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Entretien avec Otto Lindner, Chief Executive Officer, et Andreas Krökel, Chief Operating Officer, Lindner Hotels AG

13 min de lecture

Publié le 05/09/12 - Mis à jour le 17/03/22

Fondé en 1959 par Otto Lindner Sr, architecte de profession qui a souhaité diversifier ses activités, le groupe Lindner est aujourd'hui actif sur plusieurs activités complémentaires, l'architecture, l'immobilier, l'ingénierie et les opérations hôtelières. La division des Hôtels Lindner a été confiée à Otto Lindner Jr, qui a la haute main sur un parc actuel de 33 établissements en Allemagne, en Autriche, en Suisse, en Belgique, en Espagne, en Slovaquie et en République tchèque, soit près de 4 600 chambres en catégories 4* et 5*, et près de 2 000 employés. Le groupe a réalisé €175 millions de chiffre d'affaires en 2011 et continue son développement en actionnant désormais le volet de la franchise. Portrait d'un groupe en croissance.

A en croire votre biographie, votre première vocation était d’être pilote de ligne. Est-ce qu’il n’a pas été trop dur d’abandonner ce projet en rentrant dans l’entreprise familiale ? Otto Lindner :

Il est vrai que ma première tentation était de travailler dans l’aviation, d’autant plus que j’ai obtenu ma licence allemande et américaine de pilote à 20 ans. Mais l’image du métier de pilote de ligne ne m’a pas complètement séduite et comme j’avais la possibilité de rester lié au monde de l’aviation tout en commençant ma carrière en hôtellerie, cela s’est avéré comme la meilleure décision à prendre.Est-ce qu’il est important de trouver sa légitimité personnelle dans une entreprise familiale ? Travailler dans une entreprise que mon père a construite depuis la base est un défi très particulier. J’ai travaillé avec lui pendant plusieurs années de manière très intensive et il est aujourd’hui toujours très lié à Lindner Hotels & Resorts, en tant que président du Conseil d'administration. Forcément, dans le cas d’une entreprise familiale, le phénomène d’identification est nettement supérieur que lorsqu’on travaille comme simple employé ou manager. Mais je considère que ce lien avec l’entreprise constitue aussi un défi tout particulier, notamment du fait que la vie privée et la vie professionnelle sont interconnectées. Aujourd’hui, le groupe Lindner est partagé à parts égales avec mes quatre frères. Nous travaillons tous dans différents départements et nous nous entendons parfaitement bien. Nous avons pour objectif que cette entente perdure encore dans la prochaine génération.Comment s’est déroulé votre parcours d’initiation aux métiers de l’hôtellerie ?J’ai suivi une formation professionnelle classique en gestion hôtelière et j’ai ensuite obtenu un diplôme en Economie et en Management à l’université de Cologne. Par ailleurs, des stages et une intégration rapide dans les différents projets de l’entreprise m’ont permis de me familiariser avec les opérations pratiques.Vous avez fait partie de l’équipe nationale militaire de waterpolo, est-ce que cela vous a donné un esprit particulier ?En plus de l’esprit d’équipe véhiculé par les sports collectifs, ce sport m’a assurément enseigné une saine rigueur envers moi-même et mes adversaires. On apprend à perdre sportivement, mais aussi à gagner de manière fair-play sans maltraiter son adversaire au-delà de l’aspect sportif. Ces valeurs m’imprègnent encore aujourd’hui.Avec plus d'une trentaine d’hôtels en activité sous la marque Lindner Hotels, pensez-vous avoir atteint une taille critique ?Si vous m’aviez demandé cela il y a quelques années, j’aurais dit qu’avec 25 hôtels et € 150 millions de chiffre d’affaires la taille critique était atteinte, pour exploiter la synergie et pouvoir être performant à l’international. Cela fait longtemps que nous avons passé cette étape, mais à travers la mondialisation et le développement technologique la taille critique à atteindre est maintenant plus élevée. Je dirais qu’elle est de 50 hôtels et € 250 millions. Nous y travaillons et nous voulons par ailleurs, dans un avenir proche, être présents avec notre marque sur dix marchés européens. Pour cela il est important d’exporter notre compétence et l’expertise d’un groupe allemand vers des destinations prisées par les touristes allemands.Quelles sont les villes ou les régions en Allemagne où votre présence est encore insuffisante ?Nous sommes présents sur tous les marchés majeurs en Allemagne, il manque seulement un hôtel dans la ville de Munich. Nous y travaillons très activement et voulons y ouvrir un hôtel à thème, comme il n’en existe pas en ce moment. Autrement sur le marché intérieur, nous avançons prudemment sur plusieurs pistes ou au gré des opportunités qui se présentent. Cela touche aussi la reprise d’hôtels en situation difficile, que nous pouvons revitaliser. Le développement international est encore modeste, est-ce une volonté de prudence