Opérations

plus

Entretien avec Antoine Cachin, Président du directoire de Fram : "L’Hôtel-Club reste une valeur sûre"

10 min de lecture

Publié le 03/09/08 - Mis à jour le 17/03/22

Nommé président du directoire de Fram, 3e tour-opérateur français, en 2006 par Georges Colson, Antoine Cachin a une profonde connaissance du monde du tourisme, comme ancien directeur marketing du Club Méditerranée sous l’ère Trigano, comme président d’Havas Voyages, devenu Thomas Cook, jusqu’au printemps 2004, où il a piloté le lancement du produit hôtel-club, et comme consultant dans son propre cabinet, Itac, entre 2004 et 2006.

{{HTR Magazine : Comment est né ce concept d’hôtel-club ?A.C :}} Il y a plusieurs tailles critiques. Ce n’est pas la même si on est tour-opérateur ou hôtelier. Dans son métier d’hôtelier, compte tenu de la légèreté de la structure centrale, très décentralisée dans les pays d’implantation, notre taille est suffisante. Pour le reste, si Fram était plus gros ce ne serait certainement pas plus mal.Antoine Cachin :}} Cela dépend ce que l’on met sous cette notion d’hôtel-club, car c’est un concept, tel qu’on le connaît aujourd’hui, dont les origines finalement sont assez diverses. On peut dire que le village de vacances est né en Angleterre dans les années 50. Il s’est défini un peu en opposition à l’hôtel, car la communication entre les clients était au centre des préoccupations plus que l’infrastructure d’hébergement. Les exploitants s’intéressaient plus au mode de vie qu’au service hôtelier, qui était limité. C’était deux mondes qui s’ignoraient, voire se méprisaient. Et puis tout s’est mélangé ou rapproché : les villages ont porté plus d’attention au confort et aux prestations hôtelières pendant que les hôtels de loisirs ont voulu s’occuper de la vie de leurs clients dans la journée.{{HTR : Est-ce que ces origines se retrouvent dans la culture des hôtels-clubs d’aujourd’hui ?A.C :}} Si je poursuis mon analyse, le concept d’hôtel-club puise aussi dans l’évolution de deux autres secteurs : celui de la location de vacances, qui s’est organisé sous l’impulsion de groupes comme Pierre & Vacances, qui ont été conduits à proposer des resorts animés, et plus récemment le monde du camping aussi a évolué en sophistication. L’apparition des bungalows et le renforcement des animations le font converger aussi vers la formule hôtel-club. On a aujourd’hui toute une gamme de modèles, assez segmentée, à l’intérieur d’une même appellation. Il est vrai que l’origine des entreprises, qui sont actives dans le secteur, n’est pas neutre en matière de priorités : services hôteliers, qualité des animations, gestion immobilière… Selon les cas, l’animateur prend le pas sur l’hôtelier ou inversement.{{HTR : Jusqu’où va la segmentation du concept hôtel-club ?A.C :}} Elle suit l’évolution de la clientèle et de ses modes de vie. On est même arrivé à des sites uniques comme le Forte Village en Sardaigne qui propose toute la gamme : hébergements de luxe et plus accessibles, hôtel et village de vacances avec une mutualisation des espaces, de la restauration et des animations. Après, c’est un choix d’entreprise de formaliser la segmentation avec des marques distinctes, une communication différenciée. L’élément central du concept d’hôtel-club, c’est qu’on s’intéresse à la manière dont le client vit son séjour, à la convivialité qui doit s’installer. Le niveau de qualité de l’hébergement n’est que l’un des éléments. Il faut parvenir au plaisir global de l’expérience vécue par son client. Le “plaisir en grand”, si je reprends une formule qui est chère à Fram.{{HTR : Est-ce que l’on va inévitablement vers une montée en gamme du concept ?A.C :}} On a connu une montée en gamme naturelle des produits car, dans notre monde en développement, le degré d’exigence des clients évolue au fur et à mesure de la croissance économique et sociale. On n’accepte plus en vacances de ne pas retrouver le minimum de degré de confort de son domicile. Parallèlement dans leur stratégie de développement, les entreprises s’adaptent aux conditions locales. L’investissement foncier et les charges d’exploitation deviennent de plus en plus chers dans de nombreux pays et seul le haut de gamme permet d’amortir ces coûts.{{HTR : L’animation, qui est un élément majeur, n’impose telle pas des limites “culturelles” ?A.C :}} La question centrale est : avec qui a-t-on envie d’être en vacances ? Forcément avec des gens avec lesquels on peut communiquer. Cela implique que l’on parle la même langue ou que l’on partage la même culture, au-delà même des nationalités. Il est évident que la simplicité de gestion incite à n’avoir qu’une seule langue. Ce n’est pas toujours simple quand des groupes mondiaux accueillent dans une même structure des clientèles mondiales. La montée en gamme est aussi un élément fédérateur. Plus on monte dans la catégorie sociale et plus la mixité de clientèles et de cultures est facilement acceptée. Cela n’évite pas qu’une nationalité dominante dans un club puisse poser des problèmes avec les autres nationalités minoritaires. C’est un équilibre à trouver. Heureusement, nous n’avons pas ce problème avec Fram dont 90 % de la clientèle est française.{{HTR : Est-ce que cela ne limite pas l’élargissement de la commercialisation internationale ?A.C :}} Pour aller dans cette direction, il faut être capable d’internationaliser ses équipes d’animation et de vente. Des deux côtés, c’est coûteux et complexe. Fram ne le fait que de façon complémentaire.