Chronique francophone : dans l’océan Indien, l’humain et le développement durable d’abord

17 min de lecture

Publié le 19/03/24 - Mis à jour le 22/03/24

Club Med Seychelles

Une situation touristique très différentes selon les îles de l’océan Indien. Le tourisme, et notamment le tourisme international, est-il le seul axe de développement économique insulaire ? C’est l’impression que tout observateur peut ressentir en voyageant dans les îles francophones de l’océan Indien où le tourisme apparait comme une mono-industrie. Brice Duthion

Tout ou presque y semble dédié aux loisirs, aux vacances, à l’accueil de visiteurs. L’art de l’hospitalité des Seychelles ou de Maurice n’y est pas étranger, comme ces multiples complexes hôteliers dans lesquels les touristes, venus principalement d’Europe mais aussi du Moyen-Orient ou d’Asie, se pressent de nouveau, après les années Covid.

Le tourisme représente entre 25 et 30% du PIB à l’île Maurice ou aux Seychelles en 2022, une donnée largement supérieure à la situation réunionnaise avec 7% environ (à un niveau similaire à la métropole) ou à Madagascar. La région est par ailleurs sujette à un ensemble de menaces potentielles qui peuvent s’avérer rapidement des obstacles au développement du tourisme international (du changement climatique aux actes de piraterie).

La situation est très différente selon les Îles Vanille considérées. Si l’année 2023 a vu s’estomper les effets du Covid avec une très nette reprise des flux touristiques, les opérateurs n’y connaissent pas tous les mêmes dynamiques.

L'île Maurice a rebondi très vite après la crise grâce à une forte solidarité du moment

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L'île Maurice reste la tête de pont incontestable du tourisme dans l'océan Indien

L’île Maurice, qui est la tête de réseau régionale, a su fédérer les acteurs publics et privés du projet « One Mauritius », visant à augmenter la demande grâce à des actions orientées vers les principaux marchés et ceux à fort potentiels, à opérer une montée en gamme des prestations afin d’encourager une augmentation des dépenses touristiques et à renforcer la connectivité aérienne et augmenter le nombre de sièges proposés, notamment via Air Mauritius.

Malgré la hausse du prix des transports, l’île Maurice a accueilli en 2023 près d’un million de touristes internationaux (pour une durée moyenne de séjour compris entre 10 et 12 jours), retrouvant ainsi le niveau de 2019. Le secteur de l’hospitalité compte 13 500 chambres d’hôtels réparties entre 108 établissements, auxquels s’ajoute un parc hors hôtels qui avoisine les 9 000 chambres.

Les principaux acteurs sont des groupes nationaux : New Mauritius Hotels (Beachcomber, groupe Rogers), Lux Island Resorts (groupe IBL), Veranda Leisure & Hospitality (groupe ENL) Veranda Resorts, Anahita Hotel et Sun Resorts (groupe Ciel), Attitude Hospitality, Constance Hotels Services.

La France y est présente, à l’exemple de Domitys qui a ouvert récemment une résidence long séjour pour une clientèle senior, du groupe Accor qui exploite quatre hôtels, du Club Med avec deux hôtels haut de gamme.

L'archipel des Seychelles dépend très largement de son activité touristique

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Complexe touristique aux Seychelles qui fait vivre un quart de la population

Les Seychelles sont devenues l’un des « paradis » du tourisme balnéaire, répondant à l’imaginaire évoqué dans la chronique précédente. Le tourisme y constitue l’industrie nationale. La « touristicité » insulaire y est très élevée : quatre visiteurs internationaux par habitant, 12 000 emplois directs (25 % de l’emploi formel) dont 75 % dans l’hôtellerie et la restauration, 66 % des travailleurs seychellois dépendent du secteur BTP, commerce, etc.).

Le tourisme y représente près du tiers de l'investissement total en capital. Avant la crise sanitaire, 585 établissements touristiques et près de 12 500 lits étaient recensés. Plusieurs chaines hôtelières internationales opèrent dans l’archipel, notamment Accor (France), Banyan Tree (Singapour), Club Med (Chine/France), Four Seasons (Etats-Unis), Hilton (Etats-Unis) et Kempinski (Bahreïn/Suisse). La hausse des prix du carburant pourrait augmenter les tarifs aériens et induire une diminution des déplacements internationaux vers les Seychelles qui demeurent une destination lointaine.

