Les élus régionaux et les dirigeants d’entreprises privées du tourisme tricolore ont été conviés par l’Alliance France Tourisme à débattre et porter des propositions ayant pour objectif de construire les conditions du rayonnement des destinations françaises. Retrouvez les interviews des intervenants.
Points de vus et feuilles de routes des intervenants à ce temps d'échanges :
- Hervé Morin, président de la Région Normandie: https://youtu.be/4ilKCOSczUU
- Dominique Marcel, président de l’Alliance France Tourisme et du conseil d’administration de la Compagnie des Alpes: https://www.youtube.com/watch?v=JmRtXudhG60
- Franck Louvrier, vice-président de la région Pays de la Loire: https://www.youtube.com/watch?v=vc4d-GYCyjg
- Olivier Sichel, Directeur Général délégué de la Caisse des Dépôts : https://youtu.be/7LBaNeNE4Ew
- Olivier Ginon, président de GL Events: https://youtu.be/lQmdjL1ArBQ
- François de Canson, Vice-président de la Région Sud, président d’ADN Tourisme : https://www.youtube.com/watch?v=Etk4tgS9NKg
- Franck Gervais, Directeur Général, du Groupe Pierre & Vacances – Center Parcs: https://youtu.be/99HtpD77EYA
- Gabrielle Halpern, philosophe : https://youtu.be/afG2JqbEMb4
Hervé Morin, Président de la Région Normandie : « La question du tourisme c’est aussi la question de l’Etat. Combien de temps mettez-vous pour sortir de l’aéroport et sortir de la douane ? Si je compare avec les voyages que j’ai pu faire à travers le monde, nous avons en France un service parmi les plus dégradés.
Le second sujet concerne également l’état, si vous souhaitez accueillir massivement des touristes, il faut qu’ils se sentent en sécurité.
La question des prélèvements obligatoires doit également être évoquée. Cela a un réel impact sur l’investissement touristique.
De ce que j’ai pu voir durant mes nombreux déplacements en Normandie, je constate que nous allons faire une très belle année touristique.
En ce qui concerne la formation, quand on atteint des taux de chômage à 4 voir 4,5% dans certains départements, il s’agit d’une population extrêmement éloignée de l’emploi.
Je ne suis pas certain qu’améliorer la rémunération soit suffisant. Il y a également la question de l’organisation du travail avec le travail le week-end par exemple. Il y aussi celle de la formation et la nécessité de cultiver de l’appétence pour ces métiers, qui sont des beaux métiers, des métiers de générosité.
Pour les régions il s’agit d’avoir la capacité de porter des investissements stratégiques, capables de générer des flux et qui recréent de l’appétence pour les touristes.
Il y a également des acteurs privés de rang mondial qui sont à nos côtés et qui ont la capacité d’agir. »
Dominique Marcel, président de l’Alliance France Tourisme et du conseil d’administration de la Compagnie des Alpes : « La démarche de l’Alliance France Tourisme c’est de ne pas avoir une approche catégorielle mais bien de prendre en compte tout l’environnement : législatif, économique, en lien avec la sécurité, la propreté.
Le maillage du territoire et la qualité de l’accueil sont également des enjeux importants.
Nous considérons que rien ne se fera si tout le monde ne se met pas autour de la table pour définir et déployer dans la durée une stratégie tourisme. Les entreprises ont d’abord leurs propres responsabilités et doivent « balayer devant leur porte ». Nous n’attendons pas tout de l’Etat et des régions loin de là.
Les régions sont pour nous un interlocuteur majeur, elles disposent de la taille critique, ont un lien avec l’identité des territoires, la capacité à impulser l’innovation, la création de nouveaux sites à travers la naissance de synergies indispensables. Les régions portent également les compétences formation, développement économiques et transports qui sont indispensables au secteur touristique.
Nous sommes heureux de travailler avec les régions, nous considérons que c’est un partenaire essentiel. Il y en a d’autres, l’état a également un rôle à jouer.
