Ashok Balbhaskarane, directeur de l'immobilier et du développement commercial chez WOJO, et Jérôme Martin, avocat chez Martin & Associés, expliquent comment le marché des espaces de bureaux est de plus en plus influencé par le secteur de l'hôtellerie et de la restauration.
WOJO, filiale d'Accor Hotels et de Boogie Mobile, a été fondée en 2015 et exploite actuellement 18 sites à travers la France, ainsi que des implantations en Afrique et en Amérique du Sud. L'entreprise propose des espaces de co-working sous deux marques : WOJO et Mama Works, cette dernière étant une filiale de la marque Mama Shelter.
« Nous souhaitons développer ces marques à travers l'Europe », déclare Ashok Balbhaskarane. Il explique que WOJO a intégré le concept d'« hospitalité au travail », mêlant des environnements de bureau à des services d'hospitalité afin de créer un espace de travail plus attrayant.
Baux variables et rôle des services dans le secteur des bureaux
Ashok Balbhaskarane explique comment ce changement a façonné les contrats de location, en particulier par l'introduction de baux variables. « Dans le secteur du co-working, nous apportons de la valeur en offrant des services tels que des salles de réunion, du café et d'autres activités que vous pouvez monétiser », déclare-t-il.
Ces services, qui n'étaient pas monétisés dans le cadre de la location traditionnelle de bureaux, représentent aujourd'hui une part importante du chiffre d'affaires. "Environ 20 à 25 % du chiffre d'affaires dans le secteur des bureaux provient des services."
Cadre juridique et essor des modèles de loyers variables
Jérôme Martin, avocat spécialisé dans les baux commerciaux, explique comment cette transition modifie la structure des baux. « Traditionnellement, les baux de bureaux étaient fixes, mais l'évolution vers des loyers variables est désormais une tendance du marché », explique-t-il. « Nous introduisons de la flexibilité avec des baux basés sur le chiffre d'affaires du locataire, à l'instar de ce qui se fait dans le secteur de l'hôtellerie ».
Jérôme Martin souligne en outre que les accords comprennent souvent des clauses d'évaluation des performances du locataire, où les loyers peuvent être ajustés en fonction du chiffre d'affaires. « Si le rendement tombe en dessous de 20 % du loyer prévu, cela peut déclencher une clause de défaut, qui permet au propriétaire de passer à un modèle de loyer fixe », ajoute-t-il.
Équilibrer les intérêts : protections pour les propriétaires et les locataires
Ce modèle évolutif offre des protections à la fois aux propriétaires et aux locataires. "Pour le propriétaire, il y a une protection en cas de baisse importante du loyer. Pour le locataire, il y a la possibilité de résilier le contrat avant terme si le test de performance n'est pas satisfaisant", explique Jérôme Martin.
Impact du COVID-19 et essor des modèles de location hybrides
Ashok Balbhaskarane explique comment la pandémie de COVID-19 a accéléré ces changements. "L'essor du travail à distance a fondamentalement changé notre perception des espaces de bureaux. Le défi consiste désormais à rendre les bureaux à nouveau attrayants, et les services sont essentiels à cet égard", souligne-t-il.
"Il ne s'agit pas seulement de fournir un bureau, mais de créer un espace dynamique qui encourage la collaboration et l'interaction." Il ajoute que pendant la pandémie, WOJO a introduit un modèle de location hybride qui allie la flexibilité du co-working à la location de bureaux traditionnels, un modèle qui a depuis réussi à attirer à la fois des petites et des grandes entreprises.
Chiffres clés et variables de négociation des modèles de location hybrides
Les chiffres financiers qui sous-tendent ces modèles sont cruciaux. Comme l'explique Ashok Balbhaskarane, "les frais sont généralement de l'ordre de 15 à 25 % du chiffre d'affaires, avec des incitations basées sur l'EBITDA. Plus vous offrez de services, plus le loyer potentiel est élevé". Jérôme Martin abonde dans le même sens : « Les éléments clés à négocier sont le pourcentage du chiffre d'affaires et les indicateurs de performance, qui permettent d'équilibrer les intérêts des deux parties. »
Le modèle gagnant-gagnant : Une nouvelle ère de partenariats entre propriétaires et opérateurs
Les deux intervenants soulignent que cette évolution vers une structure de location plus dynamique crée une situation "gagnant-gagnant" pour les propriétaires et les opérateurs. « Pour les propriétaires, le fait qu'un opérateur gère le bien permet d'optimiser les coûts et de s'assurer que le bâtiment reste attractif pour les locataires », explique Jérôme Martin. Ashok Balbhaskarane ajoute : « Il s'agit de créer un espace qui n'est pas seulement fonctionnel, mais un lieu où les gens ont envie d'être - les services sont la clé de cette réussite. »
Alors que le secteur des bureaux continue d'évoluer, les deux intervenants s'accordent à dire que l'avenir du leasing réside dans ce modèle hybride, où la flexibilité, les services et les accords basés sur la performance deviendront la norme.
