Karim Malak, directeur général d’easyHotel, un concept économique qui a trouvé son marché

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Publié le 20/06/25 - Mis à jour le 23/06/25

Karim

"Ça ne m'a jamais intéressé d'avoir un vélo sur un mur. Ce qui m'intéresse, c'est de faire du vélo dans la ville"'. Karim Malak a pris ses fonctions en décembre 2021. Il a été appelé par les actionnaires de l’époque, Icamap et Ivanhoé Cambridge, pour développer la présence européenne en sortie de crise sanitaire. Arrivés en bout de cycle de détention, les anciens actionnaires passent la main à Tristan Capital qui a de Nouvelles ambitions.

Vous annonciez en 2023, l’intention de doubler votre taille avec l’arrivée attendue d’un nouvel actionnaire. Une intention renouvelée en 2024 avec le process de rachat engagé. La prise de contrôle de Tristan Capital marque-t-elle le début d’une phase d’accélération du développement ?

Cela fait déjà un certain temps que le développement a pris de la vitesse et on le doit avant tout aux clients. Ils apprécient le concept qui s’appuient sur des basiques que nous voulons les meilleurs du marché : des chambres plus petites, mais avec des matelas de meilleure qualité, une meilleure acoustique, de meilleurs rideaux occultants, un excellent wifi, etc. Tout pour bien dormir, tout pour explorer la ville. easyHotel est conçu comme un hôtel compact, qui ne cherche pas à proposer un bar meilleur que les bars locaux, ni une piscine meilleure que les piscines locales, etc. etc. 

Nos ratings, nos commentaires clients sont en constante augmentation sur toutes les plateformes. Cela veut dire essentiellement que le concept rencontre sa clientèle. Premier point. Le deuxième point, c'est le fait qu’en ouvrant plus d'hôtels à travers l'Europe, l’effet de réseau fonctionne au-delà même de la notoriété que nous avons intrinsèquement avec notre rattachement à la famille easy.

Pensez-vous avoir atteint la taille critique dans les marchés européens prioritaires ?

Il y a encore trois ans, plus des deux tiers du chiffre d'affaires étaient réalisés au Royaume-Uni. Désormais, c'est l'inverse, les deux tiers du revenu sont générés en dehors du Royaume-Uni. Je suis particulièrement satisfait, sur ces dernières années, d'avoir démontré l'appétit du marché pour ce genre de concept. On a ouvert récemment à Madrid. On ouvre un second hôtel à Barcelone dans pas longtemps, un premier à Valence. Notre présence en Espagne commence à se voir après celle développée en France.

Désormais, les deux tiers du revenu sont générés en dehors du Royaume-Uni. Je suis particulièrement satisfait, sur ces dernières années, d'avoir démontré l'appétit du marché pour ce genre de concept.

Madrid
Récente ouverture de  l'easyhotel de Madrid

Pour revenir sur le concept, résolument économique, vous considérez-vous en concurrence avec l’univers des « nouvelles » auberges de jeunesse ?

À l'heure où on se parle en tout cas, nous sommes clairement du côté hôtelier, avec de vraies salles de douche dans les chambres. On peut nous comparer au modèle des nouvelles auberges de jeunesse par l’efficacité recherchée en termes de mètres carrés. Tout tient dans 20 m2 au sol par chambre, parties communes incluses. Le design est fait pour utiliser le moins de mètres carrés possible. Et d'autre part, on évite d'avoir des services superflus. Pas de Ce que nous considérons comme des services superflus dans les parties communes. Donc pas de spa, de piscine, une salle de petit déjeuner qui fait la taille qu'il faut, mais pas de restaurant, un accueil simple, pas de bar, etc. Nous considérons que la localisation recherchée offre tous ces services à proximité ou très bien connectés avec le bus ou le métro.

Y-a-t-il une vraie proximité avec la famille easy, tirée par easyJet ?

Oui, absolument. Il existe une vraie filiation, à la fois dans l’ADN de marque et dans l’expérience proposée. Si vous prenez un vol easyJet, vous verrez, à l’avant, des hommes d'affaires, puis derrière une équipe de foot, un groupe de retraités, une bande de copains en enterrement de vie de garçon, des familles, des touristes individuels… Ce mélange des profils, cette diversité de voyageurs, on la retrouve chez easyHotel.