L'hôtellerie est fortement concentrée sur quelques espaces à Madagascar

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Tourisme balnéaire mais aussi d'exploration à Madagascar, la grande île et ses petites dépendances

A Madagascar, la situation est tout autre. Le nombre d’établissement hôteliers et touristiques est estimé à 1 800 environ, dont près de la moitié dans la capitale Antanarivo et la région Diana, au nord de l’île qui bénéficie de deux sites touristiques importants (Nosy-Be et Diego Suarez).

Madagascar compte 21 000 chambres, une grande partie n’est pas aux normes avec des structures de petites tailles et des capacités d’accueil limitée. Le taux d’occupation y est faible. Les principaux investissements sont réalisés par des opérateurs nationaux, parfois associés à des franchises internationales.

Le groupe Rajabali est propriétaire par exemple de cinq hôtels dont deux sont franchisés avec le groupe Accor (Novotel et Ibis), le groupe Talys en détient trois sous la franchise Radisson, le groupe ENAC également trois hôtels ou le groupe Henri Fraise & Fils avec le Carlton à Tananarive. Au-delà des franchises, la France est présente par des structures de taille modeste et diffuses, détenues par des acteurs économiques de nationalité française.

L'ambition touristique des Comores est forcément limitée par sa situation géopolitique

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Les Comores encore sauvage et sous équipée en hébergement de loisirs

Les Comores sont, dans les destinations francophones de l’Océan Indien, le petit poucet touristique. Quelques milliers de visiteurs internationaux chaque année, notamment membres de la diaspora, venu de France pour plus de la moitié d’entre eux vient de France métropolitaine et de La Réunion. Cette situation s’explique par une mauvaise liaison avec le reste du monde (aucun vol direct depuis l’Europe), une concurrence de territoires proches à fort potentiel touristique et un déficit structurel d’investissement dans le secteur hôtelier.

L’offre est relativement réduite, avec 25 hôtels environ pour près de 700 chambres, une vingtaine de pensions et quelques bungalows. Le secteur de l’hôtellerie et de la restauration pourvoyait près de 3 000 emplois. Le tourisme est l’un des socles présentés par le Plan Comores Emergent (PCE), qui a pour horizon 2030. Un projet de construction d’un hôtel touristique de luxe au nord de Grande Comore devrait être assuré assurée par le groupe égyptien Elsewedy Electric.

Quelques opérateurs hôteliers régionaux se partagent le marché

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L'Hôtel Beachcomber Paradis de Maurice

L’océan Indien compte de nombreuses structures hôtelières et d’hébergement. Les grandes chaines y sont présentes, naturellement. IHG, Accor, etc. A noter par exemple des évolutions capitalistiques et des investissements diversifiés, comme Radisson qui a ouvert dernièrement son premier établissement à Saint-Denis de La Réunion. Le groupe compte désormais six hôtels repartis sur trois îles avec l’île Maurice et Madagascar.

De nombreux groupes régionaux développent également des offres spécifiques. Sur l’île de la Réunion, par exemple, le groupe Exsel Authentic Hotels exploite une petite dizaine d’établissements milieu de gamme, de 2 à 4 étoiles.

Sur l’île Maurice, plaque tournante de l'hospitalité régionale, plusieurs chaînes hôtelières se concentrent sur des offres haut de gamme. Beachcomber Hotels & Resorts est considéré comme un « pionnier » de l'industrie hôtelière mauricienne depuis 1952 date de l’ouverture de son premier établissement, le Park Hotel. Le groupe est composé de onze hôtels de luxe dont huit sont situés à Maurice, les autres étant implantés aux Seychelles, à Marrakech (Royal Palm Marrakech) et en France. Ce Beachcomber French Riviera Resort & Spa est une franchise signée avec la famille Mouratoglou à Sophia-Antipolis, alliant sport et hôtellerie.

