
Julien Mulliez, 36 ans, a rejoint le groupe Accor en 2006 après une dizaine d’années passées chez Louvre Hôtels, pour s’occuper du lancement de la nouvelle enseigne 2 étoiles non-standardisée All Seasons. Diplômé de la European Business School et de l’Ecole Supérieure internationale d’administration des entreprises, il est désormais Directeur général de la Franchise France, et coordinateur du développement en franchise en Europe.
_ Je suis dédié entièrement au développement en franchise des dix marques hôtelières Accor en France et en Europe. J’ai un rôle exécutif sur le territoire national et, depuis quelques mois maintenant, un rôle de coordination avec les responsables des pays sur l’Europe.Le réseau compte 674 établissements franchisés Accor en France, avec un réseau de 210 partenaires, soit 48 % sur un parc de 1 414 hôtels. Il se décompose en 238 Ibis, 189 Etap Hotel, 144 Mercure, 41 hotelF1, 32 Novotel, 21 All Seasons, 6 Suitehotel et 2 Pullman et 1 Sofitel. 28 hôtels en franchise ont été ouverts depuis le 1er janvier : 9 Etap Hotel, 6 All Seasons, 6 Mercure, 5 Ibis, 1 Novotel et 1 Suitehotel.Est-ce qu’il n’y a pas un risque de doublonnage ou de confusion avec la mission des équipes de développement ? _ Dans chaque pays, ce sont les développeurs qui connaissent le mieux le terrain, le contexte, la concurrence et c’est à eux que revient la mission de développer les marques. En revanche, il apparaissait nécessaire d’installer une petite structure de coordination, qui n’a pas de relation hiérarchique avec eux, mais qui leur apporte le soutien d’une expertise franchise. Je me vois dans un rôle de chef d’orchestre, sachant que dans les pays prioritairement visés par cette technique, nous avons recruté des spécialistes. Les autres développeurs se concentrent eux sur les contrats en filiale et en management qui requièrent d’autres qualités.Quels sont ces pays prioritaires ? _ En plus de la France, les priorités portent sur le Royaume-Uni, le Benelux, l’Allemagne, l’Italie et, de façon plus opportuniste, sur l’Espagne, la Suisse et l’Autriche. Nous avons identifié pour ces pays quelles sont les villes et les marques qui ont vocation à enrichir le réseau de franchisés. Il n’y a donc pas de confusion avec les équipes de développement. À ce jour, il n’y a pas eu besoin d’un quelconque arbitrage.Pourquoi n’êtes vous qu’opportuniste sur l’Espagne qui semblait un territoire de conquête pour Accor, il y a encore peu de temps ? _ Vous n’êtes pas sans savoir que c’est le pays européen qui s’est le plus dégradé récemment. Cela étant, il y a des opportunités. Nous avons sollicité un franchisé pour racheter deux hôtels NH à Madrid, qu’il vient de transformer en Ibis. Par ailleurs, un autre franchisé du Sud de la France va également ouvrir un Etap Hotel et un Ibis à Gérone, dont il pourra suivre l’exploitation.L’Europe centrale n’est pas dans votre zone prioritaire ? _ Elle n’est pas négligée, mais Accor préfère s’y développer davantage en management et en filiale. La franchise interviendra dans un deuxième temps.Vous sentez-vous investi d’une lourde mission ? _ La récente assemblée générale des actionnaires a confirmé que la franchise était désormais un axe majeur de développement pour le groupe. Ce n’était pas forcément un axe naturel, même si Accor franchise des établissements depuis 40 ans. Nous avons surtout en France un noyau très solide de franchisés, qui ont développé des relations étroites avec le management, mais sur le plan international la culture de la franchise n’est pas si développée. À ce jour, un hôtel sur deux en France est en franchise. Sur les 300 nouveaux hôtels qu’a annoncés Christophe Alaux sur les prochaines années, nous devons en recruter 250 en franchise. À terme, nous serons sans doute dans un ratio de deux hôtels sur trois en franchise. Sur la