ou un manque de moyens ?Nous sommes déjà présents dans sept pays européens, l’arrivée dans les 8ème et 9ème sont en phase de préparation concrète. D’une manière générale, nous nous focalisons sur les capitales de ces pays et nous pourrons ensuite utiliser ces tremplins pour viser d’autres localisations. Mais les impératifs qu’impose la création d’une société étrangère pour opérer des hôtels sont exigeants. Une entreprise de taille relativement moyenne, comme la nôtre, implique, dans un premier temps, de bien maitriser la dimension financière et organisationnelle. De plus, les exigences pour réussir l’intégration opérationnelle des nouvelles propriétés à l’étranger sont énormes.Si vous voulez vous développer en dehors de l’Allemagne, avez-vous une préférence pour les pays d’Europe de l’Est ou plutôt les capitales des pays d’Europe de l’Ouest ?Il n’y a pas de préférence. Nous venons de reprendre un hôtel à Prague, nous sommes en train de construire un hôtel à Bratislava et nous nous occupons activement d’un projet à Budapest. Nous sommes, par ailleurs, en train de négocier la reprise d’un hôtel à Bruxelles et la construction d’un autre hôtel à Amsterdam.Qu’est ce qui vous a conduit à développer un département de franchise ?C’est le succès de notre modèle de gestion hôtelière sur notre marché qui nous a amené à faire cela. Pensez simplement aux départements Achat, Ressources humaines, Distribution, etc. Ce sont des problématiques pour lesquelles chaque hôtelier doit réfléchir et développer son savoir-faire avec difficulté quand il est livré à lui-même. Nous sommes en mesure de fournir tout cela clef en main.Est-ce que la nouvelle a suscité l’intérêt d’hôteliers et d’investisseurs ?Oui, nous sommes en négociations avec quelques opérateurs …Est-ce que vous voulez privilégier le développement de la franchise en Allemagne et aussi à l’international ?C’est très certainement sur notre marché de base, l’Allemagne, que nous pouvons rendre les plus grands services, avec un maximum d’utilité pour nos partenaires. Quelle est votre approche du marketing hôtelier sur les réseaux sociaux ? Andreas Krökel: Nous allons nous implanter stratégiquement sur les réseaux sociaux à partir du 1er août, en créant un département entièrement dédié, qui sera directement connecté au comité de direction. Nous pensons en effet qu’il y a un grand potentiel en termes de commercialisation et de communication sur les différents canaux du Social Media.Pensez-vous que c’est une stratégie importante pour l'avenir de votre distribution ?Absolument, cela va jouer un rôle important dans le mix marketing. De cette façon, nous pourrons contacter nos clients directement, atteindre la clientèle cible de demain et augmenter la notoriété de la marque. Les canaux du Social Media seront aussi importants pour attirer de nouveaux employés.Voulez-vous associer la distribution en ligne avec les réseaux sociaux pour vos hôtels ?Nous planifions une forte interconnexion de tous les canaux de distribution. A travers cela, nous pourrons concevoir et diffuser nos messages marketing sur les différents canaux correspondants à chaque département concerné.Quelle est aujourd’hui la part des canaux Internet dans vos ventes ?C’est une forte priorité. A l’heure actuelle, nous générons 80 % des réservations de notre clientèle business via internet. Via de nouveaux outils online, nous voulons aussi proposer des offres de prestations pour le bien-être et ainsi générer davantage de réservations en ligne pour les hôtels de loisirs. Nos investissements dans l’e-commerce sont très élevés.Les ventes sont-elles importantes sur votre propre site www. lindner.de ou plus importantes par les intermédiaires?Actuellement la majeure partie de nos réservations se font par les canaux intermédiaires, desquels nous sommes très proches. Mais l’objectif de notre stratégie e-commerce est bien de réorienter la plupart de nos réservations vers notre propre site. Etes-vous satisfaits de votre programme “Energy Save”, lancé en 2006 ? Otto Lindner : Jusqu’à maintenant nous sommes tout à fait satisfaits du programme. Non seulement parce que nous avons économisé presque 300 000 euros par an en coûts d’énergie, (ceci ayant été rendu possible par de simples mesures opérationnelles avec de très faibles investissements), mais également parce que les connaissances tirées de ce projet «Best Practice» nous permettent d’améliorer nos résultats dans les nouveaux Lindner hôtels, qu’il s’agisse de nouvelle construction ou de reprise d’un autre hôtel existant. Avec tout ca, Energy Safe est devenue la base pour une gestion efficace de nos hôtels.Pensez-vous pouvoir aller plus loin dans la politique de développement durable? Nous ne prétendons pas mener ces évolutions de manière désintéressée pour le simple respect des ressources naturelles, car il y a bien entendu des exigences économiques, qui rendent nécessaires des mesures d’économie