On s’est pas mal interrogé sur les conséquences profondes de la crise sanitaire en matière de loisirs et de voyage. Quelles tendances allaient persister entre le refuge familial au sein d’un environnement proche et naturel ; ou l’envie de vivre encore plus intensément, d’explorer encore davantage les terres inconnues, quitte à casser la tirelire ?
Entre cocooning et « revenge travel », qui sortirait vainqueur ? Les deux tendances extrêmes peuvent-elles cohabiter ? L’année 2024 apporte un début de réponse et de nouvelles informations sur les comportements à prendre en compte par l’hospitalité.
Si le « revenge travel » atteint ses limites, il a provoqué chez la clientèle haut de gamme cette envie de vivre plus complètement l’expérience du voyage. Cela se traduit par un niveau d’exigence dans les prestations mais aussi de dépenses plaisir qui font la joie des revenus managers.
Les plus jeunes générations ont adopté une autre dimension du voyage plaisir. Au nom du Gig-tripping, elles sont prêtes à traverser l’Europe, voire à changer de continent, pour suivre la tournée de concerts de leurs vedettes préférées.
Réunis en panel après l’été, plusieurs patrons des grandes chaînes américaines ont déclaré que Taylor Swift, à elle toute seule, avait fait bondir leur RevPAR. Mark Hoplazanian, le patron de Hyatt, a affirmé qu’elle avait eu un effet bien plus bénéfique pour ses hôtels que les JOP de Paris.
Ces voyages motivés par une passion se déclinent également dans le sport, autour des compétitions internationales, ou dans la culture comme l’a démontré la réouverture de Notre-Dame.
Alors qu’il y a encore dix ans, l’activité hôtelière reposait essentiellement sur un socle fonctionnel, alimenté par les voyages d’affaires, elle est aujourd’hui davantage alimentée par des envies d’expérience, de partage, d’émotion. Le « bleisure » avait déjà commencé à perturber les stratégies marketing axées sur une segmentation claire et rigoureuse des clientèles. L’hybridation des motivations a fait son chemin et on ne reviendra pas en arrière.
Dans un contexte économique et social volatile, plus fonctionnelle qu’émotionnelle, l’hôtellerie économique souffre davantage des effets conjoncturels. Pour l’instant, elle peine à retrouver ses taux d’occupation d’avant la crise sanitaire et ne peut pas jouer autant sur les augmentations de prix que les autres segments.
Quelles réponses doit apporter l’hospitalité à ces tendances qui n’ont plus rien d’éphémères ou de marginales ? L’offre hôtelière doit forcément s’y adapter comme elle l’a fait dans les décennies précédentes. Plus que jamais, elle doit participer à cette approche du voyage en apportant elle-aussi du contenu à l’expérience. Ce contenu, qu’il soit généré par l’hôtel ou par la destination et son programme événementiel, tient un rôle de plus en plus majeur comme déclencheur de l’acte de voyage. Notre secteur devient plus émotionnel, à l’image de la consommation dans son ensemble.
La quête du lifestyle par toutes les marques n’est pas innocente. Elle doit pouvoir se décliner dans tous les segments. De plus, le critère de localisation de l’offre s’impose comme une priorité majeure. Les jeunes générations, de moins en moins motorisées, ont du mal à accepter les emplacements périphériques. Conrad Hilton se frotterait les mains en constatant que l’emplacement reste une clef essentielle du succès, même s’il n’est plus le seul.