{{HTR : Au sein de votre production, le concept Framissima est-il le plus porteur ?A.C :}} Chez Fram, nous avons plusieurs types de produits et deux cas de figure : d’une part 25 Framissima, des hôtels-clubs de qualité 4*, bientôt un 26e Les Jardins de l’Agdal à Marrakech de niveau 5* ; et 17 Clubs Olé, des villages de vacances de niveau 3*. Douze Framissima nous appartiennent et nous les gérons totalement. Pour les autres nous garantissons le remplissage par des accords exclusifs, sans les gérer. Nous exploitons aussi quelques hôtels qui ne sont pas “animés”. Nous faisons partie des rares tour-opérateurs qui ont développé un véritable savoir-faire hôtelier et nous pouvons imprimer notre propre différenciation. C’est sur ce créneau que nous voulons nous battre davantage. Nous sommes aussi très vigilants sur le respect du cahier des charges des hôtels avec lesquels nous avons signé un contrat commercial. Le client ne doit pas voir la différence dans l’esprit Fram. D’autant que le personnel d’animation - les pilotes-vacances Fram - font partie de nos équipes.{{HTR : Le nouveau Framissima de Marrakech est-il emblématique de votre développement ?A.C :}} C’est d’abord une expérience nouvelle à double titre : le premier Framissima 5* avec un service hôtelier haut de gamme dans une ville où nous avons déjà un établissement, Les Idrissides. C’est une très belle réalisation architecturale. Ce n’est pas la direction privilégiée mais davantage une opportunité pour avoir une plus large part de marché dans une destination très prisée. Il sera sans aucun doute la quintessence du savoir-faire Fram en termes de service et d’animation.{{HTR : La notion d’animation a-t-elle évolué depuis une dizaine d’années ?A.C : }} C’est la chose la plus difficile au monde à réussir. L’animation doit être présente sans être envahissante, adaptée à toutes les clientèles des seniors aux ados. La prise en charge de nos clients fait partie du code génétique Fram. Plus nous sommes présents, plus les clients sont libres. L’animation reste une auberge espagnole où l’on prend ce que l’on veut bien. On doit pouvoir s’en exclure si on le souhaite.{{HTR : Comment projetez-vous l’avenir de cette formule de vacances ?A.C : }} Nous sommes dans une telle période de rupture qu’il est difficile de prévoir les évolutions avec précision. L’hôtel-club reste une valeur sûre car il y a toujours un dé.cit d’offre dans la pleine saison. Il est né autour du noyau familial, une structure un peu compliquée pour partir en vacances. Finalement, c’est le seul endroit où chaque membre de la famille peut vivre ses propres passions et se retrouver avec les siens quand il en a envie. C’est un comportement assez symptomatique de l’évolution de nos sociétés : un subtil mélange de la famille vécue comme un groupe, souvent recomposé, et du désir d’individualisation.{{HTR : La stratégie de Fram est-elle de se concentrer davantage sur ce créneau ?A.C : }} Clairement, nos “produits labellisés” représentent 40 % du chiffre d’affaires de Fram. Je souhaite passer à 50 % avant deux ans. L’axe majeur est d’utiliser cette marque qui symbolise des valeurs fortes : accueil, respect du client, convivialité, générosité, de plus en plus battues en brèche dans les sociétés contemporaines. Ces valeurs s’expriment encore mieux dans les produits où Fram s’investit complètement, joue la différenciation et cultive la .délisation. Nous avons une démarche d’intégration que n’ont plus les autres tour-opérateurs, avec nos propres structures, nos propres réceptifs, des avions à nos couleurs et souvent des autocars dans les pays d’accueil. C’est cette capacité à maîtriser plus que d’autres la chaîne du voyage qui fait notre différence.{{HTR : La gestion et la propriété d’un hôtel-club impliquent une forme d’immobilisation dans un monde touristique en perpétuel changement …A.C : }} Il y a toujours eu des risques à “s’immobiliser”, mais nous pensons que la vie d’une entreprise est faite de partenariats sur le long terme. On peut être ponctuellement opportuniste, mais notre enracinement dans un certain nombre de pays fait notre force, comme en Tunisie ou au Maroc. C’est pour cela que nous ouvrons un nouveau Framissima à Marrakech, sans nous interdire d’aller dans de nouvelles destinations comme St-Domingue l’hiver prochain et la France, à Morzine, qui était absente de notre carte, alors que c’est notre plus gros réservoir de clientèle.{{HTR : Pourquoi arriver si tard ?A.C :}} Paradoxalement, c’est en France qu’on nous attendait le moins. Par ailleurs, la réglementation est complexe, les coûts sont très dissuasifs par rapport à d’autres destinations. Mais nous considérons désormais que la France est l’un de nos objectifs importants. Nous annoncerons un deuxième site méditerranéen en France à l’été 2009, ainsi qu’une nouvelle ouverture en Crète et en Turquie.{{HTR : Dans cette stratégie de développement Fram a-t-il atteint sa taille critique ?A.C :}} Il y a plusieurs tailles critiques. Ce n’est pas la même si on est tour-opérateur ou hôtelier. Dans son métier d’hôtelier, compte tenu de la légèreté de la structure centrale, très décentralisée dans les pays d’implantation, notre taille est suffisante. Pour le reste, si Fram était plus gros ce ne serait certainement pas plus mal.

Pour aller plus loin

Chaque semaine, l’équipe HON vous apporte un regard expert sur le monde de l’hospitalité. En devenant membre, vous aurez accès à un écosystème complet : contenu exclusif, emploi, etc.

DEVENIR MEMBRE

Inscrivez-vous pour ajouter des thèmes en favoris. Inscrivez-vous pour ajouter des catégories en favoris. Inscrivez-vous pour ajouter des articles en favoris. Connectez-vous gratuitement pour voter pour la candidature.

Déjà inscrit ? Déjà inscrit ? Déjà inscrit ? Déjà inscrit ?