Faut-il croire les modèles qui prédisent quasiment tous une poursuite de l’embellie de l’activité hôtelière dans les mois, voire les années qui viennent. Compte-tenu des performances déjà réalisées, l’optimisme affiché par les experts ne semble pas déraisonnable. Est-ce à dire que les arbres pourraient pousser jusqu’au ciel ?
Certes le rebond post-Covid a été spectaculaire, quasiment partout. Après une brillante année 2023, les performances de 2024 sont stimulées par une série d’événements qui faussent la lecture. Le jubilée du D-Day, la parenthèse enchantée des JOP, le Sommet de la Francophonie et bientôt la réouverture en grandes pompes de Notre-Dame soutiennent une activité qui, sans eux, serait décevante.
Les croissances de RevPAR sont en train de fondre et les progressions à deux chiffres ne seront bientôt qu’un heureux souvenir. Mais, après tout, ce n’est jamais qu’une normalisation des performances après un vigoureux rebond post Covid. De fait, les taux d’occupation sont plus laborieux - l’avant-saison estivale et une fin d’année maussade en sont les témoins- et la hausse des prix moyens atteint les limites du seuil d’acceptation, dans un contexte économique et social incertain.
Quelques années de vaches grasses, au sortir de deux années de vaches maigres, nous ont-elles fait oublier que la logique des cycles, même chahutée, n’a pas disparu.
Chaque mois nous rapproche d’un retournement inexorable mais prévisible, et donc maîtrisable si on sait bien l’appréhender. Mais ce nouveau cycle peut-il être différent des précédents ?
Beaucoup d’analystes économiques ont fondé leurs espoirs sur une victoire Démocrate aux Etats-Unis, une inflation maîtrisée et la poursuite d’une baisse des taux engagée par la Fed, entraînant la BCE dans sa foulée. La situation est loin d’être acquise avec un Républicain au pouvoir, dont on ne sait pas trop quelle sera la politique économique et l’influence qu’elle aura sur les marchés mondiaux.
Se préparer à de nouvelles conditions de marché en Europe devrait être la première préoccupation des chefs d’entreprise. Comme le traduit l’idéogramme chinois pour représenter une crise, c’est le mélange d’un danger et d’une opportunité. Et de fait, l’écosystème européen de l’hospitalité peut devenir un terrain de jeu intéressant. Il est encore très fragmenté avec quelques poids lourds et beaucoup de challengers qui ont de l’appétit.
Vont-ils saisir l’opportunité d’une nouvelle phase de consolidation et de restructuration du marché pour franchir un nouveau seuil de croissance? Les entreprises qui ont profité des perfusions distribuées pendant la crise sanitaire se retrouvent face au mur de la réalité si elles n’ont pas profité de cette période pour se réinventer, jusqu’à se transformer.
Le taux de pénétration des enseignes est loin d’avoir atteint le niveau des continents américain ou asiatique. Passer de 50 à 75% dans les prochaines années pourrait être le résultat d’une meilleure présence des marques dans le paysage de l’hospitalité française et européenne. Elles peuvent justifier leur contribution au ROI, leur approche client plus sophistiquée, l’efficacité de leur distribution, leur pouvoir de négociation avec les plateformes de commercialisation... Les exemples ne manquent pas d’enseignes hôtelières récentes qui ont trouvé leurs publics et sont en ordre de marche pour grandir davantage.
Alors que le Vendée Globe montre que le succès réside à la fois dans les bons choix tactiques, dans la bonne gestion des données, dans l’exploitation des opportunités et une bonne dose d’audace, le moment est peut-être venu pour ces entreprises volontaristes d’accentuer un leadership européen qui est à leur portée.
Nos voisins et concurrents européens, Espagne et Italie en tête, surfent sur une dynamique touristique que rien ne semble arrêter. Mais ils n’ont pas la même diversité de marchés business et loisir qui fait la force de l’hospitalité française. Si le vent se lève, il est aussi porteur d’une accélération de la transformation qu’il ne faut pas hésiter à saisir.
Il serait temps qu’un rebond se manifeste sur le marché français dont la compétitivité subit une lente dégradation. Son parc net n’a pas augmenté depuis les années 2000 avec une offre d’hébergement marchand (hors meublés touristiques) qui plafonne à 2 millions de chambres. De même, taux d’occupation moyen sur l’année stagne autour de 67%, comparable à l’Allemagne qui n’a pas les mêmes atouts, très en-dessous de celui du Royaume-Uni qui surfe au-delà de 75% et même de l’Espagne qui arrive à frôler ce chiffre à l’année.
Serait-il possible que le voilier de l'hospitalité tricolore soit la bonne surprise du prochain cycle ?