2022 est une année de rattrapage mais attention, nous perdions des parts de marché avant le Covid. Nous avons des atouts incomparables mais aussi des faiblesses. »
Relancer l’investissement dans les territoires et transformer l’offre touristique
Franck Louvrier, vice-président de la région Pays de la Loire : « Que faut-il pour inventer le tourisme de demain : l’impulsion doit venir de l’Etat. C’est le président de la République l’ambassadeur du pays. Toujours dans un objectif de conquête quantitatif plutôt que qualitatif. L’objectif est qu’il y ait des investissements publics/privés. Le Puy du Fou n’a pas de financements publics mais s’il n’y avait pas les routes pour y arriver… Tout cela est une cohérence. C’est tout l’enjeu et le rôle des régions. Développement économique, emploi transport, formation sont autant de compétence clés. Les régions et l’état doivent travailler avec la même feuille de route. »
Olivier Sichel, Directeur Général délégué de la Caisse des Dépôts : « Le groupe Caisse des Dépôts s’est engagé à hauteur de 3 milliards d’€. En Pays de la Loire nous avons mis en place un dispositif de lease back touristique avec Franck Louvrier pour permettre aux hébergeurs de racheter leurs établissements une fois les travaux de rénovation faits et après la remise en exploitation. Nous avons été contre cycliques en investissant pendant le Covid 200 € millions pour le Futuroscope II.
Je pense que le tourisme doit être Durable, Digital et Participatif. Notre travail se fait au plus près du terrain. »
Olivier Ginon, président GL Events : « Pour notre secteur, suite à la crise du Covid, notre métier a été fermé pendant 16 mois. Nous gérons en France environ 40 délégations de services publics. Centres de conférences, arénas, stades en France et nous organisons du plus petit au plus gros salon. La Caisse des Dépôts a monté un fonds en partenariat avec Montefiore, nous en avons bénéficié à hauteur de 10€ millions. Il ne faut pas oublier que pour le tourisme d’affaires, les ETI et des grands groupes existent en France et financent au moins à part égales les projets dans lesquels l’état peut investir. Il n’y a pas de réussite de tourisme événementielle sans une entente très forte entre le public et le privé. GL Events je l’ai lancée il y a 40 ans avec 20 00 francs (environ 4000 € NDR), en année de référence nous dépassons les 1 milliard d’€ de chiffre d’affaires. La dynamique que le privé apporte est fondamentale avec le public. On vient dans une ville s’il y a le plus beau centre de congrès du monde. Il ne faut pas oublier les ETI qui ont de fortes capacités d’investissement et qui connaissent leurs machés, il faut mieux les considérer.
Dans le cadre du plan de relance il ne s’agit pas uniquement de « faire du béton » mais aussi de faire de la communication. »
Olivier Sichel : « Dans nos investissements nous avons une stratégie qui va avec le privé. Nous ne sommes jamais contre le privé. Nous nous associons beaucoup avec de grands acteurs privés, qui connaissent mieux leurs clientèles. Sur la partie congrès, nous avions besoin de bases de réflexion, nous avons doc financé une étude qui est libre d’accès sur ces sujets suite à la suggestion de David Lisnard président de l’AMF et des Villes de Congrès. Elle démontre qu’au moment où l’on peut faire des visioconférences ou encore u télétravail, le niveau d’exigences pour les prestations salons et congrès va augmenter. L’exigence environnementale fait qu’également prendre l’avion sera de plus en plus mal vu. Il faut donc que se déplacer devienne une expérience exceptionnelle. Concrètement aller dans un palais des congrès devra être assorti d’une découverte du territoire. »
Franck Louvrier : « Notre force en France c’est la diversité de l’offre c’est donc un avantage vis-à-vis de la concurrence qui est désormais mondiale. Il s’agit pour nous d’être à la hauteur de l’offre internationale et de profiter de la richesse de nos territoires. Il y a pour nous un objectif essentiel, se préoccuper de l’enjeu environnemental et notamment des émissions de gaz à effet de serre liées au tourisme. »
Dynamiser la formation dans le tourisme et relancer l’attractivité des emplois dans le secteur
Franck Gervais Directeur Général, Groupe Pierre & Vacances – Center Parcs : « Chaque acteur du secteur doit faire son travail. Pour nous, cela commence par l’amélioration des conditions de travail de nos salariés. Il y a par exemple les salaires. Nous sommes engagés à payer nos salariés en bas de la grille salariale à +5% par rapport à la convention de branche. L’entrée dans les métiers qui sont fondamentaux pour le fonctionnement de nos établissements est difficile. Nous avons donc travaillé à améliorer les conditions de travail. Il y a également l’accès aux sites et le manque de transports que nous adressons. A nous employeurs de faire en sorte que nos employés aient le sourire. Qu’ils puissent bénéficier de parcours de polycompétences.