Les Hôtels Attitude, le Petit Poucet sème de plus en plus de cailloux

Hôtel Attitude Le Récif à la Pointe aux Piments - Maurice
Hôtel Attitude Le Récif à la Pointe aux Piments - Maurice

Le groupe Hôtels Attitude dispose de plus de cinquante années d’expérience. Son concept, « Otentik Attitude » vise à partager l’hospitalité et l’art de vivre mauriciens. Le groupe gère actuellement neuf hôtels sur l'île, chaque établissement disposant d’une architecture typiquement mauricienne, composée de bois, de pierre et de chaume. Les hôtels Attitude sont classés en trois types : les hôtels de loisirs et centres de villégiature, les hôtels « confortables » sont des petits hôtels de charme destinés notamment aux familles, les hôtels « style de vie pour adultes » disposent d’un esprit « boutique-hôtel ».

Soutenu par sa foncière et des partenariats locaux, le groupe vient de réaliser son premier investissement hors de Maurice, sur l’île de Zanzibar avec des vues sur des lodges de safari en Tanzanie.

Le groupe Ninety-Six Hotel Collection dédie ses quatre hôtels à une clientèle d’affaires. Des installations de conférence et de banquet y sont proposées.

Focus sur le groupe Constance Hotels and Resorts

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L'hôtel Constance Lemuria aux Seychelles, seul groupe présent pratiquement dans tout l'océan Indien

Le groupe Constance est l’un des pionniers de l’hospitalité de luxe dans l’océan Indien. Il est l’un des seuls groupes régionaux à être implanté dans la quasi-totalité des îles francophones, à l’exception notable de l’île de la Réunion. Présent à Maurice, à Madagascar, aux Seychelles et aux Maldives, le groupe fondé dans les années 1920 d’abord dans l’industrie de la canne à sucre, s’est ensuite diversifié dans plusieurs activités (énergie, immobilier, services bancaires) avant de se lancer dans le tourisme en 1975.

Les établissements du groupe ont connu une véritable reprise en 2023, avec un taux d’occupation proche de 80% contre à peine 70% en 2022 (pour un RevPAR en augmentation de l’ordre de 20%) malgré les tensions géopolitiques, l’inflation encore forte et les difficultés récurrentes du marché asiatique. Constance Hotels & Resorts a reçu fin novembre 2023 le titre de « Meilleure marque hôtelière de l’océan Indien 2023 » lors des World Travel Awards.

Le groupe mise sur sa raison d’être et un sentiment d’appartenance vantant la proximité à l’espace et à la nature, garantis dans des établissements s’inscrivant des cadres naturels purs et sans ostentation. Les établissements de Constance Hotels & Resorts appartiennent à plusieurs catégories : 3 hôtels membres des « Leading Hotels of the World », 3 « Luxury Resorts, 2 « « Lodges », un « Boutique Hotels » et désormais deux établissements lifestyle « C Resorts », marqué lancée en 2017.

Une nouvelle destination à ouvrir prochainement, l'île Rodrigues

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l'île de Rodrigues, patrie de Le Clezio, encore préservée de grosses unités d'hébergement

Fin 2023 et début 2024, le groupe a annoncé de nouveaux investissements, notamment avec l’ouverture d’une nouvelle destination, l’île de Rodrigues, située à environ 560 km à l’est de Maurice. Rodrigues, berceau de la famille de l’écrivain nobélisé J-M.G. Le Clézio et lieu de quelques-uns de ses plus grands romans, notamment « Le chercheur d’or ». Rodrigues, petite île de 40 000 habitants, souhaite développer son attractivité touristique, dont ses plages immaculées, sa vie marine et son riche patrimoine culturel sont encore aujourd’hui préservés.

Pour ce faire, l’extension de l’aéroport Plaine-Corail est annoncée pour 2027, financée pour partie par la Banque mondiale (à hauteur de 184 millions de dollars) et par l’Union Européenne (16 millions de dollars). D’autres développements sont en vue, selon Jean-Jacques Vallet, CEO de Constance Hotels, Resorts & Golf, pour la marque C Resorts aux Seychelles et aux Maldives, à Rodrigues d’ici 2026 et dans une sixième destination de l’océan Indien, Zanzibar.

