Faillite de Thomas Cook, quel impact pour les destinations européennes ? Part. 2

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Publié le 14/10/19 - Mis à jour le 17/03/22

Split, Croatie

La cessation des activités de Thomas Cook le 23 septembre dernier a eu un impact majeur sur les destinations autrefois desservies et alimentées en touristes par le TO tout au long de l’année. La question aujourd’hui est de savoir dans quelle mesure celles-ci sont touchées. Deuxième partie : la Turquie, l’Italie et deux pays balkaniques (la Croatie et la Bulgarie).

La Turquie veut limiter les voyages à forfait à l'avenir

Suite à l’effondrement du tour-opérateur, le ministre du Tourisme Mehmet Nuri Ersoy a déclaré que la Turquie allait se recentrer sur les voyages individuels, afin d’éviter des situations aussi difficiles que coûteuses à l’avenir comme celle qui a été engendrée par le départ de Thomas Cook. En effet, les pertes pour la république d’Asie mineure sont estimées à 350 millions d’euros. Ajoutée à cela, l’opérateur britannique aurait une dette de 150 millions d’euros envers les acteurs du tourisme turc. Pour aider les petites et moyennes entreprises à surmonter cette épreuve, le gouvernement turc a prévu une enveloppe de 50 millions d’euros qu’il va redistribuer à travers une série de prêts sur trois ans et à faible taux.

Environ 21 033 clients Thomas Cook étaient présents en Turquie au moment de la faillite du TO le 23 septembre, dont 8 000 ressortissants britanniques. En pleine opération de rapatriement national (l’opération Matterhorn, désormais terminée), l’ambassade britannique en Turquie déclarait le 25 septembre :

Nos équipes sont présentes dans les aéroports d'Antalya, Dalaman, Bodrum et İzmir depuis lundi, travaillant en étroite collaboration avec les autorités aéroportuaires et touristiques turques pour assurer le retour de tous les passagers de Thomas Cook au Royaume-Uni. En date de ce matin, près de 8 000 personnes sur 31 vols ont été rapatriées.

Depuis le début de l’année 2019, ce sont 1,43 millions de touristes britanniques qui ont passé leurs vacances sur le sol turc, et le nombre de touristes toutes nationalités confondues a cru de +14,1% sur la même période ; en 2018, ils étaient 1,9 millions. La plupart des britanniques en séjours en Turquie viennent par l’intermédiaire d’un tour-opérateur pour un voyage acheté sous forme de package (transport + hébergement).

Le ministre du Tourisme déclarait lundi 23 septembre que le gouvernement allait maintenant se concentrer sur la promotion de voyage individuel à travers l'Agence de promotion et de développement du tourisme en Turquie :

Davantage de touristes viendront dans notre pays grâce à la promotion plus large de nos éléments du patrimoine mondial, de notre patrimoine culturel et de nos centres religieux. Il contribuera grandement au revenu national que nous tirerons du tourisme

Aussi il ajoutait que le voyage à forfait était « un problème depuis très longtemps », notamment à cause du faible revenu par touriste que ce type de voyage induit. La stratégie touristique du pays va se recentrer sur les voyageurs individuels à termes pour « mener une politique plus régulière et plus conforme aux intérêts » de la Turquie, en augmentant les dépenses moyennes par touriste et en diversifiant les profils de clientèle. Par conséquent la destination va réduire la présence et l’impact des tour-opérateurs sur son territoire, tout en visant plus de 75 millions de touristes et 65 milliards de dollars de recettes touristiques à l’horizon 2023, alors que 40 millions de touristes (représentant 29,5 milliards de dollars de recettes) sont venus dans le pays en 2018.

D’ici là, des compagnies aériennes comme easyJet, Lufthansa, Sunexpress, Jet2, British Airways ou Turkish Airlines ont ou vont augmenter leur capacité ou leur nombre de vols à destination de la Turquie pour pallier le départ de Thomas Cook. C’est ainsi qu’easyJet a rajouté 350 000 places réparties sur l’ensemble de l’année pour transporter davantage de vacanciers vers des destinations touristiques en Turquie. De son côté Turkish Airlines a gonflé de 20% le nombre de sièges disponibles sur sa ligne quotidienne Londres Gatwick-Antalya en octobre. Par ailleurs, la compagnie offre le transport d’un équipement de plongée sous-marine aux vacanciers qui voyagent à destination d’Antalya, la ville balnéaire étant réputée pour son activité de plongée. Plus récemment le voyagiste allemand TUI a annoncé augmenter de 2 millions le nombre de sièges vers les anciennes destinations de Thomas Cook, dont la Turquie.

 

L'Italie très impactée, les hôteliers demandent de l'aide au gouvernement

Federalberghi, l’association des hôteliers en Italie, estime qu’un hôtel sur dix est impacté par la faillite de Thomas Cook. Ce sont plus exactement 10,3% des entreprises hôtelières qui aurait été affectées selon une enquête de l’association. La moitié des hôtels (47,2%) qui faisait affaires avec le voyagiste britannique était de catégorie haut de gamme, un tiers (36,6%) moyen de gamme et moins d’un cinquième (18,4%) d’entrée de gamme.

L’enquête indique aussi que la chute du voyagiste a impacté l'ensemble du territoire italien, mais plus particulièrement la Lombardie, la Sardaigne, la Sicile, la Toscane, le Trentin Haut-Adige et la Vénétie (région administrative autour de Venise). Également, Thomas Cook aurait apparemment une dette moyenne de 118 000 euros envers chaque hôtel de ces régions selon les estimations de Federalberghi, « mais dans de nombreux cas [elle] dépasse le million d'euros » précise aussi l’association.

