Investissements

plus

Entretien avec Simon Turner, Président Global Development, Starwood Hotels & Resorts

14 min de lecture

Publié le 09/06/14 - Mis à jour le 17/03/22

Simon Turner est en charge du développent global du groupe Starwood Hotels, y compris le développement des hôtels urbains et des resorts, les acquisitions immobilières et les cessions, le développement du pipeline que ce soit en franchise ou en management, et de la gestion des investissements en immobilier. Avant de rejoindre Starwood Hotels & Resorts, en 2008, Simon Turner a passé près de dix ans comme associé dans Hotel Capital Advisers, une société de conseil en acquisition hôtelière et en asset management, supervisant aussi bien la marche des enseignes que les investissements en capital. Avant d'être associé dans Hotel Capital Advisers, il a été membre de la division Investment Banking de Salomon Brothers. Basé à la fois à New York et à Londres, il a eu en charge le montage et l'exécution d'une vaste gamme d'opérations stratégiques dans le secteur hôtelier, en conseil financier et en mission de levée de fonds.

Avec vos quelque 1200 hôtels dans 100 pays, considérez-vous que votre portefeuille soit bien équilibré entre votre présence sur le marché intérieur américain et la scène internationale ?

Je suis interpellé par la formulation de votre question parce que, culturellement, en tant que société, Starwood Hotels & Resorts ne s’est jamais perçue comme un groupe américain. Nous nous considérons comme un groupe global qui se trouve avoir son siège social à proximité de New York. Honnêtement, quand nous regardons la manière dont nous conduisons nos affaires, nous privilégions déjà une forte présence en Asie-Pacifique, au Moyen-Orient et en Europe. Au cours des cinq dernières années, notre croissance a été spécifiquement orientée en dehors des Etats-Unis. L’an dernier, en Asie-Pacifique et en Chine, nous avons vécu une grande part de notre croissance, environ 50%. Nous sommes, par nature, une entreprise globale.Comment justifiez-vous ces orientations, y a-t-il plus à gagner en dehors des marchés matures ?Quand nous envisageons notre croissance stratégique à travers le monde, nous regardons où la demande émane en fonction de la croissance économique, y compris une croissance des voyages d’affaires vers une destination particulière. Nous la regardons en termes de proposition d’offre et de demande. Avec une demande croissante pour des chambres hôtelières et, à l’évidence, moins d’offre dans les marchés émergents, il y a là une formidable opportunité de croissance. Nos marques, menées par Sheraton, ont une tradition de pionniers sur de nombreux marchés à travers le monde.En tant que société cotée, nous cherchons toujours à créer de la valeur pour nos actionnaires, et naturellement pour nos propriétaires. A bien des égards, nous considérons notre portefeuille d’hôtels, notre croissance et notre pipeline comme vous regarderiez vos investissements personnels : nous voulons une approche équilibrée parce qu’à un moment donné, il se produira quelque chose à un endroit du monde qui va perturber notre rentabilité. Si l’on regarde les événements récents, nous avons, par exemple, beaucoup d’hôtels en Thaïlande où les activités sont soumises à pas mal de stress ou au Nigéria, autre exemple, où nous avons  une présence significative depuis longtemps. De nos jours, il est très difficile d’y poursuivre nos activités. Nous avons des hôtels dans plus de 100 pays et nous acceptons qu’il y aura des cycles d’amélioration et des cycles de régression.Que pensez-vous particulièrement de la Chine ?Et bien quand vous regardez une population de 1,2 milliard, la transformation de l’économie chinoise et les ressources financières d’un gouvernement très centralisé, la croissance économique à long terme ne fait aucun doute. Est-ce qu’il y aura des années à 9% de taux de croissance et d’autres à 5% ? Bien sûr, mais la Chine présente de nombreuses opportunités autant pour la croissance hôtelière dans le pays que pour le nombre rapidement croissant de voyageurs membres du programme SPG en dehors du pays. Nous avons un portefeuille de 135 hôtels aujourd’hui avec de nombreux autres établissements en devenir. Avez-vous le même intérêt que