
Alors que le procès d’un hôtel québécois contre TripAdvisor alimente les titres de la presse internationale, Hospitality ON a souhaité revenir sur les recours juridiques dont disposent les hôteliers contre les commentaires en ligne, jugés faux, injurieux ou diffamants.
Au Québec, un hôtel quatre étoiles est actuellement en procès avec le site communautaire TripAdvisor pour la publication d'un commentaire jugé diffamant. L'établissement demande 95 000 dollars de dommages et intérêts et le retrait de l'avis client posté sur la plateforme de commentaires en ligne. En attendant le verdict de ce procès, qui sera une première au Canada, Hospitality ON revient sur les moyens juridiques dont disposent les hôteliers pour se défendre contre les commentaires en ligne. Comme l'explique l'avocate spécialisée en propriété intellectuelle, Maitre Julie Jacob, la publication de commentaires en ligne, que ce soit sur les réseaux sociaux ou sur les sites communautaires, relève du principe de la liberté d'expression. Toute personne est donc libre de publier librement des critiques à l'égard d'une personne physique ou morale sur Internet, à condition cependant de ne pas franchir les limites que sont les propos diffamatoires, injurieux ou portant atteinte au droit de tiers et à l'image. Propos diffamatoires ou injurieux L'hôtelier est ainsi en mesure d'intervenir lorsque sont publiés à son égard des propos trop négatifs, soit diffamatoires ou injurieux. Avant toute chose et sans passer pas la voie judiciaire, l'établissement ou la chaîne visé a la possibilité de se défendre en répondant directement au commentaire en question, sur le site où il a été publié. Si cette solution est jugée insuffisante, notamment pour des questions de visibilité, l'hôtelier doit se tourner vers la voie contentieuse. Plusieurs étapes sont alors à respecter. Dans un premier temps, l'hôtelier doit procédé à un constat informatique par un huissier spécialisé dans le domaine pour se ménager la preuve de l'atteinte qui lui est portée, une simple capture d'écran n'étant pas suffisante aux yeux de la Justice. Le constat effectué, le plaignant est alors en mesure de demander un droit de réponse, qui devra prendre la même forme et disposer de la même visibilité que le commentaire litigieux (emplacement, format, longueur, etc...). L'établissement victime peut également demander le retrait pure et simple du commentaire, toujours auprès de l'éditeur du site concerné.L'engagement d'une procédure judiciaire n'intervient que dans le cas où l'éditeur du site internet concerné refuse à l'hôtelier d'exercer son droit de réponse dans des conditions satisfaisantes ou de procéder au retrait du commentaire litigieux. L'hôtelier peut ainsi intenter une action civile ou pénale pour demander des dommages et intérêts ainsi qu'une publication judiciaire, via une action en diffamation. Il lui revient néanmoins de prouver le dénigrement, avant de laisser la possibilité à l'auteur du commentaire de démontrer la véracité de ses propos. L'interprétation du caractère diffamatoire dépend ensuite de la seule interprétation souveraine du juge et reste très subjective. Mais, dans la plupart des cas le procès est évité, comme le précise Maitre Julie Jacob : "On obtient souvent le retrait du commentaire du site avec un accord amiable, si on a été en mesure de démontrer caractère diffamatoire ou injurieux des propos tenus à l'égard de l'hôtel ou de la chaîne hôtelière". A noter que l'engagement d'une action contentieuse suppose que l'auteur des propos diffamatoires ou injurieux soit identifiable, ce qui n'est pas toujours le cas sur les sites de critiques de prestataires d'hébergement C'est pourquoi, une fois que les recours amiables ont échoué, les actions judiciaires sont le plus souvent intentées à l'encontre de l'hébergeur du site. Cela nécessite cependant de prouver que ce dernier avait conscience d'héberger un contenu illégal, ou bien que, une fois au courant, il n'a pas pris les mesures suffisantes pour retirer promptement ce contenu.Les faux commentaires Outre les commentaires diffamatoires et injurieux, l'hôtelier doit également traquer les faux avis, non rédigés par un véritable client et qui relèvent de la pratique commerciale trompeuse. "Il est plus difficile de démontrer qu'un commentaire est faux, cela nécessite une enquête en interne ou via un détective privé ", explique Maitre Julie Jacob. A ce sujet, la DGCCRF avait lancé en 2011 une enquête pour détecter les faux commentaires publiés sur les sites Internet, visant notamment à documenter les dossiers pour " pratiques commerciales trompeuses" susceptibles d'être envoyés devant les tribunaux. L'avocate rappelle avant tout l'importance pour les hôteliers de surveiller leur e-réputation, sur les réseaux sociaux comme sur les sites communautaires. Plusieurs agences spécialisées existent pour épauler les hôteliers dans leur lutte quotidienne contre les sites de réservation en ligne et le manque de fiabilité de leurs commentaires.
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