Nous accueillons une clientèle très variée : internationale, locale, voire ultra locale. En moyenne, un tiers de nos clients voyagent pour affaires, les deux tiers pour le loisir. C’est un peu la même photographie que dans un avion easyJet. On partage surtout la même philosophie : rendre le voyage accessible, simple, sans superflu mais avec tout ce qu’il faut. Pratique, démocratique et ouverte à tous, la marque easy a su créer un véritable esprit communautaire – et easyHotel s’inscrit pleinement dans cette logique.

Qu’est-ce qui les réunit et comment communiquer vers ces cibles si différentes ?

Je considère qu’il y a trois grands groupes qui ont des motivations proches qui les réunissent. Pour une bonne part, ce sont des clients qui décident délibérément de ne pas dépenser trop sur leur hébergement en préférant arbitrer leur budget pour découvrir la ville et ses activités. On peut comprendre quand certaines activités, concerts, sorties, compétitions sportives coûtent cher. 

Vous vous inscrivez dans une certaine contradiction avec le discours hôtelier qui insiste sur l’expérience à vivre intégralement à l’hôtel. Quelles que soient les propositions que l’on met dans la notion d’expérience… Ce qui conduirait à une désaffection pour l’hôtellerie économique classique.

J'ai passé dix ans dans un grand groupe français d'hôtellerie et donc je connais bien le discours sur le luxe ou sur le lifestyle. Il y a naturellement différents segments pour différents types de clientèle. Mais moi, ça ne m'a jamais intéressé d'avoir un vélo sur un mur. Ce qui m'intéresse, c'est de faire du vélo dans la ville. Je trouve que les cocktails sont meilleurs dans un bar authentique que dans un bar d'hôtel où on essaie de faire en sorte que le barman ait une tête de hipster. 

Mon constat, ce sont nos gains de parts de parts de marché dans toutes les localisations où nous sommes présents, et de bons retours clients. Et ce qui ne gâche rien, nos résultats financiers sont meilleurs également. Je ne vois pas du tout de désaffection en termes de taux d'occupation ou de ou de prix moyen dans l’hôtellerie économique, quand elle est bien localisée en ville. Sur nos 50 hôtels, 48 sont à moins de cinq minutes d'un transport urbain. On est loin de l’hôtellerie « budget » à l’ancienne.

 Je trouve que les cocktails sont meilleurs dans un bar authentique que dans un bar d'hôtel où on essaie de faire en sorte que le barman ait une tête de hipster. 

Marseille
Des espaces communs minimalistes pour inciter à découvrir la ville (Marseille Euromed)

Revenons sur les caractéristiques communes à tous vos segments de clientèle…

Le second élément est rationnel. Ce sont des clients qui ont un budget limité et qui ont du mal à faire face aux prix pratiqués à Madrid, Barcelone, Amsterdam, Londres ou Paris en ce moment. C'est très difficile de trouver une chambre d'hôtel pour un prix correct, notamment en haute saison.

La troisième motivation tient à une certaine prise de conscience de l’essentiel. Nous nous adressons à ceux qui apprécient une offre claire, simple, efficace. Nous avons fait en sorte que la réservation soit aussi simple que de commander un Uber. Nous mettons aussi en valeur la sobriété dans les services comme la décoration. Cela fait partie de la conscience RSE.

Revenons aux objectifs de développement. Selon les déclarations récentes, on parle d’un doublement, voire d’un triplement à termes de vos implantations. Comment votre nouvel actionnaire voit-il les choses ?

Nous n’annonçons pas de chiffre magique en termes de nombre d’hôtels, notre orientation est davantage en termes de capacité. Notre nouvel actionnaire, Tristan Capital Partners, a clairement exprimé le souhaitait de construire ou convertir des hôtels plus grands. Ce qui fonctionne bien avec 50 à 70 chambres peut fonctionner encore mieux avec 120, 150 ou 200 chambres. Nous allons plutôt atteler à concrétiser de plus grandes réalisations, aller vers de plus grandes villes que dans la stratégie précédente. On aura moins d'hôtels que prévus quantitativement mais sans doute autant en nombre de chambres. Nous allons être probablement plus sélectif à la fois sur les emplacements, sur les villes, sur les pays.

