Chronique francophone 11, Germain Hôtels, québécois de mère en fille et de père en fils

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Publié le 22/05/24 - Mis à jour le 22/05/24

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Fondée en 1988 par Christiane Germain et son frère Jean-Yves, Germain Hôtels est une entreprise familiale devenue l’un des phares de l’hospitalité québécoise, voire canadienne. Leurs parents, Victor et Huguette Germain, étaient commerçants à Québec. En 1957, ils deviennent propriétaires d’une tabagie doublée d'un comptoir-lunch, le Buffet Henri-IV, et c’est le début de l’aventure. (Brice Duthion)

Quelques temps plus tard, les parents Germain ouvraient le restaurant Le Fiacre, près de Laurier Québec. Victor Germain a aussi mis sur pied Casot, une société de gestion immobilière et devient l'un des propriétaires des Caribous de Québec, une équipe de crosse (hockey sur gazon), fameuse à l’époque. 

C’est ainsi que Christiane et Jean-Yves ont mis le pied à l’étrier de l’entreprise familiale à la fin des années 1970, principalement dans les trois restaurants de la famille. C’est lors d’un voyage à New York, dans les années 1980, qu’ils séjournent au Morgans, un boutique-hôtel qui leur ouvre de nouvelles perspectives.

La sœur et le frère ont une révélation et décident d’en importer le concept au Canada, « à la Germain ». Ainsi, le premier hôtel-boutique, le Germain-des-Prés, ouvre ses portes en 1988 à Québec ville, autour du concept alors innovant d’établissement haut de gamme, en cœur de métropole avec services personnalisés. L’accueil est excellent.

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Le Germain des Prés à Québec

Ce premier « hôtel-boutique » au Canada fait figure d’établissement avant-gardiste. Il sera suivi par d’autres établissements dans le même esprit dont le Germain à Montréal avec la même volonté d’innover.

C’est cette volonté qui a conduit à la création en 2007 du concept « Alt » à Brossard à la jonction d’importantes voies de communication sur la Rive-Sud de Montréal. Version canadienne du concept « limited service », il décroche un Hospitality Awards un an après son ouverture.

Né au Québec, le groupe Germain ne cherche pas à s’y limiter. Dès 2003, il développe ses deux concepts à Toronto en Ontario et partira même « à la conquête de l’Ouest » canadien. 

Seul groupe hôtelier authentiquement canadien

A ce jour le Groupe Germain demeure la seule entreprise véritablement canadienne, connaissant une croissance soutenue, malgré les aléas et les crises. Il développe, réalise et assure la gestion d'hôtels de type lifestyle, soit une vingtaine d’établissements sous les bannières Le Germain, Alt et Escad.

Les trois marques ont été développées autour d’une philosophie de l’accueil, d’un sens de l’esthétisme et d’une volonté de s’entourer de collaborateurs locaux. Christiane Germain aime rappeler l’exigence du groupe, fondée sur « le souci du travail, le souci du détail, le souci de la clientèle et le souci des membres du personnel ». C’est ce qui a forgé la vision du groupe : « être reconnu, d’un océan à l’autre, comme un chef de file en développement et en gestion d’hôtels « design », en innovant par ses pratiques tout en assurant à la clientèle un confort qui se distingue par son raffinement et la qualité du service d’un personnel attentionné ».

Présent non seulement dans les grandes métropoles mais aussi les villes canadiennes "secondaires"

Le groupe Germain Hôtels est présent, ainsi, dans les grandes métropoles et aires urbaines canadiennes : Québec, Montréal (1999), Calgary (2010,) premier complexe immobilier polyvalent du genre dans l'Ouest canadien, combinant hôtel, immeuble de bureaux et des résidences de luxe, Ottawa (2018) ou Toronto (2003) avec un développement ALlt aéroport en 2012.

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Le Alt Hôtel de Toronto

Depuis 2013, il vise aussi les municipalités régionales moins peuplées ou moins urbaines, Halifax en Nouvelle-Ecosse, Charlevoix, St. John's à Terre-Neuve, Saskatoon dans le Saskatchewan.