zone Europe, Yann Caillère a affiché une ambition très claire : devenir le franchiseur hôtelier de référence sur l’ensemble des gammes hôtelières. Personne ne peut s’arroger ce titre aujourd’hui malgré les nombreux acteurs français ou anglo-saxons actifs en Europe.Vous avez présidé à la naissance de All Seasons, une marque pratiquement dédiée à la franchise. Suit-elle la feuille de route initiale ? _ Totalement, nous avons ouvert 28 All Seasons en France à ce jour, dont 21 franchisés, et l’objectif de 50 hôtels sera atteint avant la fin de l’année. Nous avons déjà 35 projets sécurisés pour 2010 et 2011, avec de véritables engagements à l’international. Nous en avons déjà 3 en Allemagne, dont un premier franchisé, et nous devrions annoncer dans les jours qui viennent le rachat d’un établissement à Londres qui sera converti en All Seasons pour servir de flagship à la marque. En Italie, nous avons aussi signé trois All Seasons pour 2010, ce qui montre que l’enseigne est établie. Nous sommes complètement dans nos plans avec trois chiffres symboliques : 6 pays, 60 hôtels, 6 000 chambres ouvertes à ce jour.Qu’a représenté l’arrivée de cette nouvelle enseigne ? _ C’est une aventure passionnante de partir d’une feuille blanche pour dessiner un nouveau concept, de mobiliser une équipe avec un esprit de start-up qui s’est transmis aux premiers franchisés de l’enseigne, pourtant partenaires du groupe depuis longtemps. Pour l’anecdote, lors de la grande convention de Dubaï, nous avons réuni un premier groupe de 25 personnes, l’équipe du siège et les premiers franchisés, uniquement ceux concernés par All Seasons, qui ont eu envie de se retrouver entre "pionniers", malgré 40 ans d’histoire hôtelière pour certains.Qui de l’arrivée de nouveaux franchisés, hors du cercle des fidèles de Accor ? _ Nous avons été très clairs avec nos partenaires historiques qui disposaient d’une période exclusive de 18 mois pour présenter prioritairement leur projet. Aujourd’hui, nous sommes plus largement ouverts et les premiers hôtels de nouveaux franchisés sont opérationnels. Si je regarde notre pipeline, nous en avons 32 % qui n’avaient pas d’enseigne au préalable, 20 % de constructions neuves, et 38 % issus de la reconversion d’autres enseignes. C’est dire que nous avons effectivement attiré de nouveaux investisseurs.Quelle exigence avez-vous vis-à-vis d’eux, s’ils sont déjà franchisés d’enseigne hors Accor ? _ Nous sommes hypra vigilants sur l’état d’esprit de ces nouveaux partenaires, multi franchisés. Nous avons établi une charte du franchisé en 2008, complémentaire au contrat même de franchise, et un article de cette charte prône la préférence Accor dans le cadre de leur développement futur. Si nous n’avons pas la marque qui convient à leur projet, ils peuvent naturellement poursuivre avec un autre franchiseur dans le respect d’une stricte confidentialité sur les informations stratégiques et de savoir-faire. La multi appartenance est un phénomène historique, mais elle ne peut fonctionner que dans la confiance. Nous avons refusé plusieurs partenaires de taille sur de beaux projets car la clause de la préférence pouvait difficilement fonctionner.Les dix marques hôtelières Accor ont-elles toute la même vocation au développement en franchise ? _ Il n’y a qu’une marque que nous ne franchisons plus, c’est Sofitel. Sur le très haut de gamme, nous voulons maîtriser le savoir-faire et le savoir être. Sinon, toutes les autres en France et en Europe sont dans le portefeuille de la franchise. Traditionnellement, elle a été plus ouverte en hôtellerie économique, notamment Ibis et Etap Hotel, et aussi chez Mercure. Désormais, nous saisirons des opportunités pour Novotel, comme la récente ouverture de Nantes, et deux autres projets en France en 2010. Suitehotel compte déjà 6 franchisés en France, une