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Entretien avec Franck Louvrier, président de la Commission déléguée tourisme de Régions de France, Vice Président des Pays de La Loire. Il revient sur son expérience à la tête de la commission tourisme et partage des pistes de solutions pour garder la force d'attractivité de la destination France.

Quel était votre objectif principal en tant que président de la commission tourisme des Régions de France ?

J'ai découvert cette mission. Je ne connaissais pas la fonction elle-même et ce qui est passionnant, c'est qu’en fin de compte, c’est un échange de bonnes pratiques. Chaque région a son identité propre, la question était de savoir comment nous pourrions travailler ensemble tout en ayant des identités différentes.

Les échanges sont-ils sincères entres régions concurrentes ?

Nous sommes la première porte d'entrée touristique du monde mais avec aujourd'hui des enjeux qui n'ont rien à voir avec les enjeux d'il y a 10 ou 15 ans.

C'était intéressant cet échange permanent sur nos problématiques communes, avec des enjeux de recrutement, de formation, autour des événements qui arrivent.

C'était le cas de la Coupe du monde de rugby, c'est le cas des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024. Tout cela fait que l’on se retrouve en synergie. C'est l'union qui fait la force. Le tourisme c'est le bébé que l'État ne veut pas reconnaître. C'est celui qui fait le plus briller notre pays à travers le monde, c’est sans doute une des économies les plus importantes de notre pays, mais c'est aussi celui qui n'est pas reconnu toujours par l'État pour des raisons très simples.

D'abord je pense que nos décideurs ne sont pas tous passés par les enjeux touristiques et surtout ils considèrent que c'est très transversal, donc réparti dans les différentes responsabilités. Ce n'est pas vrai, il devrait y avoir un ministère dédié au tourisme.

Le tourisme est délocalisable je le dis souvent. On disait il y a encore une dizaine d'années qu'il n’était pas délocalisable, que les emplois n'étaient pas délocalisables, ce n'est pas vrai. Il y a des destinations touristiques aujourd'hui qui n'existaient pas il y a 15 ou 20 ans. Nous ne sommes pas assis sur un tas d'or, il ne faut pas se leurrer. Il faut être à la fois conscient de ça et prendre les mesures qu'il faut, pour justement permettre que nous restions la première destination touristique du monde.

Quel est le principal défi pour les politiques ?

Généralement, ceux qui ont la charge du tourisme, sont ceux qui sont en charge du développement économique. C'est mon cas et c'est le cas de beaucoup de mes collègues dans l'ensemble des régions qu'elles soient métropolitaines ou ultramarine. Nous avons cependant le sentiment, et même c'est une réalité, que nos interlocuteurs sont souvent dispatchés dans de nombreux ministères. In fine, nous n’avons pas toujours le bon interlocuteur au bon endroit, il y a une répartition des compétences qui n'a pas été décidée.

La loi NOTRe n'a pas dit telle collectivité s'occupe du tourisme, telle autre s'occupe d'autre chose et donc de ce fait, nous sommes un peu les seuls à ramer à une vitesse qui est supérieure à tous les autres et nous avons toujours le sentiment d’aller plus vite que la machine étatique, ou même que l'ensemble de nos interlocuteurs. Ça c'est vraiment un enjeu car comme vous le savez, il faut décider vite aujourd'hui, les destinations comme Dubaï, les destinations nouvelles qui apparaissent aujourd'hui, sont nées il y a quelques années. Il y en aura d'autres nouvelles et il faut faire attention à ça.

Je pense donc qu’aujourd'hui il faut se donner les moyens de décider vite, pour décider vite il faut des circuits courts, pour avoir des circuits courts il faut des gens qui décident à leur tête et qui en ont le pouvoir.

Souvent les agences de développement économique ont, d'une façon ou d'une autre englobé les CRT qui était la création des instances au début du développement des collectivités locales. Maintenant les agences de développement économique intègrent l'enjeu touristique, comme elles intègrent l'enjeu numérique ou d'autres enjeux.  

