La cessation des activités de Thomas Cook le 23 septembre dernier a eu un impact majeur sur les destinations autrefois desservies et alimentées en touristes par le TO tout au long de l’année. La question aujourd’hui est de savoir dans quelle mesure celles-ci sont touchées. Première partie : l'Espagne et la Grèce.
L'Espagne, première destination de Thomas Cook
Alors que la confédération espagnole des hôteliers annonçait la fermeture de 500 hôtels dans le pays à cause de la faillite du britannique, le gouvernement espagnol a annoncé un prêt de maximum 200 millions d’euros pour aider en urgence les entreprises du secteur touristique, mesure qui devrait avoir un impact économique d’environ 300 millions d’euros. Ce plan d’urgence va faire l’objet d’un décret qui sera adopté le 11 octobre prochain. Les zones géographiques les plus concernées sont les îles, à savoir les Canaries et les Baléares, où le tourisme représente respectivement 35% et 45% du PIB. Le gouvernement espagnol prévoit aussi plusieurs mesures, comme « la mise au point d'une stratégie juridique de la part de l'Etat pour défendre les intérêts des (entreprises) affectées ». Aussi les 2 500 personnes employées directement par Thomas Cook, ou les autres travailleurs employés indirectement dans un établissement partenaire, seront exonérés des cotisations sociales.
Thomas Cook représentait un volume de 7,1 millions de touristes en Espagne l’an dernier. Il était le deuxième voyagiste en nombre de touristes dans les îles. Lors du jour d’annonce de sa faillite, plus de 35 000 clients étaient dans les îles Canaries et 40 000 autres dans les Baléares, d’après les gouvernements locaux. A l’avenir, 700 000 séjours ont été annulés au total pour la prochaine saison touristique. Outre les Canaries et les Baléares, les autres communautés autonomes particulièrement touchées sont la Catalogne, la communauté valencienne et l’Andalousie.
Tout d’abord, les îles Canaries sont de loin les plus impactées. Pour la saison d’hiver, pas moins de 400 000 séjours prévus ont été annulés. Il s’agit en effet de « la plus grande crise touristique » de l’archipel. Par conséquent il est question que la commission interministérielle mette en place « l'exemption des tarifs aériens » pour les vols à destination des Canaries, ainsi qu’un plan de développement comprenant de nouvelles lignes aériennes pour compenser le départ du TO. La destination veut aussi retravailler sur son image afin qu’elle n’en pâtisse pas à l’avenir. Par ailleurs, le secteur touristique représente une très grande part de l’emploi local. Ce sont ainsi 13 500 emplois qui seraient menacés. Pour compenser le départ de Thomas Cook, le voyagiste allemand FTI a d’ores et déjà annoncé renforcer la connectivité aérienne de villes allemandes comme Berlin, Düsseldorf, Francfort, Leipzig ou Munich, aux îles Canaries à travers 66 000 sièges supplémentaires. Il maintient aussi le développement de sa présence hôtelière sur ce territoire avec notamment l’arrivée prochaine du resort Stella Canaris à Fuerteventura, établissement qui est encore en construction et attendu comme un des plus grands complexes écologiques d'Espagne.
Du côté des îles Baléares, le tableau est à peine moins sombre, quoique clairsemé avec des touches d’espoir. Pour commencer, Thomas Cook représentait jusqu’ici 30% des arrivées de l’aéroport de Minorque, une des principales îles de l’archipel, soit un volume de 522 000 sur un total de 1,7 million d’arrivées internationales. Mais la chute de la société britannique se fera néanmoins ressentir dans une moindre mesure aux Baléares, notamment parce qu’elle est la seule destination où les avions de la compagnie aérienne du TO, à savoir Thomas Cook Airlines, n’ont pas été retirés du marché, d’après la Civil Aviation Authority (CAA) du Royaume-Uni. De plus, le gouvernement des Baléares a annoncé régler la taxe du tourisme durable des séjours touristiques dans l’archipel effectués entre juillet et septembre 2019. Une mesure sociale a été prise aussi : une aide mensuelle de 500 € sera octroyée aux travailleurs touchés par la crise (estimés à environ 3 400 personnes), et ce pour une durée maximale de 4 mois par personne. A Ibiza, la faillite du TO s’est faite néanmoins un peu plus ressentir. Le voyagiste aurait laissé une facture d’impayés d’environ 8 millions d’euros aux 42 hôtels de l’île où séjournaient 61 000 touristes pendant la saison estivale. Pour compenser une partie des pertes pour les hôteliers, la Fédération des hôtels et des entreprises d'Ibiza et de Formentera (FEHIF) a demandé au gouvernement l’exonération de la TVA de ces factures impayées, la baisse des redevances aéroportuaires ainsi que la suppression de la taxe de séjour en 2020.
En Catalogne, où 80 000 touristes viennent chaque année avec le TO, ce sont 5 000 touristes qui auraient été touchés par la crise. La région de son côté enregistre neuf millions d'euros de pertes, montant qui est relativement moindre, puisque la présence du TO avait baissé ces dernières années dans la région.
Face à cette onde de choc particulièrement violente pour le pays, le groupe Melia Hotels a annoncé faire preuve de solidarité envers le TO et ses clients en garantissant toutes les réservations effectuées dans ses établissements par les clients du voyagiste :
Compte tenu de la situation générée par la liquidation de Thomas Cook (un partenaire historique avec plus de 150 ans d'expérience et un grand compagnon de voyage pour Meliá Hotels International depuis nos débuts), nous voulons avant tout rassurer les clients qui sont déjà logés et ont réservé leur séjour chez nous par le biais de ce groupe, garantissant que leur séjour peut être effectué dans les conditions contractuelles.
