Le tourisme représente une filière stratégique pour le continent africain, à la fois vecteur de transformation et levier actif pour soutenir la réduction de la pauvreté. Pour atteindre ces objectifs de développement du secteur, Pedro Novo, directeur général du fonds Dalia Hospitality, identifie quatre grands défis à relever. Par Brice Duthion
Parvenir à résoudre un à un ces défis, c'est donner une chance de concrétiser le potentiel identifié de l'Afrique, au regard de son marché intérieur, soutenu par une croissance dynamique, et de son attractivité internationale liée à des formes d'éco-tourisme et au développement du tourisme d'affaires :
- le capital humain, de la formation à la qualité du service proposé dans l'industrie touristique
- la transformation digitale et l'utilisation de l'intelligence artificielle, pour améliorer ses performances, son agilité et l'expérience client
- le financement, avec une meilleure compréhension des risques et des projets de l’industrie de l’hospitalité en Afrique, de la part des partenaires bancaires et investisseurs financiers institutionnels et privés
- la prise en compte des enjeux environnementaux dans une stratégie de déploiement décarbonée et/ou à faible impact énergétique dans la chaîne de valeur adressée.
L’Afrique n’est pas un continent uniforme
L’Afrique a longtemps été considérée par les professionnels du secteur comme une réalité touristique lointaine et uniforme. La dernière décennie y a vu de nombreuses évolutions démographiques, sociétales et urbaines. Les transformations y sont nombreuses. L’Afrique est devenue pour de nombreux investisseurs ce qu’elle a toujours été : multiple, riche, plurielle et surtout complexe. Ce sont cinquante-quatre réalités africaines qui existent, avec des puissances économiques et touristiques affirmées, comme l’Égypte, le Maroc ou l’Afrique du Sud. Réussir sur le continent implique pour chaque acteur, entreprise ou investisseur, de développer une « ambition panafricaine », d’en appréhender l’ensemble des zones d’influences qui sont à la fois économiques, historiques et linguistiques (anglophone, lusophone et bien entendu francophone).
Ce continent, longtemps considéré comme un acteur secondaire dans l’économie touristique, va jouer un rôle important dans la définition de l’avenir de l’Hospitality. Le secteur y est porté par une double dynamique intérieure et internationale. Le tourisme intérieur joue en Afrique francophone un rôle crucial dans le développement économique, social et culturel de la région. Au cours des dix dernières années, cette importance s'est accrue de manière significative. De nombreux États ont souhaité réduire leur dépendance au tourisme international et cela s’est amplifié depuis la pandémie de 2020.
Parallèlement, le tourisme d’affaires ne va pas cesser de grandir dans la région. En témoigne la construction et l’inauguration récente du Parc des expositions d’Abidjan en juillet 2023 sur près de 12.000 m2 et pouvant accueillir 10.000 visiteurs. L’avenir du tourisme en Afrique, notamment francophone, s’avère particulièrement prometteur avec une classe moyenne en croissance, une appétence pour des expériences culturelles et naturelles totalement africaines.
Dalia Hospitality, ou l'émergence d'un nouvel acteur fédérateur
En janvier 2023, il y a un peu moins d’un an, était lancé officiellement le Fonds Dalia Hospitality, véhicule d’investissement franco-ivoirien porté avec Centaurus Hospitality Management (propriétaire de la marque Maison Albar) et Porteo S.A. Ce fonds,dédié au tourisme et à l'hôtellerie en particulier, a pour objectif de développer et d’exploiter de nouveaux projets en Afrique.
Dans le cadre de ses précédentes missions pendant plus de huit ans chez BPIFrance, Pedro Novo s’est souvent immergé dans les réalités de l’Afrique de l’Ouest. Il y a découvert une dynamique importante, notamment la volonté d’affirmer la dimension touristique de nombreux pays. C’est le cas de destinations du Golfe de Guinée, comme le Bénin, le Togo ou la Côte d‘Ivoire qui prépare la prochaine Coupe d’Afrique des Nations (CAN 2024), et d’autres pays comme le Sénégal qui dispose d’un écosystème déjà mature, à la fois en matière d’offre hôtelière ou de tourisme de loisirs.
Animé du désir d’entreprendre et fort de la conviction que l’Afrique serait un vecteur de croissance, Pedro Novo vit avec intensité son installation en Afrique depuis près d’une année. Le CEO de Dalia Hopistality est décidé à contribuer à l’émergence d’un nouvel acteur, initié par Centaurus Hospitality Management, groupe hôtelier français déjà présent en France, en Europe et en Chine, et Porteo S.A., groupe ivoirien spécialiste du BTP développant une expertise en matière de construction qui se traduit par nombreux projets d’infrastructures à travers tout le continent.