d’énergie. Cela dit, nous agissons comme des gestionnaires responsables, en intégrant autant que possible la problématique environnementale. Mais je trouve que les campagnes marketing de quelques autres acteurs de l’hôtellerie sont clairement exagérées. Par exemple, quand un hôtel fait du prosélytisme en insistant sur l’utilisation du fumier de Yak de l’Himalaya, comme source de chauffage, et qu’en plus on le félicite pour cela, là je trouve que le débat part dans la mauvaise direction. Le progrès technologique et l’augmentation de la pression sur les coûts sont les deux éléments qui vont générer de fortes innovations dans le futur.Quelle est votre appréciation sur l’évolution du marché hôtelier en Allemagne ?Les deux dernières années ont été positives, mais il y a tout de même une épée de Damoclès qui menace l’industrie en raison d’une nouvelle hausse possible de la TVA sur le CA hébergement, avec en parallèle une hausse de la taxe de séjour dans toujours plus de villes. Le thème du réajustement de la TVA, mis en oeuvre chez presque tous les voisins européens face aux difficultés actuelles qui règnent sur les marchés, a conduit en Allemagne, pour causes de considérations tactiques électorales ou bien par simple méconnaissance de la réalité en Allemagne, à un débat public irrationnel. Il se pourrait bien que les conséquences soient une annulation de la baisse de la TVA et un maintien parallèle de la taxe de séjour. Cela signifierait une augmentation du prix TTC de 17% que les hôteliers ne pourront pas faire supporter aux clients. Ce danger jette une ombre sur les efforts menés par les hôteliers allemands et conduira à des conditions de marché désastreuses.L’année 2012 sera-t-elle aussi bonne ou meilleure que l’année 2011 ?Les marchés en Allemagne sont très distincts les uns des autres, mais de manière générale l’année 2012 est légèrement meilleure que 2011. Nous profitons bien de la forte capacité des exportations allemandes et de l’activité de voyages qui en résulte.Les prix moyens sont-ils à un niveau suffisant ?Les prix des chambres en Allemagne sont toujours d’un tiers inférieurs en comparaison avec les autres grands pays européens. Et c’est étonnant de voir qu’avec ces tarifs bas nous nous en sortons à peu près.La baisse de la TVA a-t-elle permis de faire de nouveaux investissements ou de réajuster les prix à la baisse ?Une étude a été commandée par l’association hôtelière allemande IHA, à laquelle 5 194 des 45 000 hôtels existants ont répondu. Elle montre que ceux-ci ont investi à eux seuls près d'un milliard d’euros en 2011. Près de 10 000 employés supplémentaires, à plein temps, temps partiel ou apprentissages ont été engagés. Quand on met ceci en balance avec les quelques 500 millions d'euros de perte de recettes fiscales, conséquences directes et indirectes de la baisse de la TVA, le bilan est très clairement positif. Cette tendance à l’investissement se poursuit pour l’année 2012. Pour la seule année 2012, je peux aussi affirmer que pour les Lindner Hôtels & Resorts, nous allons investir quelque 7 millions d’euros dans des travaux de rénovation. Le bilan est aussi positif pour les clients. 50% des revenus liés à la baisse de la TVA sont utilisés au profit du client. La qualité de service est améliorée dans le «hardware» et les employés supplémentaires feront le reste.Qu’attendez-vous de votre opération de promotion estivale: "Wir haben Ihren Urlaub!" (Nous avons vos vacances en stock) ? Andreas Krökel : Comme toutes nos campagnes, celle-ci soutient deux grands objectifs : l’amélioration de la notoriété de la marque via des actions visibles, qui se distinguent de nos concurrents. Et aussi une augmentation du CA, dans le cas de nos hôtels d’affaires en cette période de vacances quand le volume de réservations est bas. Avec la campagne actuelle nous espérons concrètement atteindre une hausse de réservations de 10%.Est-ce une première expérience ?Depuis longtemps déjà nous effectuons de dix à douze campagnes majeures par année. L’an dernier à la même époque la campagne de même importance que Wir haben Ihren Urlaub était baptisée Kilometer- Aktion, pour laquelle les clients ont reçu par nuitée, un rabais de 10 % pour chaque centaine de kilomètres parcourus pour nous atteindre.Comptez-vous profiter de la tendance des Allemands à rester davantage dans leur pays ?Otto Lindner : Je crois beaucoup à la poursuite des voyages domestiques en Allemagne. La tendance est en hausse depuis plusieurs années. Grâce à l’augmentation de la compétitivité, rendue possible par la réduction de la TVA, nous serons davantage compétitifs en termes de prix et de produit. Nous pourrons ainsi convaincre les vacanciers que la qualité des vacances est clairement meilleure et plus écologique dans leur environnement de bien-être habituel que lors d’un voyage lointain dans une culture étrangère.

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