
"Le problème principal est le manque de différentiation". La différence réside entre ceux qui sont capables de différencier leurs offres et ceux qui ne le font pas.
Dans la grande distribution, l’efficacité est limitée. Selon mon étude étalée sur trois ans et un million d’actes d’achat, le comportement change très faiblement, au moment de la souscription. Entre trois et six mois après, les consommateurs reviennent à leurs comportements initiaux. Les programmes hôteliers sont globalement plus efficaces. Ils vont plus loin en étant très segmentés avec des traitements différents selon la contribution du client. A la différence de la grande distribution, l’hôtellerie a l’avantage de pouvoir offrir des produits dont la valeur perçue est plus forte, des produits qui sont ses propres produits et qui auraient été périmés autrement.HTR : Au final, la fidélisation justifie-t-elle tous les efforts mis en oeuvre par les professionnels? _ LMW : Les programmes de fidélité n’ont pas forcément un excellent retour sur investissement. Mais, s’ils ne jouent pas un rôle majeur dans le changement du comportement du client, en revanche, comme outil de la gestion d’un portefeuille, comme analyse des comportements et des cycles de vie individuels et de la «Lifetime Value» des clients, ils sont indispensables. Un marketing plus ciblé et les moindres dépenses de communication qui en découlent justifient intégralement leurs présences.HTR : Sont-ils malgré tout exempts de tous défauts ? _ LMW : Evidemment non. Le problème principal, qui est le même partout, est le manque de différentiation. Les programmes de fidélité font dans l’imitation plus que dans l’innovation. La différence réside entre ceux qui sont capables de différencier leurs offres et ceux qui ne le font pas. Dans la grande distribution, par exemple, Tesco a pris un temps d’avance sur la concurrence avec un programme très ciblé avec des cartes différentes pour la clientèle à haute contribution, pour les jeunes, pour les amateurs de vins. Le seul moyen de sortir de ce cadre est de réussir à établir des relations étroites avec sa clientèle.HTR : Quelles sont les voies à explorer pour accroître l’efficacité de ces programmes ? _ LMW : Les orientations d’achats et les avantages recherchés ne sont pas identiques. Selon moi, il faut créer des gratifications différentiantes et adéquates en fonction des préférences hétérogènes des consommateurs. Ainsi, pour le client qui est attaché à la valeur monétaire du produit, les gratifications doivent être d’ordre économique. Pour le client attaché à la fonctionnalité, il faut rendre ses achats plus simples, son voyage plus facile. Le client attiré par les informations sera séduit par des annonces régulières de nouveaux produits, de bonnes affaires. L’hédoniste attend des offres plaisirs, innovantes. Enfin, une partie de la clientèle veut établir une relation étroite avec l’enseigne et s’attend à être considéré par celle-ci à travers des privilèges.HTR : Pour aller dans ce sens, l’exploitation des informations est-elle chose aisée ? _ LMW : Les bases de données CRM recèlent une grande richesse mais qui est difficile à utiliser. Deux problèmes se posent aujourd’hui pour analyser ce volume d’informations. Tout d’abord la volonté de se donner les moyens humains avec des équipes de statisticiens capables de traiter cette richesse d’informations inouïe, comme l’a fait Tesco. Autre problème, technique celui-là : les logiciels existants comme SAP ne sont pas ergonomiques. Les professionnels, en particulier les opérationnels, ont du mal à les utiliser à pleine capacité.