Près de 1500 personnes travaillent aujourd’hui pour Germain Hôtels. Dans une culture d’entreprise qui se veut encore familiale, fidèle aux valeurs des parents de deux co-président(e)s et perpétuées par la troisième génération qui a rejoint le groupe. Des valeurs familiales liées à l’accueil, au service et à l’approche humaine revendiquées par les enfants des deux co-fondateurs, Marie-Pier (vice-présidente ventes et marketing), Laurie (vice-présidente équipes et culture) et Hugo (vice-président en charge des opérations).

Un groupe survivant du Covid grâce à la mise en oeuvre du PACTE

Pendant la crise de la Covid, près d’une centaine d’hôtels ou de chaînes hôtelières ont reçu du ministère de l’Économie plus de 104 millions de dollars en garantie de prêts dans le cadre du Programme d’action concertée temporaire pour les entreprises (PACTE), soit près de 20 % des quelque 600 millions de dollars en aide attribués dès la première année de la pandémie.

Le Groupe Germain est le plus important bénéficiaire du programme PACTE dès 2020 avec sa filiale Alt, totalisant près de 40 millions de dollars de garanties de prêts. « Elles couvrent des prêts déjà̀ existants », précisait alors Christiane Germain, coprésidente de l’entreprise. Les hôtels ont également eu la possibilité de bénéficier de la Subvention salariale d’urgence du Canada.

Pour la 22e fois consécutive, le Groupe Germain fait partie des cinquante « sociétés les mieux gérées du Canada » une distinction décernée chaque année par le cabinet Deloitte. Cette distinction récompense les entreprises privées canadiennes dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 50 millions de dollars. Elle est évaluée selon quatre critères : la stratégie, les capacités & l’innovation, la culture & l’engagement, et la gouvernance & les finances.

L’entreprise a su traverser la pandémie, très brutale au Canada avec des réouvertures très tardives comparées à la France ou à l’Europe. Une période très difficile pour le groupe, qui a dû mettre à pied près de 80 % de ses employés de façon temporaire. Souvent des salariés très impliqués et fidèles, comme le montre l’exemple cité par Hugo Germain : « Au Alt hôtel Québec, les dix employés ayant le plus d’ancienneté cumulent trois siècles d’expérience ».

Cette fidélisation des salariés, ce sentiment d’appartenance à une famille qui a su serrer les coudes, sont expliqués par une démarche RH proactive. L’Académie Germain permet de développer les talents des collaborateurs. A compter de 2022, des programmes de leadership et de gestion y sont proposés pour accompagner la progression interne. 

« Le développement durable est pour nous une norme et non un luxe »

Le groupe s’est rapidement doter d’une stratégie ESG, développant un important volet humain et une préoccupation par l’impact sociétal, notamment auprès des communautés amérindiennes. Cela passe par l’embauche de main-d’œuvre locale mais aussi l’ouverture des salles de réunion et des halls d’entrée pour appuyer des causes.

Le groupe Germain Hôtels a développé avec le temps des programmes spécifiques d’organisations et d’évènements à destination des communautés, un sujet extrêmement sensible et prégnant au Canada. Plusieurs axes ont été choisis : les arts et culture en soutenant des initiatives dans le design, la danse, les arts visuels, les festivals de musique, etc. ; les sports et le bien-être au féminin mais aussi l’esprit communautaire.

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Lors de l'inauguration du Alt Calgary University 25 nuitées ont été offertes à une association locale pour héberger ses "protégés"

Le groupe a bien entendu développé un angle durable dans cette optique ESG. « Le développement durable est pour nous une norme et non un luxe », affirme la communication corporate. Dans sa stratégie globale, la réduction de l’empreinte carbone et des consommations de produits responsables, réutilisables et renouvelables figurent comme les mantras principaux.

Les piliers de la démarche reposent sur un approvisionnement local, des projets durables et l’esprit de communauté. L’entreprise a ouvert les premiers hôtels à utiliser la géothermie au Canada mais aussi certifié LEED. Germain a modernisé son approche CRM et a su se montrer « opportuniste » et « résilient », selon Hugo Germain en adaptant ses projets aux réalités locales et aux contraintes financières.