La stratégie porte-t-elle sur un approfondissement des implantations dans les pays déjà conquis, comme l'Espagne, le Portugal ou les Pays-Bas ? Ou est ce qu'il faut que vous alliez dans des nouveaux territoires ?

Nous sommes en train de finaliser le plan stratégique avec Tristan. Il s'agit de se renforcer, un peu comme tout le monde, en Espagne, agrandir notre réseau en France, ouvrir le Portugal et mais aussi densifier les pays dans lesquels nous sommes très présents, Royaume-Uni, Irlande, Pays-Bas et Belgique. Je parle là des hôtels en pleine propriété. Nous sommes présents sur onze pays, dont l'Allemagne, et l’on regarde attentivement les développements en franchises.

Karim

Nous sommes présents sur onze pays, dont l'Allemagne, et l’on regarde attentivement les développements en franchises.

Ne craignez-vous pas d’arriver en même temps que tous les autres groupes qui ont identifié les mêmes pays cibles ?

Nous avions un peu anticipé le succès de l’Espagne, parce que c'était un pays qui était important avec un marché domestique et un gros marché touristique en parallèle. Nos ouvertures s’y succèdent. On vient d'ouvrir à Madrid, je vais inaugurer Barcelone, et Valence, et après Alicante l'année prochaine. Donc on va commencer à avoir une masse critique assez sérieuse en Espagne qui va nous permettre de nous développer à la fois en avec les murs et à la fois en franchise. 

L’Italie est-elle dans votre viseur ?

L’Italie est compliquée d'un point de vue process et les chambres sont également un peu plus grandes d'une manière générale. Cela demande de faire quelques évolutions pour l'hôtellerie Budget. Certains ont très bien réussi là-bas, donc il n'y a pas de raison qu'on ne réussisse pas aussi. C’est l'une des cibles à long terme de notre actionnaire, peut-être en commençant par une acquisition.

Face à la difficulté de créer une offre neuve, en raison des difficultés à trouver du foncier, de la règlementation ou des problèmes de financement, allez-vous, vous aussi, vous tourner vers la conversion ?

C’est effectivement un axe intéressant, car notre concept est fondé sur le fait d’avoir les meilleurs « basiques » mais finalement peu importe la forme de la chambre ou la disposition des parties communes. Si nous restons très stricts sur les basiques, nous pouvons être très flexibles sur un certain nombre de critères. Ce qui facilite la conversion. 

Il n’y aura pas de recherche en construction neuve systématique...

Non, ce ne sera pas systématique. Le modèle fonctionne, il rencontre un public, il est financièrement très viable. On a envie de développer beaucoup plus d'hôtels et pour ce faire, il va falloir faire à la fois de la construction, de la conversion. Il va falloir faire tous les types de contrats possibles dans les différents pays. Notre actionnaire, qui est un fonds immobilier, va vouloir aussi acquérir les murs.

Le modèle fonctionne, il rencontre son public, il est financièrement très viable.

Marseille
easyhotel Euromed Marseille

easyHotel a activement mis en avant ses efforts pour réduire son empreinte carbone. Pourriez-vous nous donner plus de détails sur la manière dont ces initiatives se traduisent concrètement dans l'expérience des clients et dans les activités quotidiennes des hôtels ?

easyHotel réduit activement son empreinte carbone en apportant des changements tangibles à la fois dans la conception et l'exploitation de ses hôtels, qu'ils soient en propriété ou en location. Les hôtels que nous construisons suivent directement nos nouvelles normes de conception à faible émission de carbone, émettant 39 % de CO₂ en moins sur un cycle de vie de 50 ans par rapport à la concurrence. Nous soutenons également financièrement notre engagement en faveur de la réduction des émissions de carbone, en investissant environ 7 millions d'euros dans la modernisation de 21 établissements. Cet investissement nous donne jusqu'à 10 ans d'avance sur les objectifs du CRREM.

Sur le plan opérationnel, nous avons supprimé les plastiques à usage unique dans les zones réservées aux clients, remplacé les cartes-clés en plastique par des cartes en bois et mis en place des systèmes énergétiques intelligents. L'ensemble de ces changements nous permet d'offrir un séjour confortable et abordable tout en réduisant l'impact sur l'environnement.

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