Nous avons également un gros enjeu de communication. Le service a été associé à la notion de servitude alors que c’est le plus beau métier du monde. Nous sommes dans le contact, le lien social qui nous a manqué. »
François de Canson, Vice-président Région Sud, président d’ADN Tourisme : « Comment expliquer le manque de main d’œuvre et ses conséquences ?
Nous travaillons à stimuler la formation des professionnels et à accompagner les entreprises pour la formation de leurs professionnels. Nous avons également développé un partenariat qui nous permet de mieux valoriser les offres d’emplois disponibles dans le secteur avec des effets bénéfiques puisqu’avant le partenariat il restait 45 000 emplois à pourvoir dans le secteur et que nous en avons désormais 10 000.
La formation est un sujet central, il faut aller chercher les synergies avec les régions qui ont les compétences, les outils, les structures et les budgets pour répondre aux besoins exprimés par les professionnels.
En région Sud nous avons par exemple déployé le chèque expertise tourisme qui permet aux employeurs de se poser des questions, d’utiliser les outils numériques.
Côté ADN Tourisme nous avons également beaucoup travaillé sur le management dynamique des collectivités et le e-tourisme. Là aussi on s’aperçoit des besoins, il y a un réel engouement que les chiffres démontrent. En 2021 480 000 heures de formations mises en place nous constatons 22% d’heures de formation en plus en 2022.
Il y a également un réel besoin de simplification. »
Gabrielle Halpern, philosophe : « Si l’on revient sur le rapport des jeunes au travail, on entend des termes comme paresseux, individualistes et infidèles. Ils ne se sont pas paresseux mais au contraire très exigeants vis-à-vis de leur travaille. Le triptyque formation, diplôme, métier est remis en question. Les jeunes sont multitâches et veulent avoir 1000 vies professionnelles en une. A charge aux entreprises de répondre à ce besoin.
Ce qui est remis en question, c’est la division du travail. Ce que l’on gagne en productivité, on le perd en sens et en partage. Si chacun est sur sa micro-tâche, on perd la vision d’ensemble. On ne pensera plus en termes de métiers mais en termes de compétences.
C’est une véritable révolution y compris pour les écoles qui vont devoir sortir de leurs cases. »
François de Canson : « Cette révolution part du lycée. Dès le lycée on doit donner envie aux jeunes de travailler et leur donner la possibilité d’utiliser les médias et les réseaux sociaux. Il faut également faire un effort de réassurance, rassurer l’employé sur la façon de travailler. « On a besoin de vous, votre énergie, de votre bonne humeur, de votre sens du détail et dans nos entreprises vous pouvez trouver une place de choix. » Ce sont les messages qu’il faut faire passer. »
Franck Gervais : « Nous avons tout intérêt à faire valoir les schémas propres à notre secteur. Le patron Belgique de Center Parcs a commencé au sein du groupe comme maître-nageur. Ce sont des parcours que nous avons tout intérêt à mettre en valeur. Donner du sens et faire confiance, c’est pour moi fondamental. C’est le sens qui fait que les jeunes générations vont être attirées par nos métiers. Le rôle sociétal des entreprises c’est l’un des premiers critères de motivation de ceux qui viennent rejoindre le groupe aujourd’hui.
Quand les patrons ont compris qu’ils doivent faire confiance aux employés, cela se passe très bien. Il y a du donnant donnant entre les salariés. Ces organisations autoapprenantes, je trouve que c’est le plus bel exemple que l’on puisse donner. »
François de Canson : « Nous avons des filières et des groupes d’excellence. Il faut s’appuyer sur ces groupes et sur leur histoire qui font évoluer le monde du tourisme. Il faut stimuler la formation des employés mais également accompagner les professionnels dans leurs efforts d’évolution. »
Gabrielle Halpern : « Il y a de belles initiatives et il faut les encourager. Il s‘agit maintenant de se demander comment aller encore plus loin et quels écosystèmes construire pour accompagner ces changements. Comment créer un écosystème pour apporter encore plus de valeur sociétale dans un territoire, ce sera une question clés demain. Un hôtel et une maison de retraite cela parait un mariage improbable mais il y a je pense de nombreuses choses à réinventer. C’est le sens de l’histoire et de la géographie. »
Un constat partagé par tous : une crise qui révèle une nouvelle envie de faire du tourisme. Tous autour de la table constatent une volonté commune et de travailler ensemble ce qui annonce de beaux jours. Attention toutefois à ne pas se tromper d’objectifs.