Une holding de droit ivoirien à vocation panafricaine
Dalia Hospitaltiy est une holding de droit ivoirien, avec une volonté de rayonner sur l’ensemble du continent africain sur l’ensemble de la chaine de valeur intégrée de l’hospitalité, de l’achat du terrain, au développement du projet, sa construction et l’ensemble des services liés à l’exploitation des actifs. Cette domiciliation ivoirienne permet d’être plus résilient face aux turbulences régionales mais aussi de faciliter l’accès à la propriété, les contrats de construction ou les financements.
Pour Pedro Novo, il convient de voir l’Afrique au plus près, dans sa réalité, et non comme on peut le faire « de loin, avec le prisme de fumerolles et de spasmes sur certains pays ». Il se passe « plein de choses » sur le continent, de nombreux portefeuilles d’actifs hôteliers se constituent. L’aventure de Dalia Hospitality s’inscrit dans une histoire récente, initiée par exemple par la plateforme Kasada dédiée depuis 2018 aux actifs hôteliers en Afrique sub-saharienne, avec le soutien de Qatar Investment Authority, le fonds souverain de l’État du Qatar, et d’Accor (avec des engagements en fonds propres de plus de 500 millions de dollars dès avril 2019). Les investissements sont nombreux en Afrique, ils donnent une visibilité immédiate aux actionnaires, les passifs tournent vite, les actifs sont à maturité longue.
Quelles premières actions de Dalia Hospitality ?
Ces investissements sont nécessairement accompagnés d’infrastructures hôtelières en conséquence. Et la place de la France et de la francophonie dans le développement du tourisme et de l’hospitalité en Afrique y est revendiquée par Pedro Novo. C’est sous cette lumière particulière qu’il est intéressant de dresser un premier état des actions engagées par le Fonds Dalia Hospitality.
En chiffres, une vingtaine de projets ont été engagés à Lomé au Togo et à Abidjan, à la fois sur des chantiers mixant logements et hôtellerie et des valorisations sur certains actifs, en les transformant ou en les reconstruisant.
Le Fonds exerce trois métiers. Le premier est celui de conseil à des opérateurs de la place, des investisseurs, des gestionnaires, des établissements financiers et des institutions, pour les aider à modéliser leurs projets et évaluer leur faisabilité et les risques liés.
Le deuxième consiste à être investisseur de long terme dans les projets touristiques tant en termes d’immobiliers hôteliers que des services associés ou attractions, l’investissement peut comprendre y compris la solution clubs deal en partenariat avec des fonds d'investissements, des institutions financières ou des privés.
Le troisième métier est le management de projets hôteliers, tant les projets menés par le Fonds que pour le compte de tiers. Dalia travaille sur de nouveaux modèles d’hospitalité hybridant les offres et les produits. Les projets de développement peuvent être à la fois bâtimentaires, parcs de loisirs, objets de coworking, de restauration, d’hébergement ou de commerce. Ils doivent répondre également à une demande des classes moyennes en activité, confrontée à problématique de circulation, de transformation du travail nécessitant une agilité de l’offre, mêlant appart’hôtel et restauration.
Faire prévaloir une vision africaine de l'hospitalité
Dalia Hospitality propose une « vision africaine de l’hospitalité » selon Pedro Novo, qui « tropicalise les approches, amène des contenus locaux avec l’envie d’exporter en Europe ». Le touriste d’affaires est le premier ciblé, l’offre loisirs en étant encore moins développée.
« L’Afrique est une école de patience » ajoute Pedro Novo. C’est un peu comme jouer la Champions League pour sortir un projet, qui nécessite sur la durée un transfert de savoir-faire et de compétences. Il ne faut pas s’y aventurer en cas de timidité et de méconnaissance du continent africain. Le taux de capitalisation sur les actifs offre moins de rendement qu’en Europe, mais le continent connait selon lui un « anticyclone de cash et de liquidité », qui finance et va permettre de le faire via des investisseurs locaux et fonds internationaux des actions en faveur de l’emploi, l’insertion des femmes et la réduction de la pauvreté.
Les besoins en matière d’emplois sont très importants : le groupe Dalia Hospitality va par exemple contribuer à créer 1000 emplois directs durant les prochains semestres. Les dix-huit ouvertures prévues à Abidjan vont générer près de 6000 emplois. Il y a donc tout un travail de formation auprès des acteurs du marché à mener. Il y a « une place à prendre dans l’écosystème » car de nombreux métiers manquent de candidats (services en salle, en étage, sécurité, conciergerie, etc.).