Notre monde et notre écosystème changent. Les frontières entre les services, touristiques en particulier, s’estompent ; les attentes des clients évoluent et nous devons nous adapter. Pour mener les politiques publiques, il faut définir le secteur ; mais qui a su et saurait définir clairement, objectivement et sans omission le tourisme ?
L’un des maux le plus profond de notre secteur est bien que le tourisme est mal défini, donc mal gouverné et, soyons réalistes, mal coordonné par ses acteurs. Bref ce flou créé de la confusion, du frottement, de la division inutile et ne rend pas service à l’industrie.
Le vendeur de glaces implanté dans une station balnéaire et qui réalise 80% de son chiffre d’affaires sur les deux mois d’été fait-il partie de la famille du tourisme ? Les transporteurs comme la SNCF, les compagnies aériennes ou encore les taxis ? Restaurateurs, hôteliers, meublés de tourisme, hôtellerie de plein air, réceptifs, activités de loisirs, mais aussi loueurs de vélos ? Clubs sportifs et autres bases de loisirs ? Les grands magasins, dont près de 70% du chiffre d’affaires est réalisé par la clientèle touristique, ne sont pas considérées comme un acteur du secteur. Commerçants et artisans côtoient des sociétés du CAC 40 et des géants du digital, alors comment parler d’une voie commune alors que certains intérêts peuvent paraître antagonistes ?
La désirabilité est centrale dans nos métiers de l’hospitality. Que ce soit pour un primo visiteur venant des antipodes ou pour un habitant du quartier ou de la région, le métier reste le même : vendre et faire vivre une expérience. Être capable de créer ce moment, cette connexion qui restera dans la tête et le cœur du client, quelle que soit son origine géographique ou sa culture (Voir l'édito du 2 juin 2020). L’hospitality est avant tout un métier de contact et d’accueil, où les limites du produit et du service sont sans cesse repoussées, où la créativité peut pleinement s’exprimer.
L’innovation est l’un des moteurs de notre succès et notre secteur a vu de profonds changements émerger : la démocratisation de l’aérien, celle de l’hébergement marchand notamment avec les chaînes hôtelières économiques, ainsi que la digitalisation qui ouvre au client un océan de possibilités et le remet au cœur du jeu. Nous entrons désormais dans une nouvelle phase de transformation. La demande de service touristique restera forte, mais quelle place pour le tour operating de masse à l’heure où tout un chacun peut construire facilement son expérience avec le digital ? Comment expliquer la faillite de Thomas Cook, l’un des plus gros opérateurs du secteur, en 2019 année record du tourisme mondial ? Il semble que seuls les voyagistes qui proposent du sur-mesure ont une marge de manœuvre pour tirer leur épingle du jeu, en remettant de la valeur dans la relation client. Les consommateurs sont de plus en plus nombreux à vouloir donner davantage de sens à leurs actes de consommation. Ces changements feront progressivement baisser le tourisme de masse pour un tourisme sur-mesure et individualisé, à l’instar de ce qui se fait déjà dans le haut de gamme.
A l’heure où le co-working et le co-living entrent de plus en plus profondément dans les mœurs, et où émergent le « staycation » et le « workation », une adaptation des opérateurs au développement exponentiel du télétravail est nécessaire. Qui portera le leadership des transformations dans le secteur ?
En cette période de crise, tous les scénarios de reprise sont explorés. Reprise en V, en U ou encore en L… Il semblerait que le K domine, avec une série d’entreprises qui continuent à progresser, tandis que l’avenir est jugé sombre pour celles qui appartiendraient au monde d’avant. Si nous sommes bien face à une reprise en K, peut-être faut-il s’étonner qu’aucun acteur du tourisme ne soit sur la courbe montante. Si cette crise devait révéler les entreprises qui sont en pleine croissance, en lien avec les attentes des consommateurs, où se situeraient les acteurs du tourisme ?
La confiance est la mère de tout développement économique. Face à ces changements profonds, en dehors de se réinventer complètement, le secteur de l’hospitality a une autre bataille à mener, celle de la réassurance. Il faudra répondre à un triptyque : sureté, sécurité sanitaire et garantie économique.
Cet été nous a montré que les tendances d’avant crise se confirment autour du local de l’authentique et du responsable. Si nul n’est en mesure de prédire précisément l’avenir, ce qui est sûr c’est que cette crise n’est pour l’heure pas économique. Elle est liée à un facteur exogène, sanitaire, qui une fois maîtrisé laissera place à la crise économique pour laquelle nous savons plus facilement lire des trajectoires de reprise. Cette crise n’est pas une crise de liquidités, elles sont abondantes, notamment du côté de l’argent public et de la finance. Elles contribueront fortement au choc de reprise attendu, dès que la confiance sera revenue sur le marché.
Depuis plus 25 ans Hospitality ON décrypte les transformations du secteur et nous avons hâte de décrypter les 300 prochaines nuances d’hospitality de ce nouveau cycle avec vous.