Des échanges existent également pour développer un contrat d’opérateur à Koh Samui en Thaïlande, des projets sont imaginés à Oman ou au Cambodge. A terme, le groupe pourrait disposer d’une vingtaine d’établissements sur l’ensemble du pourtour de l’Océan Indien, à l’exception notable de La Réunion où, selon le dirigeant, il est « assez compliqué d’implanter un hôtel de luxe ».

Un groupe qui s’engage pour l’humain et le développement durable

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Le groupe mène régulièrement des opérations de sensibilisation au développement durable

La crise du Covid semble aujourd’hui assez lointaine pour l’activité du groupe Constance. Au plus fort de la crise, ce dernier n’a pas fait « le choix de se séparer de ses employés », comme d’autres, mais a fait en sorte de garder ses « équipes fédérées, de « les rassurer », de les dispatcher en 2021 au gré des réouvertures en envoyant, par exemple, des employés Mauriciens aux Seychelles.

Le groupe mise sur l’esprit famille. C’est l’un des piliers de la « marque employeur ». Une application de la « symétrie des attentions » théorisée au début des années 2000, être généreux avec le personnel (plus de 3 000 employés) permettra à ce dernier de l’être avec les clients. Une façon, selon Jean-Jacques Vallet, pour qui « dans l’hôtellerie, le vrai luxe c’est l’humain avant tout » de « concrétiser nos valeurs et notre promesse d’excellence » et de développer « une approche positive du service client ».

L’autre axe fort du groupe repose sur ses préoccupations environnementales. Trois des Resorts 5 étoiles du groupe ont été reconnus « leaders en matière de développement durable » par le réseau « The Leading Hotels of the World ». Trois piliers expliquent cet investissement : un engagement à consommer de manière consciente et responsable les ressources, à investir dans les énergies renouvelables et à préserver les habitats naturels ;  une volonté de favoriser la croissance économique et enrichir les communautés locales (programme de santé et d’éducation mais aussi accès à l’emploi pour les résidents à tous les niveaux hiérarchiques et approvisionnement auprès des agriculteurs et artisans locaux) ; protection et valorisation de l’histoire locale.

Cet engagement fort se traduit par une certification « Green Globe » pour l’ensemble des hôtels du groupe. Elle se traduit également une raison d’être « True by nature » qui engage l’ensemble du groupe.

De nombreuses initiatives et pratiques durables se sont imposées

La réduction de l’empreinte carbone et les déchets alimentaires l’économie d’énergie (grâce au système « Supervisory Control and Data Acquisition », SCADA) et d’eau (certains établissements disposent de leur propre système de dessalement d’eau fonctionnant à l’énergie photovoltaïque), le recyclage, le compostage, l’interdiction de nourrir les poissons afin d’éviter les effets néfastes à long terme sur les espèces et l’écosystème, la fourniture dans chaque chambre de micro-sacs en plastique afin d’encourager les hôtes à collecter le micro plastique sur les plages, etc. Le nettoyage des lagons est également une activité régulièrement proposée afin d’éliminer les débris apportés par les courants marins et d’aider l’écosystème marin à se régénérer.

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L’une des actions également les plus marquantes réside dans la conservation des écosystèmes. Cela passe par la protection de sites de nidification de tortues marines à Praslin aux Seychelles et de postes de « Turtle Manager » ou encore la plantation de mangroves sur les berges dans les contreforts du Parc national du Morne Seychellois.

Les clients participent à ces projets, avec la mise en terre de plantes endémiques. C’est le cas avec la protection des récifs coralliens avec l’appui d’équipes de biologistes de la vie marine du groupe Constance.

Mis en place depuis 2017, un projet de réimplantation de coraux aux Maldives, en partenariat avec l’association Reefscapers a pour objectif de repeupler les récifs dégradés en immergeant des structures métalliques assemblées et fixées au sol par un système d’ancrage. Ces structurent accueillent des boutures de différentes espèces de coraux. Les clients des établissements peuvent acheter une structure, y fixer des boutures de coraux et la déposer dans l’eau. Après deux ou trois années, le corail reprend sa forme originelle.

 

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