de nombreux groupes hôteliers pour l’Afrique et notamment pour la partie sub-saharienne pour votre développement futur ?Nous regardons attentivement à l’Afrique sub-saharienne pour ses opportunités de croissance. En regardant à travers le monde il est fascinant de constater l’héritage porté par la marque Sheraton et la marque Le Méridien. Par exemple, nous avons ouvert le Sheraton Koweit en 1968, celui de Pékin en 1985. Le Méridien, alors qu'elle était le compagnon de voyage d’Air France, a couvert les destinations africaines dès les années 70. Depuis cette époque, nous avons construit une équipe talentueuse qui a l’expérience des nouveaux marchés où les infrastructures émergent à peine. Cet héritage nous donne un avantage compétitif.Est-ce que vous ne pensez pas que les «marchés matures», en Amérique du Nord et en Europe, sont plus sains et plus productifs ?Je reviens à mon premier commentaire sur une approche équilibrée de notre portefeuille et notre capacité à répondre à toutes les situations. Du côté des marques, nous disposons de trois enseignes de luxe : la Luxury Collection, W et St-Regis ; de trois enseignes haut de gamme : Sheraton, Le Méridien et Westin ; et des marques midscale : Aloft, Element et Four Points. Nous avons aussi toute une gamme de scenarii en termes de management ou de franchise, de conversion de bâtiments existants versus la construction neuve. Pour en revenir à votre question, si vous observez les marchés que vous appelez «matures», comme les Etats-Unis, au cours des trois dernières années, approximativement 40% de nos nouvelles signatures ont été des conversions. Nous évaluons en permanence le bon mix entre toutes ces stratégies en fonction des tendances et des performances du marché.Pensez-vous que vos marques sont assez souples pour s’adapter à toutes les options du développement que vous avez mentionnées ?Nous sommes un groupe très centré sur les marques et ces marques sont au cœur de tout ce que nous faisons. De même, notre volonté est déterminée de travailler avec les propriétaires pour créer de la valeur. Nous avons défini des process financièrement avantageux pour les propriétaires pour convertir en douceur un bâtiment existant sous l’une de nos enseignes. A titre d’exemple, Le Méridien aux Etats-Unis connaît un grand succès par sa flexibilité à incorporer l’ambiance locale et les traits culturels, en y adaptant le design intérieur. Nous avons lancé notre marque Aloft il y a cinq ans et nous lui voyons un grand avenir en termes d’opportunités de conversions, compte tenu des composants même de son ADN et de son accent sur le design. La toute première conversion Aloft a été l’aménagement d’un ancien terminal de chemin de fer, un bâtiment industriel au cœur de Dallas, Texas. A travers, ce processus de développement, nous avons fait la démonstration du grand potentiel de la marque pour les propriétaires.
Ce modèle de conversion – redonnant une nouvelle vie à des bâtiments anciens à travers une marque hôtelière globale, devrait pouvoir s’appliquer dans de nombreuses villes d’Europe comme Marseille, Lyon, Lille, Stuttgart ou Manchester... ou toute autre ville avec un passé industriel. Pour affiner encore davantage notre stratégie de conversion pour Aloft, nous avons repris deux hôtels existants, l’un à l’aéroport de San Francisco, un ancien Clarion, et un autre en centre-ville de Tucson, Arizona, et nous les avons complètement déshabillés jusqu’à leur structure primaire et reconstruit, à partir de là, un Aloft flambant neuf. L’hôtel Aloft de Liverpool est encore un autre exemple pour adapter cette stratégie à des bâtiments existants. Il y a de nombreuses possibilités de réutilisation de bâtiments comme celles-là en Europe.Comment se fait-il alors que le développement de cette marque ne soit pas plus rapide en Europe ?Deux réponses à cette question : la première est que l’Europe a traversé une période économique particulièrement challenging et que les sources de financement ont été difficiles à mobiliser ; la seconde est que les développeurs ont tendance à vouloir toucher du doigt et ressentir les hôtels avant de vouloir s’engager à développer une nouvelle marque. Mais une fois qu’ils en ont fait l’expérience, tout change très vite. A ce