Des hôtels en « kit » ont été conçus pour s’implanter à St-John’s (Terre-Neuve), et à Calgary, des marchés aux coûts de construction très élevés. Cette stratégie est suivie également par les investisseurs avec lesquels le groupe travaille, dont la Caisse de Dépôt et Placement du Québec ou Investissement Québec.

Pour l’année 2024, le groupe affirme avoir défini des projets responsables et durables : l’élimination de la bouteille d’eau de plastique en mettant en place plus d’une douzaine de solutions de rechange pour offrir de l'eau de grande qualité, bonne pour la santé et plus respectueuse de l'environnement ; influencer positivement les activités de la chaine de valeur liée à ses produits et services mais aussi un travail d’influence pour inspirer l’industrie québécoise et canadienne à rehausser ses normes environnementales.

Une démarche d’approvisionnement local au plus près

L’approvisionnement responsable se fait chez des fournisseurs locaux, que ce soit pour le choix de matériaux de construction des hôtels, les ingrédients servant de base aux menus des chefs ou aux œuvres d’art qui distinguent chacun des établissements. Des liens de proximité ont été noués avec des entreprises et des artisans du Canada, choisis parce que partageant vision et valeurs. La firme montréalaise Lemay-Michaud inspire le design des hôtels d’un océan à l’autre, l’Ébénistera Rénova fournit la majorité des meubles en bois.

Construire des bâtiments durables et efficaces d’un point de vue énergétique est aussi une priorité. Des solutions éco-responsables sont proposées en travaillant avec des artisans et des fournisseurs. Elles peuvent porter sur des équipements éco-énergétiques à rendement élevé, l’optimisation de l’enveloppe thermique des bâtiments, l’éclairage DEL économe d’énergie, la désactivation du courant dans les chambres en l’absence des clients, des systèmes de réduction de la consommation d’eau et de récupération de la chaleur sortante, etc. Douze établissements sont désormais équipés en géothermie, leur permettant d’être quasi autonomes en matière de chauffage et de climatisation. La localisation des hôtels en milieu urbain permet de promouvoir les déplacements pédestres auprès des clients.

Des investissements qui reprennent en 2024

Depuis ce printemps, la reprise des constructions et des ouvertures post-pandémie est de nouveau d’actualité. L’inauguration du dix-neuvième hôtel, il y a quelques jours, le deuxième Hôtel Alt à Calgary, traduit une nouvelle dynamique en matière d’investissements. L’ouverture du vingtième établissement, l’Hôtel Alt Aéroport d’Ottawa, est programmé en 2025. Initialement annoncé en 2019, le projet a été interrompu et reporté en raison de la pandémie. Une nouvelle version réduite de l’hôtel comprendra 178 chambres et également une passerelle qui le reliera directement au terminal de l’aéroport. L’investissement est évalué à 55 millions de dollars.

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Le futur Alt Hotel d'Ottawa marque la reprise de la croissance en construction neuve

Les perspectives d’investissement reprennent peu à peu celles pré-pandémiques (80 M CAN$ par exemple annoncés en 2018) quand des investisseurs européens rejoignaient les projets portés par les partenaires financiers québécois pour développer des projets aux USA ou en Europe. Cela signifie sans doute que l’hôtellerie a su redéfinir de nouveaux critères de rentabilité et qu’elle constitue de nouveau « un terreau de croissance fertile » selon la direction financière du groupe.

Le groupe reste prudent dans la maîtrise des investissements. Les sites peuvent être identifiés pendant dix à quinze ans avant le début des travaux. « Le principal défi de l’expansion consiste à maintenir une croissance contrôlée », justifie Hugo Germain pour qui  « dans le contexte économique actuel, en raison des coûts de construction qui ont explosé depuis 2020, c’est quand même chaque fois un gros risque financier. Mais c’est un risque qu’on est toujours prêts à prendre... ».  

L’approche du groupe est toujours fondée sur le même modèle : croissance par construction neuve d’un bâtiment pour respecter les fondamentaux. Le modèle nécessite de valider le potentiel du marché, alliant prévisions touristiques sur 5 ou 10 ans, et prévisions financières fondés sur un rendement minimum de 15%.

 

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