Je pense que c'est une bonne transformation, c'est-à-dire c'est une dérive saine et dynamique et même parfois audacieuse. On le sait très bien, les investissements touristiques sont des investissements par essence économiques. On peut toujours parler du patrimoine, de l'attractivité, mais c’est d'abord du développement économique. L’hôtellerie, la restauration ce sont d'abord des gens qui mettent des capitaux.

Je suis toujours impressionné dans l'hôtellerie par exemple chez moi à La Baule. Nous voyons des investisseurs qui chaque année déboursent plusieurs millions d'euros pour pouvoir réinvestir. Parce qu'ils sont en concurrence avec d'autres destinations et ils veulent être les plus attractifs. Il faut toujours penser que la porte d'entrée principale du tourisme c'est l'économie.

Pour le tourisme, la loi NOTRe c'est une catastrophe, je vous le dis très clairement. Je pense que pour d'autres domaines de compétence cela a permis d'éclaircir les choses. Pour le tourisme, on n'a pas voulu trancher c'est-à-dire qu'on a voulu laisser du tourisme aux départements, aux intercommunalités, aux régions. On a laissé même parfois aux communes, par exemple aux stations classées touristiques, la compétence. Je pense que la mission donnée par le Président de la République à Eric Woerth peut nous donner un espoir d'éclaircissement des compétences.

Peut-on équilibrer les pouvoirs entre régions et métropoles ?

Les métropoles et régions sont complémentaires en matière touristique, je dirais même que parfois certaines communes à notoriété nationale et internationale sont considérées dans le développement économique du tourisme. Je pense par exemple à Deauville, à Cannes, à Saint-Tropez, à La Baule, où il est vrai qu'elles peuvent être classées en tant que stations touristiques, et donc avoir une autonomie touristique. Cette autonomie touristique peut exister pour les plus grandes, en tout cas, ce sont des locomotives, car vous ne pouvez pas développer l'économie locale sans passer nécessairement par la destination La Baule, qui est la plus connue au monde de toutes les destinations de ma région. Il en va de même pour Deauville et Cannes.

Il est impératif de faire un choix à ce sujet, et je pense que l'État doit clarifier les compétences en matière touristique. Nous sommes une agence de développement économique qui soutient le développement des entreprises avec des aides, des prêts et des appels à projets qui permettent de stimuler la dynamique sur certains sujets. Par exemple, il y a trois ou quatre ans, nous avons lancé l'agritourisme, un concept qui existait dans d'autres pays comme l'Italie mais pas chez nous. L'agritourisme a trouvé son chemin de développement économique grâce à l'appui de la région des Pays de la Loire, avec un budget de 2 milliards d'euros. C'est vraiment un moteur d'initiative, et c'est très bien, car la diversité de l'offre touristique répond à la demande du tourisme de masse.

Après la Coupe du Monde Rugby, quel est votre avis sur l’impact touristique et économique des JOP 2024 ?

Je regarde bien sûr avec beaucoup d'attention les Jeux Olympiques et Paralympiques qui arrivent, car nous allons accueillir la flamme olympique, ce qui va créer une dynamique dans notre ville mais aussi dans la région des Pays de la Loire.

Cependant, j'ai une préoccupation, et je pense qu'il y a urgence à agir. Que faisons-nous de toutes les données formidables que nous pouvons acquérir grâce à la venue de ces milliers de touristes, voire de millions de touristes, sur notre territoire ? Avons-nous déjà exploité le potentiel de ceux qui sont venus pour la Coupe du monde de rugby il y a deux ans ? Devrions-nous agir comme Amazon ou Facebook, en suivant de près nos clients touristiques pour leur proposer de nouvelles offres lorsqu'ils souhaitent revenir avec leur famille quelques années plus tard ? Je crains que l'État ne soit actuellement pas prêt à optimiser la gestion de ces données touristiques. J'alerte donc les autorités pour leur dire qu'il ne faut pas perdre de temps, car les Jeux Olympiques représentent également une opportunité en matière de données et nous permettront de prolonger notre élan touristique bien au-delà de l'année 2024. Je pense que cela peut s'étaler sur plusieurs années.

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