces sont de moins en moins cloisonnés. On fait entrer la chambre dans la salle de bains ou vice-versa. Nous l'avons traité dans la nouvelle chambre Etap, mais aussi dans la rénovation du Sofitel Vieux Port à Marseille. L'utilisation de la chambre est plus “fluide”, on travaille autant sur le lit que sur le bureau, tout en regardant la télévision. On adapte le mobilier, par exemple avec un lit central, plus grand et plus haut. Cette flexibilité se retrouve aussi dans les parties communes. Le lobby est un lieu de convivialité où l'on fait son check-in, on y déjeune, on y travaille ou on prend l'apéritif… avec une plus grande notion de liberté. Dernier élément fondamental, le design s'est démocratisé. Le client assume totalement la consommation low cost, mais attend aussi de ces produits qu'ils soient valorisants. J'en reviens à la nouvelle chambre Etap Hotel qui intègre à prix économique tous les codes du design et des équipements contemporains. C'est un vrai challenge.

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