Édito

Toute force qui ne respecte pas les lois en place devient tyrannique

Une grosse partie de la distribution et de la commercialisation est aujourd’hui entre les mains des géants du web. L’arrivée d’Internet a détourné une partie des clientèles traditionnellement captées par la force des marques hôtelières de jadis. Ce détournement aurait dû permettre de faire des économies substantielles sur les dépenses des sièges en matière de commercialisation. Ceci est très difficile à évaluer car, entretemps les chaînes hôtelières se sont délestées des actifs, la majorité des hôtels est entre les mains des franchisés aujourd’hui qui sont devenus les principaux opérateurs du marché. Il aurait fallu au départ, faire comme les compagnies aériennes avec IATA, s’entendre et collaborer avec tous les groupes hôteliers pour créer une plateforme de réservation sur la toile. Les individualités et les dualités sont telles qu’il n’a pas été possible de s’entendre pour faire front malgré une initiative entre les plus gros de l’époque qui a rapidement échoué.

Certains persistent encore, mais arrivent trop tard sur un marché très largement dominé par Booking, Trivago, Expedia et consors. Or le secret du changement consiste à concentrer son énergie pour créer du nouveau, et non pas pour se battre contre l'ancien comme le soulignait Dan Millman. On a cru qu’on pouvait se protéger en mettant sous embargo le développement de l’offre mais en réalité nous avons ouvert une voie royale à toutes ces sociétés du web. Ceci a été très néfaste pour la profession et a accéléré l’arrivée de ces prédateurs, qui sont aussi des novateurs, sur notre secteur.

La position d’un hébergement dans les bases de metasearch, les prix réels pratiqués ou encore les avis postés doivent être basés sur des critères transparents et objectifs. Or, moyennant quelques espèces sonnantes et trébuchantes, le référencement est biaisé et au final le client lésé. A fortiori quand on sait que la représentativité des clients qui laissent des avis en ligne est loin d’être conforme aux règles élémentaires de la statistique; quant à vérifier leur crédibilité, on n’ose l’espérer. La réputation d’un hôtel peut vaciller voire s’effondrer sur un commentaire assassin avec souvent aucun recours pour l’hôtelier qui se trouve face à un mur quand il s’agit de retirer un avis inexact ou mensonger. Les jeux étant faits, il faut toutefois garder son fair-play et respecter les règles. Car au final c’est le consommateur qui est victime de la désinformation, du manque de transparence et de la partialité des plateformes de commercialisation et d’avis en ligne.

L’Etat et l’Europe doivent prendre leurs responsabilités et ont leur rôle à jouer en veillant à ce que les clients ne soient pas victimes de désinformation et en sanctionnant les dérives car, comme le disait Pascal, la justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique et c’est sûrement le cas aujourd’hui. Jusqu’ici très peu de condamnations ont été prononcées contre les comparateurs et ceux qui utilisent les fake news afin d’occuper le terrain et de constituer des bases de données tout en s’appropriant le fonds de commerce des hôtels.

Le futur de l’hôtellerie passera soit par un repositionnement du produit et des services sur des niches en créant aussi de nouveaux concepts –c’est ce qui permettra au client de représenter probablement plus de 80% des réservations sans intermédiaire– ou alors, par une concentration de l’offre au niveau mondial afin de réaliser des économies d’échelle et rétablir un équilibre face aux mastodontes du web. C’est le cas des grands groupes chinois et de Marriott qui ont choisi cette stratégie pour peser de manière significative sur toutes les destinations importantes au niveau mondial.

La forte mobilisation des hôteliers ces derniers temps a permis de faire prendre conscience aux pouvoirs publics de la nécessité de faire respecter les règles pour chacun. Le législateur et les organes de la justice ont le pouvoir et le devoir de rétablir l’équilibre dans cet écosystème fragile et complexe qu’est devenu le monde de l’hébergement marchand. Hôteliers, distributeurs, comparateurs, franchiseurs, franchisés, plateformes collaboratives… partagent tous le même gâteau mais certains tiennent la pelle à tarte alors que d’autres se servent à la petite cuillère. Les hôteliers sont prêts à participer à la mutation du secteur mais réclament une stricte et réelle application des lois et de la réglementation pour tous. Au final c’est bien chez eux que le client se rend et ce sont eux qui sont en contact direct avec lui. S’ils doivent désormais accepter d’avoir perdu la maîtrise de leur commercialisation, ils ne peuvent se résigner à recevoir des coups bas alors qu’ils se battent à la loyale.

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