jour, nous avons des hôtels Aloft en opération à Bruxelles et à Londres, avec le projet de Liverpool très engagé, nous nous attendons à une accélération du développement. Nous venons juste d’annoncer un autre projet très excitant dans le quartier historique des docks de tabac de Londres. La croissance tend à être exponentielle une fois que vous avez établi la base, ce qui est le cas désormais en Europe, couplé avec des signes de reprise économique et financière. Les nouveaux développements vont se suivre avec une répartition à peu près égale entre les nouvelles constructions et les conversions.Ne craignez-vous pas qu’un rythme trop lent de développement ouvre la voie à d’autres marques inspirées par Aloft, comme Citizen M, Qbic ou Yotel ?De notre point de vue, l’imitation est la forme suprême de flatterie. Nous avons la motivation et la volonté de bouger rapidement et d’être agiles, mais nous avons toujours en vue les bons développements sur le long terme pour notre groupe et pour nos marques. Bien que nous observions les plus petites marques qui jaillissent çà et là, cela ne va pas influencer en profondeur notre stratégie de croissance ou nos neuf marques lifestyle distinctes.Pour autant, seriez-vous prêt à lancer une nouvelle marque pour attaquer un nouveau segment de marché ou élargir l’étendue de votre portefeuille ?L’une des choses dont Starwood Hotels est le plus fier, en plus de nos marques, c’est notre insistance sur l’innovation. Depuis le lancement de W, jusqu’au lancement de notre nouveau lit plébiscité, Heavenly Bed, chez Westin, nous testons en permanence de nouvelles idées sur tous les fronts. En ce qui concerne une nouvelle marque, nous pensons que les neuf que nous avons déjà nous donnent la taille et la longueur d’onde suffisante pour poursuivre notre croissance à travers le monde. Cela étant dit, si nous venons à rencontrer une autre marque qui soit identifiée, irrésistible et suffisamment différente de nos marques existantes, nous serions attentifs comme nous l’avons été quand nous avons repris Le Méridien. Nous allons continuer d’être très sélectifs et stratégiques… tout en étant opportunistes.Comment expliquez-vous le succès de W Hotels chez les propriétaires ? Diriez-vous qu’il y a un facteur «ego» à posséder une marque très «tendance» au-delà des résultats financiers ?W Hotel a été lancé il y a 5 ans à New York et a d’abord grandi en Amérique du Nord. Elle est partie à l’assaut des plus grands marchés du monde et nous approchons la barre des 50 hôtels, qui en fait la marque dominante sur le segment du luxe lifestyle. Quand vous regardez, collectivement, les sommes qui ont été investies par les propriétaires sur la marque W, il serait très difficile pour n’importe quelle autre marque de rivaliser en termes de distribution et de présence globale. Nous avons développé un portefeuille de W dans les villes majeures autour du monde pour des clients qui sont devenus très fidèles et qui recherchent la marque partout où ils voyagent.Pourriez-vous arriver à créer cette forme de communauté autour de marques comme Westin ou Element, inspirées par les préoccupations environnementales ?Il y a un sentiment général de bien-être et de santé attaché à Westin et nous entretenons ces objectifs à travers une programmation régulière. Ce que nous essayons de faire avec chacune de nos marques est de leur donner une personnalité et un ancrage émotionnel qui fait que les clients disent : «je descends dans un Sheraton ou un Westin ou un Méridien ou encore un W parce que je sais qu’ils ont des caractéristiques propres qui feront que mon séjour sera différent de celui dans un simple hôtel au coin de la rue. Je suis persuadé que l’on peut y arriver avec Element. Nous avons lancé cette marque une année après W, sans doute au pire moment possible, au milieu d’une crise financière globale. Mais l’une des choses que nous avons découverte est la réaction exceptionnelle des clients à l’égard de cette marque. La combinaison du design et du caractère «vert» - le tout à un prix plus abordable – a touché une corde sensible chez les clients. Alors que la marque décolle encore lentement, nous enregistrons une forte attraction et un grand enthousiasme, et le parc va doubler dans les deux prochaines