
Et si les sites de réservation hôtelière en ligne n’étaient pas vraiment des partenaires de l’industrie hôtelière, mais des parasites qui viennent se greffer sur un circuit de distribution qui reliait auparavant le client directement à la réservation des chaînes et des établissements hôteliers ? C’est le sujet d’une étude sur le «brandjacking», néologisme qui associe la «marque» et son «détournement» commercial.
La société américaine MarkMonitor, spécialiste de la protection des marques dans tous les secteurs, s’est livrée, au début du printemps 2011, à une étude approfondie sur cinq chaînes d’hôtels internationales, en classes économique, intermédiaire et luxe. Elle a étudié les «attaques» dont elles ont été victimes sur le web de la part de sites de réservation en ligne, qui profitent de leur puissance sur les moteurs de recherche pour détourner des clients directs, qui souhaitaient aller sur les sites de réservation en ligne des marques. Toutes sortes de techniques, notamment l’achat de liens sponsorisés sur les moteurs de recherche, en faisant référence directement au nom des enseignes, dirigent involontairement les internautes vers les sites des petites et grandes agences de réservation en ligne. Par extrapolation de cette recherche, les auteurs de l’étude estiment que 580 millions de clients à haut pouvoir d’achat se sont retrouvés sur des sites «tiers» au lieu des sites des marques hôtelières. Il en résulte un chiffre d’affaires de $1,9 milliard détourné, parfois vers les concurrents, et quelque $270 millions de commissions indûment payées aux agences en ligne, soit au total quelque €1,5 milliard qui aurait dû transiter sur les bons sites de réservation des chaînes.Il ne s’agit pas au sens propre de contrefaçon électronique, à l’instar du «phishing» où les utilisateurs vont sur des sites répliques contrefaits, mais d’une forme de «nouvelle piraterie» où les recherches des clients pour une marque hôtelière particulière sont interceptées par les agences de voyages en ligne. Dans le meilleur des cas, la réservation est bien effectuée dans la marque souhaitée par le client, mais la chaîne va payer des commissions sur la transaction qu’elle aurait évitées avec une réservation directe sur son site. Dans le pire des cas, le client se voit proposer un autre établissement et c’est du chiffre d’affaires en moins. Les conclusions de MarkMonitor s’appuient sur l’examen de plus de 1,3 million de liens sponsorisés renvoyés par presque 4 000 combinaisons de mots-clés contenant ces marques et une estimation des flux de trafic générés. Il est apparu que plus de 1 750 agences en ligne avaient acheté des mots clés contenant les noms d’une ou de plusieurs des cinq marques analysées. Selon l’Internet Advertising Bureau, l’industrie du tourisme consacre chaque année $1,8 milliard à la publicité en ligne, dont 46% alloués aux moteurs de recherche. En 2010, on estimait que 40% de l’ensemble des réservations étaient effectuées en ligne, 25% étant influencés par les recherches sur les moteurs en ligne. Autre forme de piratage identifiée dans l’étude, le cybersquattage qui consiste à déposer auprès des autorités responsables de leur enregistrement des noms de domaines contenant des marques qui n’appartiennent pas au déclarant. L’étude a mis en évidence plus de 2 100 noms de domaines cybersquattés pour les cinq marques étudiées. Ces domaines frauduleux ont généré plus de 57 millions de visites par an, visites qui autrement auraient été acheminées vers les sites officiels des hôtels. Ces domaines sont en majorité valorisés dans le cadre de programmes de paiement au clic (PPC) n’offrant aucun autre contenu qu’un ensemble de liens PPC. ? www.markmonitor.com