
• Plus jeune directeur général de France quand il était en poste au Carlton de Cannes, Didier Boidin est fidèle au groupe IHG depuis trente ans, et occupe aujourd’hui le poste de vice-président des opérations pour toutes les enseignes du groupe en France et dans les pays proches. • Basé à l’InterContinental Paris Le Grand, qu’il préside, il passe une grande partie de son temps à entretenir les relations de travail avec les équipes et les propriétaires des hôtels sous contrat de gestion. • Fondée sur un gros travail de recherche, la philosophie du groupe «Great hotels guests love» doit aujourd’hui trouver sa réalité opérationnelle dans chacune des marques, dont les ADN ont été clarifiés.
_ Disons d’abord qu’il n’y a pas si longtemps que la France est remontée dans la liste des priorités de développement d’IHG, qui s’était focalisé sur d’autres territoires. Ensuite nous nous sommes pénalisés par deux exigences qui ne sont pas négociables pour le groupe : un strict respect de normes internationales, notamment en matière de sécurité ; et une volonté de s’implanter là où un marché international existe. Nous progressons sans doute plus lentement mais sur des bases plus solides. Aujourd’hui, nous avons une palette d’enseignes qui va sans aucun doute permettre d’aller plus vite. Etes-vous gêné par le fait que des propriétaires et franchisés puissent avoir des établissements affiliés à plusieurs groupes hôteliers concurrents ? _ C’est une réalité de longue date aux Etats- Unis et nous y sommes habitués. Quels secrets de fabrication voulez-vous protéger en limitant vos partenaires à ceux qui sont fidèles uniquement à vos enseignes ? La transparence est plus efficace et plus stimulante. Certains de nos directeurs généraux participent à des réunions de groupes propriétaires qui convoquent tous leurs directeurs d’hôtels, quelle que soit leur enseigne, pour comparer les performances. Au bout du compte, c’est plutôt enrichissant pour tout le monde.De fait, on entend davantage parler de la marque InterContinental à travers plusieurs projets ou des changements d’enseigne… _ Il y a effectivement le projet de Marseille qui est en cours sur l’ancien Hôtel Dieu avec notre partenaire Axa. Nous avons été retenus dans les cinq finalistes pour la transformation de l’Hôtel Dieu de Lyon en hôtel de luxe. Nous avons ouvert le second InterContinental à Paris en rebaptisant le Crowne Plaza de l’avenue Marceau et ce n’est un secret pour personne que nous sommes à la recherche d’autres opportunités dans la capitale. Cela étant, les exigences pour l’enseigne sont telles qu’on ne peut pas aller partout. L’emplacement central est primordial et les opportunités sont rares, même à Nice où nous avons regardé quelques dossiers.La transformation du Crowne Plaza avenue Marceau en InterContinental « boutique » correspond-il à une nouvelle orientation de l’enseigne et à de nouvelles possibilités ? _ Pour être clair, si nous avions été totalement prêts à développer l’enseigne Indigo -notre nouveau concept boutique pour la conversion de bâtiment en centre ville, nous l’aurions proposé au propriétaire. Cet hôtel ouvert comme Crowne Plaza était trop atypique pour cette enseigne. La marque InterContinental lui convient mieux et envoie un message aux propriétaires : un InterContinental n’est pas forcément un gros porteur et n’est pas forcément de style classique, dès lors qu’il respecte strictement les normes de qualité de service de la marque. A Paris, c’est un très bon complément de notre établissement de la place de l’Opéra. Dans d’autres destinations, cela peut nous ouvrir des opportunités avec de plus petites unités.Vous ne renoncez pas pour autant à développer Indigo… _ Bien au contraire, il manquait ce produit de conversion de bâtiments existants ( historiques, bureaux, …) dans la gamme IHG. Indigo connaît un grand succès aux Etats- Unis car il répond aux exigences d’une nouvelle clientèle qui recherche le style «boutique», en plein centre ville, mais avec la sécurité d’une enseigne internationale. La première ouverture à Londres donne de bons résultats et deux autres contrats sont déjà signés. Nous progressons également bien en Espagne et Italie et j’ai de bons espoirs de la voir arriver prochainement à Paris. Avez-vous songé comme d’autres groupes à développer une “luxury collection» d’établissements exceptionnels ? _ Notre philosophie est d’avoir des marques solides avec un ADN clair. Si l’on doit aller dans le grand luxe ce ne sera pas avec une «collection», car il est compliqué d’expliquer à un propriétaire pourquoi tel établissement peut intégrer la collection et pas un autre. La référence au prix moyen n’est même pas un critère objectif, car il est fluctuant en fonction de chaque marché national. Ce serait le meilleur moyen de décevoir les propriétaires. Il reste l’option de faire une acquisition, ce qui n’est pas exclu.Vous avez plusieurs fois mentionné l’ADN de vos marques, comment arrivez-vous à le définir ? _ En devenant une compagnie purement de gestion hôtelière, nous avons décidé de consacrer beaucoup d’argent à la recherche pour encore mieux connaître nos clients et leurs attentes. A partir de cette connaissance approfondie nous construisons ou reconstruisons les marques, avec une orientation assez différente des années précédentes, axée davantage sur le service que sur le produit lui-même. Cela se traduit par la philosophie affichée du groupe : Great hotels guests love (De beaux hôtels que les clients aiment). Il est plus difficile d’imposer des standards produits très stricts aux propriétaires et franchisés, alors nous préférons développer un lien affectif avec les marques, fondé sur le niveau de service et de reconnaissance du client. La fidélité à la marque, quelle qu’elle soit au sein de la gamme IHG, doit se créer par rapport à la promesse faite et tenue et plus seulement