années. Nous sommes sur le point d’introduire l’enseigne en Allemagne… une fois cet hôtel en opération, je prédis une croissance exponentielle en Europe.Starwood Hotels & Resorts a été très actif dans la stratégie asset light, cédant des actifs, redistribuant les profits aux actionnaires et progressant comme un groupe opérateur, voyez-vous une limite à cette stratégie quand les propriétaires deviennent très exigeants ?Tout cela continue d’évoluer. Dans une vie antérieure j’étais dans le camp des propriétaires, après avoir été dans celui des banques, donc je comprends vraiment l’importance de l’alignement des intérêts pour les propriétaires et les opérateurs d’une marque. Notre engagement au développement en asset light vient de la croyance ferme que la propriété immobilière est fondamentalement une activité locale. Les propriétaires doivent être au courant de l’urbanisme local, des marchés financiers locaux, du marché de la construction local, etc. Cela étant dit, du point de vue de la gestion des marques, nous sommes convaincus que la spécialisation conduit à de meilleures performances. Starwood Hotels dépense des centaines de millions de dollars chaque année en innovation et en technologie pour garder une supériorité de marque et pour être le meilleur franchiseur pour un propriétaire d’hôtel… c’est là que vont nos investissements.Pensez-vous qu’il puisse y avoir de nouveaux types de partenariats avec les investisseurs et les propriétaires, incluant votre argent ?Dans certaines situations stratégiques, nous serions ouverts à une participation au financement d’un hôtel. Pour être honnête, il est relativement rare qu’un propriétaire nous demande du capital et cela vient en grande partie de la force de nos marques et de nos systèmes. Si vous choisissez les bons partenaires, ils ont en général bien plus d’argent que nécessaire pour financer la partie immobilière du projet et ils cherchent de notre part un soutien dans les opérations et un apport de confiance dans les performances. Il peut nous arriver d’entrer dans ce genre de discussion avec les propriétaires, mais cela ne prend pas beaucoup de temps pour leur expliquer que lorsque la marque est posée au-dessus de la porte, il y a déjà eu de notre part un énorme investissement en termes de commercialisation, de marketing, de renforcement du programme de fidélité, etc. De quel œil regardez-vous les formes alternatives d’hébergement marchand qui se développent du style AirBnB et consorts ? Quelle pourrait, devrait être la réponse de l’industrie hôtelière ?Pour le meilleur et pour le pire, je suis assez vieux pour me souvenir que lorsque le principe des video-conférences est apparu il y a 20 ans, les gens craignaient que cela dispense de voyager. De toute évidence, cela ne s’est pas produit ! Puis, il y a dix ans, quand les OTAs ont commencé à prendre de l’importance, certains ont annoncé que cela était la fin de l’activité hôtelière telle que nous l’avions connue. Cela non plus ne s’est pas produit ! AirBnB est la nouvelle tendance et l’industrie hôtelière doit l’observer avec attention, mais au bout du compte elle ne séduira que certains fragments de la population qui voyage. Nous ne devons pas nous assoupir et nous devons, en tant qu’industrie, être sur nos gardes quand des éléments perturbateurs apparaissent. Du point de vue strict de Starwood Hotels, nous allons faire en sorte d’être vifs et d’adapter nos stratégies pour être certains que quoique nous fassions nous restions cohérents avec l’expérience hôtelière que nous avons associée à chacune de nos marques. 

Marriott International

Marriott International

Groupe hôtelier

  • Marriott International Etats-Unis
  • Offres d'emplois 35 offres d'emploi en cours
VOIR LA FICHE
Pour aller plus loin

Chaque semaine, l’équipe HON vous apporte un regard expert sur le monde de l’hospitalité. En devenant membre, vous aurez accès à un écosystème complet : contenu exclusif, emploi, etc.

DEVENIR MEMBRE

Inscrivez-vous pour ajouter des thèmes en favoris. Inscrivez-vous pour ajouter des catégories en favoris. Inscrivez-vous pour ajouter des articles en favoris. Connectez-vous gratuitement pour voter pour la candidature.

Déjà inscrit ? Déjà inscrit ? Déjà inscrit ? Déjà inscrit ?