Le groupe hôtelier espagnol rassure aussi les fournisseurs :
Nous voulons assurer aux opérateurs qui ont réservé des vols du Groupe Thomas Cook et réservé dans nos hôtels qu'ils ne seront pas facturés pour les montants générés, ainsi que pour le remboursement des montants payés d'avance. Meliá croit que même dans de tels moments, une entreprise de référence doit soutenir et faire preuve de solidarité avec ses clients et ses collaborateurs.
Enfin la Confédération espagnole de l'hôtellerie et des hébergements touristiques (CEHAT) a demandé au gouvernement espagnol une connectivité aérienne renforcée (pour remplacer les liaisons de Thomas Cook), avec la question que le gouvernement renégocie avec Ryanair pour empêcher le départ de la compagnie, ainsi qu’une aide financière à destination des hôteliers sous la forme d'incitations fiscales et de réductions de taxes, détaxe qui pourrait également s’appliquer aux aéroports pour inciter de nouveaux opérateurs à créer de nouvelles liaisons sur place.
La Grèce, fortement touchée également
Troisième destination du TO en 2019, le pays a accueilli 3 millions de touristes venus avec Thomas Cook en 2018. Les premiers foyers d’accueil sont la Crète, première destination du pays, suivi de Rhodes et Kos. Il y a aussi Zakynthos, Corfou, et Skiathos. La branche hôtelière du groupe compte 49 hôtels pour un volume total de 8 211 chambres très exactement.
Les pertes pour le tourisme grec engendrées par la disparition de Thomas Cook sont estimées autour d’un milliard d’euros (929,073,511 €). La société a laissé 50 000 touristes sur place à rapatrier, dont 22 000 qui ont été rapatriés dans les trois premiers jours suivants l’annonce de la faillite, d’après le ministre du tourisme, Harry Theoharis. D’après une enquête de l'Institut de recherche et de prévisions touristiques (ITEP) publiée cette semaine par la Chambre hellénique des hôtels, l’impact économique de cet incident est estimé à environ 315 millions d'euros pour l’hôtellerie grecque.
L’organisation grecque de main-d’œuvre pour l’emploi (OAED) a fait savoir qu’elle voulait soutenir 4 500 employés impactés par la faillite du TO pour qu’ils gardent leurs emplois à travers une contribution à leurs divers employeurs, solution qui a été soumise pour validation au ministère du travail. Un allongement des aides au chômage pour les travailleurs qui perdraient leur emploi était aussi prévu.
Le ministre Harry Theoharis a tenté de rassurer le secteur en émoi :
Qu'il n'y ait aucun doute pour le peuple du tourisme grec que dans les heures et les jours à venir, le gouvernement grec sera là pour soutenir l'industrie, qui est le plus grand secteur de l'économie grecque.
Il reconnait en effet l’importance de ces « petites et moyennes entreprises qui sont soutenues et soutiennent le tourisme grec » et entend par conséquent leurs apporter tout le soutien possible du gouvernement. Il rappelait ainsi tout l’engagement de l’Etat grec dans cette affaire d’une ampleur nationale :
Quels que soient les problèmes qui se posent, nous cherchons à les résoudre le plus rapidement possible. Nous avons déjà envoyé des instructions aux départements régionaux du tourisme du pays et ils informent la Confédération grecque du tourisme (SETE), la Chambre hellénique des hôtels et la Fédération hellénique des hôteliers, qui transmettront ensuite les informations à leurs membres.
Des mesures auraient déjà été prises afin de « regagner des parts de marché » :
Nous sommes en contact avec les compagnies aériennes sur les routes et nous concentrerons nos efforts de promotion sur les marchés et les villes qui ont été touchés par cet incident.
En Crète, première destination du TO en Grèce, 80% des hôteliers étaient partenaires de Thomas Cook. Ce départ aura donc un impact de 80 à 100 millions euros, en plus des 20 000 à 22 000 touristes qui étaient bloqués sur l’île à l’annonce de la faille le lundi 23 septembre. Fort heureusement, les voyageurs qui avait réservé un package (hôtels et vols) couvert par le contrat ATOL (Air Travel Organiser’s Licence - un système de protection financière britannique géré par la CAA et qui protège la plupart des voyages à forfait par avion vendus par les agences de voyages basées au Royaume-Uni), ont pu être rapatriés automatiquement.
Enfin, sur un ton plus optimiste pour l'avenir de la destination, le tour-opérateur allemand TUI pourrait remplacer Thomas Cook en Grèce en créant « des relations à long terme » avec les hôteliers grecs anciennement partenaires exclusifs du britannique.
Le directeur général de TUI, Sebastian Ebel, déclarait ainsi :
Lorsque nous avons appris que Thomas Cook a fait faillite, nous sommes allés à destination pour parler à nos partenaires potentiels parce que beaucoup d'entre eux ont perdu beaucoup d'argent et, surtout, ils ont perdu un important canal de distribution - heureusement à la fin de la saison - mais il reste encore environ six semaines.
Aussi s’intéresse-t-il autant à la partie hôtelière qu’aérienne :
L'offre que nous proposons n'est pas seulement de commercialiser - d'une manière très équitable - les lits des hôteliers qui sont intéressés, mais aussi d'essayer d'obtenir autant de sièges d'avion que possible puisque nous essayons normalement de relier le lit au siège, car cela n'aiderait pas si vous aviez un contrat hôtelier et aucun siège aérien.