par rapport au produit. Qu’est-ce qui fait que l’on va choisir InterContinental, Crowne Plaza, Indigo ou Holiday Inn par rapport à la concurrence ? Notre travail actuel est de développer des valeurs émotionnelles. Je cite un seul exemple pour InterContinental. Les études de marché nous ont montré que pour les clients le concierge était un personnage clé de cette promesse de qualité. Il vaut mieux un excellent concierge qui connaît sa ville et vous trouve une table dans le meilleur restaurant plutôt que dépenser beaucoup d’argent pour avoir son propre restaurant étoilé.La gamme IHG répond-elle à tous les segments qui vous intéressent ? _ C’est en tout cas notre préoccupation première et notre volonté affichée au travers de «Great hotels guests love», déclinée par marque, pour avoir une offre qui corresponde aux clients en famille, individuels, en affaires ou en groupes, à un moment de leur comportement d’achat. Nous avons un gros noyau de clientèle, que l’on identifie assez bien à travers notre programme de fidélisation «Priority Club» qui comprend 48 millions de membres. Il faut qu’au moment de son choix chacun d’entre eux ait une réponse IHG à travers notre gamme. Il ne faut pas se le cacher : le vrai luxe aujourd’hui pour le client, c’est de pouvoir choisir. Et il ne s’en prive pas. La fidélité ne s’impose pas. Je suis encore surpris par des réactions de confrères hôteliers qui ont le sentiment de maîtriser leurs clients, voire de les éduquer à leurs produits. Nous n’avons pas cette présomption.Où en êtes-vous du déploiement de la nouvelle version Holiday Inn et Holiday Inn Express ? Les résultats sont-ils probants ? _ Nous sommes mondialement aux deux tiers du parcours avec un résultat concret quand le produit a été repositionné : un RevPAR en hausse de 5 à 6% en moyenne, même en période de crise. C’est un changement qui produit une grosse différence et qui nous permet aussi de resserrer la gamme Holiday Inn avec un concept «full service» et un autre «limited service», Holiday Inn Express, dont la chambre a les mêmes standards et qui diffère simplement par l’offre de services plus limitée. Cette cohérence renforcée encourage les propriétaires. Elle nous permet de mettre fin, au fur et à mesure de l’achèvement des contrats, au mélange des genres avec des marques appelées à disparaître comme Garden Court.L’ambition des 100 Holiday Inn en France à court terme est-elle toujours d’actualité ? _ 100 et même 200 Holiday Inn et Holiday Inn Express. Il n’y a pas de raison de se limiter avec ces concepts revisités qui peuvent trouver place dans de nombreuses localités. Nous avons des partenaires solides comme investisseurs et franchisés, des institutionnels, et des groupes propriétaires qui s’engagent avec nous sur des contrats multiples.N’avez-vous plus du tout vocation à être vous-mêmes propriétaires, y compris dans des destinations stratégiques comme Paris ou la Côte d’Azur … Le retard des travaux au Carlton ne serait peut-être pas si grand si vous en aviez encore la propriété. _ La question a été tranchée et nos derniers actifs, comme l’InterContinental Paris Grand, place de l’Opéra, pourraient être mis sur le marché au moment propice. Dans le contexte actuel, je ne vois pas comment nous aurions pu faire mieux en étant propriétaire du Carlton à Cannes. Nous avions déjà reporté les travaux quand l’hôtel nous appartenait. Il est plus stimulant d’être un opérateur qui doit démontrer son efficacité aux propriétaires et allouer nos ressources au développement des outils commerciaux. Nous avons aujourd’hui toute une batterie de nouveaux outils pour suivre les performances et qui sont très utiles pour nous et pour les franchisés. Nous n’avions pas cette même possibilité dans le passé pour encourager et aussi pour sanctionner les franchisés qui ne respectent pas la charte de qualité, par exemple. Le repositionnement d’Holiday Inn tombe à pic pour établir de nouvelles relations, qui passent forcément par une sortie d’hôtels hors normes du réseau.Comment se passe ces relations avec les franchisés, pour entretenir l’esprit IHG ? _ Sous l’autorité de Kirk Kinsell, Président pour l’Europe Afrique et Moyen-Orient, nous avons une double organisation opérationnelle. L’une pour les hôtels en management et l’autre pour les hôtels en franchise. Le développement en franchise des grands groupes hôteliers est incontournable et cela passera par une plus grande transparence des relations. Nous venons de terminer une série de huit Business Performance Meetings qui réunissent à la fois les franchisés, les propriétaires de nos hôtels en management et leurs directeurs généraux. Nous exposons la stratégie commerciale et marketing et nous provoquons la discussion dans les ateliers thématiques.Sur quoi portent les protestations des franchisés, s’il y en a ? _ Le point d’achoppement reste les investissements que nous exigeons pour le respect des normes internationales, communes à tous les hôtels IHG dans le monde. Ce n’est pas négociable, notamment en matière de sécurité. Il faut juste insister sur le fait que nous ne faisons que prendre de l’avance sur des normes qui s’imposent à tous progressivement dans tous les pays. Etes-vous gêné par le fait que des propriétaires et franchisés puissent avoir des établissements affiliés à plusieurs groupes hôteliers concurrents ? _ C’est une réalité de longue date aux Etats- Unis et nous y sommes habitués. Quels secrets de fabrication voulez-vous protéger en limitant vos partenaires à ceux qui sont fidèles uniquement à vos enseignes ? La transparence est plus efficace et plus stimulante. Certains de nos directeurs généraux participent à des réunions de groupes propriétaires qui convoquent tous leurs directeurs d’hôtels, quelle que soit leur enseigne, pour comparer les performances. Au bout du compte, c’est plutôt enrichissant pour tout le monde.