Entretien avec Guy Crawford, Directeur général de Jumeirah : “En route pour une dimension planétaire”

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Publié le 02/07/08 - Mis à jour le 17/03/22

Guy Crawford cumule plus de 30 ans d'expérience hôtelière, dont 23 années passées au sein du Forte Hotel Group. Il y a tenu de nombreuses responsabilités de direction au Royaume-Uni, aux Bahamas, au Maroc et en Belgique. Il a ainsi participé activement à l'intégration de Méridien dans le portefeuille de Forte. Il a également été Directeur général des Macdonalds Hotels au Royaume-Uni avant de rejoindre Jumeirah en mai 2002, comme Directeur des opérations du groupe. Il a été promu Directeur général en février 2007.

{{HTR : Quelle est votre vision du management dans un groupe qui affiche aujourd'hui des ambitions planétaires ?Le produit spa s'est transformé pour devenir un concept global de well-being, surtout pour les clients du luxe. Nous avons donc la même approche que pour nos services hôteliers : une offre très haut de gamme avec un prix qui permet la rentabilité des investissements. Tout est question de “pricing” adapté. L'exemple de notre hôtel Madinat Jumeirah à Dubaï est révélateur. Nous avons une vingtaine de "spa suites" avec des soins facturés entre 250 et 300 dollars par heure. Et pourtant, il est très difficile de trouver une place dans le planning.Guy Crawford :}} Depuis mon arrivée, ma préoccupation a toujours été de gérer les instances du siège de façon à ne pas mettre trop de distance avec le client final et avec le personnel sur le terrain. C'est une philosophie au sein de Jumeirah. Le personnel est tenu au courant des développements et des actions du groupe. Même si c'est seulement une fois par an. Et aujourd'hui, comme société de gestion, nos clients ce sont aussi nos propriétaires. Cette attitude de relations étroites est un plus que nous voulons apporter.Dans ces relations avec les autres propriétaires, est-ce que vous n'êtes pas handicapés par le fait d'être la société de gestion des hôtels de la famille régnante de Dubaï ? Nous sommes une entreprise intégrée dans un plus vaste groupe, Dubai Holding, mais dès le départ notre ambition n'était pas limitée aux Emirats. Nous voulons faire partie des meilleurs groupes hôteliers au monde dans l'univers du luxe. Il est clair que nous avons commencé sur notre territoire à Dubaï, mais nous sommes aussi présents à Londres et à New York et il n'y a pas de limite à notre expansion. Notre présence sera globale.Allez-vous retrouver ailleurs dans le monde des rapports aussi privilégiés avec vos propriétaires actuels, dont on a le sentiment qu'ils sont prêts à toutes les extravagances ? Cela va faire huit ans que je suis entré dans le groupe Jumeirah et notre préoccupation du niveau du chiffre d'affaires et du retour sur les investissements est une constante sur toutes ces années. L'extravagance supposée sans s'intéresser aux résultats financiers est une légende. S'il y a une différence significative avec les autres groupes dans lesquels j'ai pu travailler, c’est sans doute le niveau de prestation dans le luxe qui correspond au prix que nous demandons pour la chambre. C'est peut-être ce que vous appelez extravagance. Je n'ai jamais vu de ma vie une telle exigence. Notre force, vis-à-vis des nouveaux propriétaires, sera de réaliser le meilleur équilibre entre le profit, qui est notre moteur, sans aucune équivoque, et les investissements dans le produit et les services de très haut niveau.Pourtant avec l'image des hôtels que vous gérez à Dubaï, comme le Burj Al Arab, vous êtes un peu prisonnier d'une obligation de surprendre, le fameux "Wow Effect !"… C'est une approche différente car je préfère quand le client ressent une émotion. Il ne doit pas seulement être impressionné c'est la limite du "wow !" - il doit ressentir qu'il est à New York, à Shanghai, dans un hôtel de grand luxe. C'est le mélange d'une "touch of class", comme on dit en Angleterre, et d'une réelle surprise. C'est pour cela que nous faisons appel aux meilleurs architectes et aux meilleurs designers, comme Tony Chi à New York ou l'équipe de Super Potato de Takashi Sugimoto qui va intervenir sur l'hôtel de Shanghai. Nous poussons le plus loin l'innovation pour devancer ce que le client va vouloir. L'innovation est dans les gènes de Jumeirah.En sortant plus résolument de votre univers des Emirats, vous allez vous confronter aux autres sociétés de gestion haut de gamme. C'est un défi de taille. Notre challenge n'est pas dans l'architecture comme on pourrait le croire. Il est plus subtil. Nous allons passer de 15 à 60 hôtels d'ici 5 ans et il va falloir trouver le personnel pour faire fonctionner ces nouveaux établissements dans le même esprit de "service émotionnel" et d'intégrité par rapports aux valeurs de Jumeirah. C'est une véritable préoccupation. Le défi va être de maintenir le lien personnel entre la direction et le dernier maillon du service. C'est encore possible aujourd'hui. J'ai rencontré personnellement chacun des salariés de Jumeirah, parfois individuellement, parfois en groupe. Chaque directeur, un lundi sur deux, doit consacrer au moins un quart d'heure pour parler aux nouveaux employés qui ont rejoint son hôtel. C'est ce qui fait la force du service de