Devant une telle ampleur, la Fédération des hôteliers a demandé au gouvernement italien de prendre des mesures d'urgence « auprès des autorités britanniques et des autres pays dans lesquels les entreprises du groupe Thomas Cook opèrent afin de protéger la position des entreprises italiennes ». Il est question de faire des crédits d'impôt temporaires pour éviter aux entreprises italiennes d’être à court de liquidités, notamment grâce à une réduction de la TVA pour ces entreprises qui n’ont pas pu la collecter auprès de Thomas Cook (étant donné qu'elles n’ont pas été payées), afin qu’elles n’aient pas à redonner ce qu’elles n’ont pas reçu.

 

La Bulgarie craint pour son avenir

La facture est également salée en Bulgarie. Les hôtels de la station balnéaire de Sunny Beach estiment à 36 millions d'euros la dette de Thomas Cook. En effet la société de voyage britannique serait endettée auprès de cinquante hôtels installés au bord de la mer noire. De plus, la prochaine saison d’été serait compromise, avec entre 350 000 et 450 000 touristes qui se rendaient chaque année en Bulgarie à travers Thomas Cook jusqu’ici, soit environ 10% de la clientèle des resorts de la riviera bulgare.

Au total, les pertes générées par Thomas Cook pour le tourisme bulgare s’élèvent à 50,79 millions d’euros (100 millions de lèvres). La ministre du Tourisme Nikolina Angelkova confirmait l’inquiétude du gouvernement sur l’impact de la chute du TO sur l’activité touristique actuelle et à venir dans le pays, disant que « la situation est extrêmement difficile et elle affecterait non seulement la saison estivale qui s'achève, mais aussi 2020 avec certitude, car les négociations pour l'été 2020 sont en cours. »

Pour faire face à la crise, Nikolina Angelkova a convoqué une réunion d'urgence avec les hôteliers, les acteurs du tourisme dans le pays, et l'ambassade britannique en Bulgarie. Elle expliquait ainsi mettre tout en œuvre « pour aider les personnes touchées par la faillite déclarée du voyagiste britannique Thomas Cook ».

Malgré cela, la Chambre régionale du tourisme de Bourgas (ville côtière au sud-est du pays) prévoit d’ores et déjà un déclin important du tourisme dans les trois à quatre prochaines années. En partie en cause serait l’inaction du gouvernement, d’après le responsable de la Chambre, Ivan Ivanov :

Actuellement, le ministère du Tourisme de la République de Bulgarie et le ministère des Finances ne font rien. Tout d'abord, le ministère du Tourisme doit développer un programme pour aider les hôteliers bulgares, par l'élimination de la TVA - où le service touristique est facturé et rien n'est payé.

Aussi il ajoutait :

Le deuxième point vient du gouvernement : des prêts sans intérêt doivent être accordés pour payer les hôteliers et les fournisseurs. Sinon, il y aura des faillites massives, tant des fournisseurs que des hôteliers.

Environ 6 000 touristes étaient bloqués en Bulgarie lors de l’annonce de la faillite de Thomas Cook, dont 2 500 britanniques. Dès le lendemain, le mardi 24 septembre, 900 personnes avaient déjà été rapatriées dans leur pays d’origine. Par ailleurs, la filiale de Thomas Cook en Croatie, Astral Holidays, a fait également faillite le 7 octobre dernier.

 

La Croatie très faiblement touchée, confiante dans sa capacité à rebondir

Le départ de Thomas Cook n’a que très peu perturbé l’activité touristique en Croatie. L'impact léger ne devrait même pas se faire ressentir à long termes. Ce sont 800 000 ressortissants britanniques qui ont séjourné dans le pays de janvier à août 2019, effectuant un total de 4,1 millions de nuitées principalement dans des stations au bord de la mer Adriatique. Une partie minoritaire de ces voyageurs ont emprunté le tour-opérateur pour venir.

A l’annonce de la faillite, seuls 438 touristes étaient bloqués avec Thomas Cook dans la ville balnéaire de Split, et même pas 200 personnes (190 passagers) l’étaient à Dubrovnik. Aussi le voyagiste s’est acquitté de toutes ses obligations envers les hôteliers croates. Enfin, le ministère des Affaires étrangères et le ministère du Tourisme croates promettaient aux vacanciers de Thomas Cook en séjours dans le pays au moment de la faillite qu’aucun d’entre eux « ne subira de dommages ou ne sera laissé sans surveillance » puisque le « gouvernement britannique organisera des vols pour que tous les touristes rentrent chez eux » en même temps « que l'agence d'assurance du gouvernement britannique couvrira les coûts de leur hébergement ».

Une déclaration officielle rassurait également sur la confiance en l’avenir qu’affiche le gouvernement croate, malgré le départ de Thomas Cook :

Le ministère du Tourisme et l'Office national croate du tourisme continueront, comme auparavant, à promouvoir intensivement la Croatie sur le marché britannique, qui est l'un de nos marchés les plus importants, et à mener des activités liées au renforcement des liaisons aériennes. C'est pourquoi nous pensons que dans les années à venir, la Croatie sera l'une des destinations les plus populaires pour les visiteurs du Royaume-Uni.

A titre d’exemple à Dubrovnik, seuls quelques hôtels et hébergements divers souffriront de la chute du TO. Frano Luetic, directeur de l'aéroport de Dubrovnik, confirme le faible impact qu’aura le départ du tour-opérateur sur Dubrovnik, étant donné que « les passagers de Thomas Cook ne représentaient qu'un faible pourcentage du nombre total d'invités à l’arrivée, compte tenu des nombreux autres vols et compagnies arrivant à Dubrovnik ».

 

Pour rappel, le portefeuille d’hôtels dans le monde de Thomas Cook 

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