
En février 2023, Alboran Hospitality ouvrait le FirstName Bordeaux. Une première pour l'entreprise qui travaillait depuis 2016 en franchise ou sans marque. Entretien avec les 3 fondateurs Jérôme Bosc, Yann Caillère et Éric Omgba autour de cette seconde ouverture. Si le premier établissement était un rénovation totale avec la transformation d'un immeuble de bureaux en hôtel, cette seconde ouverture est une reprise d'hôtel dans un immeuble qui avait été construit pour accueillir un hôtel. Une tâche différente pour le trio qui a dû prioriser également dans un soucis d'impact carbone minimal.
Deuxième ouverture de FirstName, cette fois à Toulouse
Yann Caillère : Beaucoup de franchisés créent leur propre marque. Une marque établie n’est plus gage de succès. Le client choisit d’abord une destination, ensuite la qualité, puis le rapport qualité-prix, et enfin la marque. Le client est informé, compare, lit les avis. L’expérience singulière prime sur la marque.
Les groupes hôteliers le savent. Ils ne créent plus de marques, mais des collections d’hôtels. Car créer une marque, c’est long, coûteux et risqué. Aujourd’hui, ils préfèrent racheter des concepts qui fonctionnent déjà. C’est ce qu’on a vu avec Mama Shelter ou 25Hours. Ils achètent une histoire, un positionnement, un track record.
Éric Omgba : C’est aussi ce que nous faisons avec Hyatt et JDV. Les collections permettent de conserver de la souplesse sur les standards. Ce sont des standards opérationnels, pas physiques. C’est ce qui compte. Le client aujourd’hui est beaucoup plus averti, exigeant, connecté.
YC : L’hôtellerie, c’est un métier à temps long dans un monde en perpétuel changement. Tu construis sur plusieurs années, mais tu dois t’adapter aux tempêtes : crises géopolitiques, changement des attentes clients, nouvelles générations dans les équipes. C’est un vrai défi.

C’est un métier très sensible...
Yann Caillère : Oui et en restauration, c’est encore plus risqué. Une fois que tu as lancé ton concept, tu ne peux pas le changer du jour au lendemain. Tu dois bien réfléchir en amont.
Jérôme Bosc : En tant qu’investisseur-opérateur, on commence par se demander ce dont l’hôtel a besoin pour être bien distribué. C’est ça l’enjeu. Et on est l’un des opérateurs qui travaille avec presque tous les franchiseurs : Hyatt, Marriott, Accor... C’est voulu. On reste adaptables. On choisit la marque selon les besoins de chaque actif, pas l’inverse.
Sur le segment 4 étoiles premium, lifestyle, peu de marques laissent de la latitude. Beaucoup fonctionnent en management, pas en franchise. Il y a peu d’alternatives. D’où notre intérêt pour FirstName avec Hyatt, qui est une solution agile.
Cette quête de maîtrise est-elle due à des marges plus serrées, ou à une implication émotionnelle plus forte ?
Yann Caillère : Nous avons une démarche patrimoniale. On avance à petits pas. On évite de se planter. C’est une logique prudente, réfléchie. On répartit les risques dans notre portefeuille. On fait de l’économique comme de l’hôtellerie plus haut de gamme.
On pense que même en province, il y a une clientèle pour des produits originaux, qualitatifs. Les milléniaux ont les mêmes références qu’ils soient français, allemands ou chinois. Pas besoin d’aller à Paris ou Londres pour vivre une belle expérience.

Et Radisson à Reims ?
Yann Caillère : Parce que Reims a une dimension internationale. On reçoit beaucoup de clients belges et néerlandais. Radisson est une marque connue là-bas. C’était stratégique
Éric Omgba : Ils ont fourni des efforts pour répondre à nos attentes. Travailler avec plusieurs marques, ça enrichit nos équipes. Chacun a ses méthodes, on apprend.
YC : Avec Moxy, on a été le premier en France, à Lyon. C’était risqué, mais ça avait du sens. Et ça a fonctionné. On ne savait pas à l’avance si ça allait marcher, mais on a sauté le pas.
Éric Omgba : Ce qui change aussi, c’est que les franchiseurs n’investissent plus. L’expérience est portée par les opérateurs. Il faut incarner le produit. Et si les franchiseurs n’apportent pas cette compétence, ce sont des groupes comme nous qui la développent.
YC : Exactement. Quand on a lancé ibis Styles chez Accor, on avait nos hôtels, nos chiffres, nos risques. Les franchisés nous suivaient car ils voyaient que c’était crédible. Aujourd’hui, ce lien s’est distendu.
D’autres groupes font comme vous.
Yann Caillère : Oui. On en discute entre nous. C’est ce qui s’est passé aux États-Unis. Le savoir-faire hôtelier a migré vers d’autres acteurs.
Jérôme Bosc : Et pour attirer les talents, il faut proposer de la diversité. Avec toutes ces marques et segments, on peut offrir des parcours de carrière variés. Même dans une petite structure. Et FirstName, c’est aussi un laboratoire d’idées.
Yann Caillère : Gaëlle, notre directrice [du Firstname Toulouse NDR], était sur du classique. Maintenant, elle porte un t-shirt, des baskets. Elle est à l’aise, et c’est parfait.
Jérôme Bosc : Cette agilité, c’est aussi ce qui rend l’aventure humaine. Ce projet, c’est de l’humain. On va corriger, ajuster, mais c’est motivant.
Yann Caillère : Quand on a repris l’hôtel, c’était un Pullman. Les équipes se demandaient ce qu’on allait faire. On les a emmenés à Bordeaux, ils ont vu l’esprit. Puis on a vécu les travaux, le stress. Mais une fois que les premiers résultats sont arrivés, ils ont adhéré.
Il y a toujours ceux qui sont partants, ceux qui ne le sont pas, et les indécis. On les a formés. Changer de PMS, ce n’est pas rien. Quatre semaines de formation.
Jérôme Bosc : Ça montre la qualité des équipes. Et le savoir-faire qu’on développe chez Alboran. Transformer un immeuble, construire un hôtel avec du sens, c’est notre fierté.
Aujourd’hui, il faut être malin. Le financement est plus cher, il faut bien arbitrer. Par exemple, pas besoin de casser une salle de bain si elle est bonne. On pense usage, durabilité, bon sens. Même pour le mobilier.

Yann Caillère : On a testé des chambres témoins avec des clients. Peu de retours négatifs. L’ambiance plaisait. On privilégie les circuits courts, les produits locaux. Pour les produits d’accueil, ce sont le même que Bordeaux.
Il faut savoir écouter le client.
Yann Caillère : Exactement. Et pour les équipes, même soin. Tenues adaptées, choisies avec eux. C’est une styliste de chez Vuitton qui les a conçues. Ils ont le choix dans les couleurs et les coupes.
Jérôme Bosc : Le plus dur aujourd’hui, c’est le supplément d’âme. Il y aura toujours un hôtel plus neuf. Mais ce qui compte, c’est l’atmosphère. Le lien humain. C’est ce qu’on doit privilégier en tant qu’hôteliers.
Yann Caillère : Faire bien notre métier d’aubergiste. Après, on peut rajouter du concept.
Éric Omgba : Cette réciprocité des attentions, elle est clé. Les clients comme les collaborateurs doivent devenir des ambassadeurs. C’est la condition pour une exécution de qualité.
Tout s’aligne.
Éric Omgba : Exactement. Les meilleurs commentaires viennent du relationnel. Les mauvais, c’est souvent parce que l’humain a manqué. C’est la clé pour valoriser un actif ou un collectif humain.
Retour sur l'ouverture du FirstName Bordeaux.