notre compagnie et qu'il va falloir exporter dans le monde.Quelle va être l'année la plus difficile pour vous ? Je préfère dire la plus excitante. En 2010, nous allons connaître des périodes avec une ouverture d'hôtel presque toutes les semaines. Nous avons à peine deux ans pour nous préparer. Le défi est de faire grandir la compagnie pour être prêt à chaque étape.Comment allez-vous convaincre un propriétaire, en dehors de votre cercle familier des Emirats, que vous pouvez être meilleur que Ritz Carlton, Four Seasons ou Shangri-La ? La culture du propriétaire est très forte chez nous depuis des années et j'ai la chance d'avoir travaillé au sein de Méridien, qui est sans doute la chaîne qui a toujours eu le plus grand respect pour ses propriétaires. Aujourd'hui, quand je suis en tournée, je passe la moitié de mon temps à rencontrer les propriétaires actuels et futurs de nos hôtels. Ce n'était pas le cas, il y a cinq ans. Nous avons pris conscience de leur différence et de leurs attentes différentes selon les continents et les pays. Il faut les convaincre effectivement que ce que nous avons réussi à Dubaï, Londres et New York peut se reproduire à Phuket ou aux Bermudes. J'accepte le défi pour en faire la démonstration dans deux ans avec les nouvelles ouvertures.Votre programme est très ambitieux et semble surtout tourné vers les hôtels resorts… Notre stratégie est claire : une présence dans toutes les villes clés du monde, mais nous avons un peu de réticence à dire les noms car dès que nous nous manifestons publiquement le prix de l'immobilier augmente. Ce n'est pas une bonne chose pour le propriétaire et pour les contrats qu'on veut nous faire signer. Est-ce que nous voulons être à Paris, sur la côte Ouest des Etats-Unis, en Allemagne et en Russie…? La réponse est oui, mais nous devons attendre que les opportunités soient plus raisonnables. Notre parc sera quand même plus développé sur deux zones prioritaires : l'Asie et les pays du Golfe.La crise immobilière et financière a-t-elle changé votre rythme de développement ? Paradoxalement, les banquiers nous courtisent davantage aujourd'hui. Il y a une prime à la sécurité et ils doivent penser que nous sommes un opérateur solide pour les projets qu'ils sont prêts à financer dans l'hôtellerie de luxe qui connaît son meilleur cycle.Le luxe a pourtant la réputation d'être cyclique donc aléatoire… Les dernières années ont montré que si l'on reste fidèle au service très haut de gamme, sans chercher à faire face à des difficultés conjoncturelles en réduisant les prestations, il y a une clientèle suffisante. Nous restons clairement dans le sommet du luxe pour cette raison.Y a-t-il a des rapports équivoques avec les investisseurs qui vous voient aussi en partenaires financiers ?Il y a encore des erreurs d'appréciations sur notre mission. Nous sommes des opérateurs et nous cherchons le meilleur contrat de gestion possible. Nous n'avons pas la vocation d'être des associés dans l'investissement, sauf à quelques exceptions près pour asseoir notre crédibilité.Le lancement de votre nouvelle marque Jumeirah Living marque t-il une orientation dans l’offre d’hébergement que vous allez proposer ? Nous avons, à ce jour, une centaine de dossiers en négociation à des stades très différents pour envisager un hôtel et dans 40 % des cas, au moins, ce sont des projets "mixed use". C'est une forte tendance de notre métier pour l'aménagement de nouveaux sites. Les propriétaires ne veulent plus se limiter seulement à un hôtel. Dans la plupart des cas, ils veulent associer des villas, des commerces, des appartements à services hôteliers. Nous avons intégré cette nouvelle dimension en proposant la formule Jumeirah Living. La première, World Trade Centre Residence, vient d'ouvrir à proximité du World Trade Centre de Dubaï. C’est un peu notre vitrine avec deux tours de 40 étages, près de 380 appartements de une à quatre chambres avec un concierge, une piscine, un bar-Club et un centre de fitness. Le modèle sera adapté dans les projets "mixed use" que nous allons concrétiser prochainement.Est-ce une réaction défensive face à un marché qui peut entrer en concurrence avec vos hôtels ? Ce sont vraiment deux approches complémentaires et on ne peut plus les ignorer. Chaque client - dans le niveau de revenus qui nous intéresse - trouvera son marché en fonction de ses besoins du moment. Quand il est avec sa famille, il préfère un grand appartement et quand il est en voyage d'affaires, il préfère une bonne chambre d'hôtel. Le développement pour nous est indissociable et va devenir notre “core business” avec les deux marques. C'est dans le même esprit que vous lancé votre marque de spa Talise…Le produit spa s'est transformé pour devenir un concept global de well-being, surtout pour les clients du luxe. Nous avons donc la même approche que pour nos services hôteliers : une offre très haut de gamme avec un prix qui permet la rentabilité des investissements. Tout est question de “pricing” adapté. L'exemple de notre hôtel Madinat Jumeirah à Dubaï est révélateur. Nous avons une vingtaine de "spa suites" avec des soins facturés entre 250 et 300 dollars par heure. Et pourtant, il est très difficile de trouver une place dans le planning.

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