nouvelle unité vient d’ouvrir à Reims, avec un propriétaire historique. Nous avons quelques autres dossiers dans les cartons sur la France en constructions neuves. La franchise est totalement ouverte sur Pullman, mais ce sont de gros hôtels et il reste peu de sites disponibles dans les grandes villes en France. En revanche, MGallery n’avait pas cette vocation à l’origine, mais nous sommes tellement sollicités par des propriétaires de bâtiments historiques ou de caractère qui veulent s’associer à un réseau de commercialisation, que nous finalisons une offre de franchise adaptée. Nous allons la tester avant la fin de l’année dans une grande capitale régionale avec un hôtel magnifique.Où en êtes-vous du chantier de reclassement des enseignes, après les différents repositionnements de Novotel, Mercure, Sofitel, notamment auprès des franchisés ? _ Le chantier n’est pas achevé, car nous ne confondons pas vitesse et précipitation. Les décisions de reclassement ont d’abord concerné les filiales tout en étant très clair avec les franchisés. Ils ont été prévenus individuellement au cas par cas. La plupart ont compris les ambitions de performances des enseignes repositionnées et sont prêts à rejoindre une nouvelle marque comme All Seasons avant l’échéance du contrat. C’est tout leur intérêt car le reclassement n’est pas un déclassement.Quelles relations voulez-vous établir avec les franchisés ? Acceptez-vous un partage de responsabilité sur l’évolution des marques ? _ Nous n’avons pas l’intention de nous défausser de la responsabilité de la marque et de ses codes. Si les franchisés paient une redevance importante de marque c’est pour bénéficier du savoir-faire et de l’évolution de cette marque. On prendrait un risque et l’on se décrédibiliserait si nous abandonnions cette responsabilité. En revanche, nous associons depuis toujours les franchisés à nos décisions pour les valider, et nous le ferons de plus en plus car le monde bouge plus vite et qu’on ne peut se permettre d’avoir un réseau à double vitesse entre nos filiales et hôtels managés et nos franchisés.Envisagez-vous de nouvelles structures de concertation ou de travail avec les franchisés en dehors des associations par marque ? _ La consultation est organisée, sollicitée, mais quand la décision est prise nous demandons une plus grande discipline. Plusieurs groupes de travail fonctionnent en permanence avec un véritable pouvoir de proposition. Lors de la refonte de la chambre Etap Hotel, un groupe de travail d’une dizaine de franchisés s’est retrouvé dans l’hôtel pilote pour vivre le produit. Nous avons listé tous les points d’amélioration qui ont été repris. Les associations de franchisés par marque sont très vivantes et nous recommandons dans le contrat de franchise à chaque candidat de rejoindre cette association. Je travaille en ce moment avec nos premiers franchisés à la création de l’organe de représentation des franchisés All Seasons. Le groupe Accor a changé, il est aussi nécessaire que les associations de franchisés se modifient, qu’elles fassent monter un sang neuf en identifiant aujourd’hui les successeurs des dirigeants historiques. Nous souhaitons modifier l’organisation des rencontres en laissant la responsabilité des conventions de printemps par marque aux différentes associations et en prenant totalement en charge le contenu et l’organisation de la grande messe annuelle, à l’automne, toutes marques confondues. Je peux déjà vous annoncer qu’elle aura lieu du 9 au 13 novembre à Marseille. Une ville symbolique de notre développement.Quels sont les sujets évoqués en ce moment ? _ Il y a des sujets par marque, qui restent du domaine confidentiel, mais nous avons mis en place depuis cette année des groupes de travail transverses, notamment sur la "conquête du chiffre d’affaires". Ces groupes intègrent une réflexion sur les stratégies de pricing, les promotions, le lien avec les outils de PMS. Nous avons aussi un groupe de travail sur la baisse de TVA et les conséquences dans les établissements, notamment sur l’extension au petit-déjeuner.Dans cette période difficile où le chiffre d’affaires est plus dur à réaliser, émane-t-il des plaintes sur un traitement privilégié des hôtels managés ? _ C’est un sujet qui revient régulièrement et, là-dessus, nous jouons une totale transparence, notamment avec l’instauration de la politique de place. D’une part, les commerciaux, du siège ou de terrain, ne connaissent pas le statut de l’hôtel, s’il est filiale, managé ou franchisé, d’autre part, leurs incentives ne comprennent aucun bonus en faveur des filiales. Ce travail de place n’est pas un vain mot. Nous avons mis en œuvre un outil de prise en main de la place qui intègre totalement les franchisés dans un jeu gagnant gagnant, avec des règles strictes de fonctionnement valables pour tous. Les actions commerciales de place sont très suivies. Je prends l’exemple des Happy Nights, les franchisés alimentent très largement les nuitées disponibles en promotion. Ils savent bien qu’en étant propriétaire ou gestionnaire de la moitié du parc en France, nos décisions sont réfléchies.Comment avez-vous vu évoluer ces franchisés ? Y a-t-il une nouvelle génération moins liée à l’affectif du métier et plus attentive aux performances des enseignes ? _ Même si un investisseur, venant d’un autre horizon, décide de placer son argent dans l’hôtellerie, il n’a pas le même rapport à cette activité. Elle reste liée à l’accueil, au service. Elle mélange le financier, l’immobilier, mais aussi le travail en équipe, la rencontre avec des clients. Du coup cela influence les franchisés, même issus du monde industriel, qui n’ont pas qu’une culture du résultat. Il me semble que la crise va pousser des anciens cadres et dirigeants vers l’entreprenariat et le modèle de la franchise. Je constate que Accor depuis le début de l’année a ouvert un hôtel par semaine en franchise en France. Le rythme sera le même sur le second semestre 2009 et la cadence ne baissera pas sur 2010 avec de réelles ouvertures, qui ne sont pas des reconversions d’autres marques Accor. On n’a jamais vu ça.Pour en revenir aux franchisés eux-mêmes, quel profil privilégiez-vous ? _ Nous sommes très sélectifs en agréant de nouveaux franchisés qui ont la capacité et l’envie de grossir avec nous. Nous sommes en train de piloter un développement par place et nous apprécions encore plus d’avoir un franchisé par ville, qui est prêt à décliner plusieurs enseignes avec nous.Pour revenir à une réponse antérieure, qu’entendez-vous par la diffusion de la culture franchise chez Accor ? _ Nous devons apprendre à vendre davantage nos idées auprès de nos premiers clients que sont les franchisés, eux-mêmes en contact avec les clients finaux. C’est l’essence même de la culture franchise qui doit faire de Accor une société de prestations de services pour les franchisés. Je travaille beaucoup avec la structure américaine pour m’enrichir auprès de l’expérience des responsables de Motel 6. Je regarde aussi attentivement la concurrence des groupes américains qui annoncent régulièrement une déferlante sur la France et l’Europe, que je ne vois pas venir. Cela ne doit pas empêcher de rester en alerte.La franchise Accor en France en quelques chiffres :Le réseau compte 674 établissements franchisés Accor en France, avec un réseau de 210 partenaires, soit 48 % sur un parc de 1 414 hôtels. Il se décompose en 238 Ibis, 189 Etap Hotel, 144 Mercure, 41 hotelF1, 32 Novotel, 21 All Seasons, 6 Suitehotel et 2 Pullman et 1 Sofitel. 28 hôtels en franchise ont été ouverts depuis le 1er janvier : 9 Etap Hotel, 6 All Seasons, 6 Mercure, 5 Ibis, 1 Novotel et 1 Suitehotel.