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Entretien avec François Navarro, Directeur général de l'Agence d'Attractivité hello Lille qui partage son expérience et sa vision en tant que responsable de la valorisation et de la promotion de son territoire en ce temps de déconfinement progressif. Une discussion avec Vanguélis Panayotis, CEO MKG Consulting.

Quelles sont les réflexions à date que nous pouvons avoir sur une métropole comme Lille parce qu’il faut le rappeler, ces dernières années et il y a quelques mois encore, Lille était dans une formidable dynamique. Aujourd’hui, comment réfléchissez-vous à cette logique de plan de relance ? Quels sont les grands axes au lendemain des annonces qui ont été faites ? Comment discutez-vous, avec quels types d’acteurs ?

François Navarro : Lille est la quatrième métropole française. Elle n’est pas forcément aujourd’hui à la place qu’elle devrait être en termes de fréquentation touristique. Mais c’est une destination touristique qui possède une singularité : 70% de notre business est fait par le tourisme d’affaires. Donc c’est vrai que passé la sidération, passé les événements annulés, l’impact a été assez fort – comme pour l’ensemble de la filière tourisme événementiel et évidemment l’hôtellerie.

La métropole nous a mandaté sur un plan de relance parce que l’enjeu est vraiment de se projeter, d’accompagner nos partenaires hôteliers, filières événementielles à se projeter et à imaginer la suite. Il y a deux axes sur lesquels nous travaillons. D’abord le loisir parce que même si nous ne sommes pas spontanément une destination de Citybreak, et si nous postulons à le devenir, nous sommes une destination que les gens pourront visiter cet été.

Avec nos hôteliers, avec l’ensemble des acteurs du territoire, nous travaillons à des campagnes de proximité parce que nous savons que la reprise passera par un tourisme local. Évidemment, nous allons cibler la région de la Haute-de-France, Paris et quelques métropoles françaises, mais aussi et surtout, nous avons 70km de frontières avec la Belgique. Ce sont nos voisins, ils sont chez nous tous les weekends. Nous ne sommes pas jumelés avec la Belgique mais en tout cas, il y a une fraternité et des sujets communs très forts. Dès que les frontières seront rouvertes, nous l’espérons, nous irons cibler cette clientèle.

Nous comptons beaucoup sur une reprise en septembre prochain parce qu’il y a beaucoup de congrès et de salons qui sont organisés à Lille. Si les événements à vocation internationale qui doivent se dérouler en Septembre à Paris se passent bien, cela rassurera l’ensemble de la filière.

Je me souviens que ces dernières années, vous aviez accueillis de nombreux d’événements notamment sportifs qui avaient dynamisé la fréquentation et mis en lumière Lille, mais cette année vous avez un événement qui tourne autour du design qui est extrêmement important. Est-ce que tu as déjà des éléments à partager autour de ça ou c’est encore un petit peu trop tôt maintenant ?

Nous avons été désignés capital mondiale du design. Nous en sommes extrêmement fiers. Nous succédons à Mexico, à Séoul et un certain nombre de très beaux lieux internationaux. C’est un moment assez incroyable pour les amateurs du design et évidemment, cela a commencé en décembre dernier. Il y avait un renfort qui était prévu à la fin du mois d’Avril, mais tout cela a été annulé.

Donc l’idée, une fois que les choses sont positionnées, c’est sans doute d’avoir une concentration à la fin de l’année entre septembre et décembre, notamment autour d’un Design Week qui aurait lieu en Octobre à Lille. Nous allons capitaliser énormément sur cet élément.

Nous savons que les enjeux dans les prochaines semaines vont être autour de la réassurance. Est-ce que vous avez réussi à mobiliser toute la filière et tous ses acteurs ? Quels sont, sans dévoiler de secrets peut-être, vos messages autour de cette réassurance ?

La réassurance est nécessaire parce qu’elle est le passage obligé avant d’aller à la reconquête des visiteurs. Nous sommes une destination urbaine. Le message spontanément en été, est de parler de plage, de plein air, de grands espaces, mais pas spontanément des territoires urbains. Or les métropoles ont leur épingle à tirer durant cette période en termes de culture, de shopping et d’esprit. La réassurance passe aussi par la réouverture, c’est-à-dire les annonces de réouvertures. Il y a une petite confusion notamment sur la question des hôtels. Il n’y avait pas d’arrêtés qui décidaient de façon unilatérale la fermeture des hôtels. Chez nous, un quart, voire un tiers des hôtels sont rouverts. Et puis petit à petit sont mis en place les gestes classiques de barrière de réassurance.

Nous ne pouvons pas travailler qu’en terme de « Destination » donc le message que nous souhaitons faire passer, c’est que la destination est safe. Nous travaillons aujourd’hui avec la filière, le club hôtelier, la filière événementielle, les offices du tourisme et l’ensemble des décideurs, des organisateurs d’événements, sur l’élaboration d’éléments de communication de réassurance. D’ici une quinzaine de jours, je pense que nous pourrons dévoiler un certain nombre de choses sur lesquelle nous travaillons.

Nous avons tous vu que la mobilisation a été générale en ce qui concerne la thématique de sauver l’été. Tu évoquais les plages, mais tout le littoral est concerné en Juillet-Août. Mais à partir de septembre et tout le reste de l’année , c’est plutôt la saison des métropoles urbaines.

Le vrai enjeu, soyons très clair, il est pour septembre. Aujourd’hui, les premiers signaux ne sont pas extrêmement positifs. Un certain nombre de conventions et de moments importants commencent a être reportés ou annulés. La crainte est quand même que Septembre ne soit pas si bon que cela. Finalement nous nous battons aussi avec les entreprises pour dire : « voilà, nos lieux notamment le Grand Palais qui est un parc des expositions met tout en place pour que les évènements se passent de façon extrêmement positive ». Pour une destination comme la nôtre, qui a 70% de son chiffre d’affaire en termes d’hôtellerie, l’enjeu est massif et industriel. Derrière il y a quand même des emplois, à l’échelle de notre métropole, ce sont 14.000 emplois qui sont liés au tourisme. C’est le cas aussi de la restauration. Il faut que la restauration redémarre parce que l’hôtellerie sans la restauration, c’est vraiment compliqué à vendre.

Nous sommes positifs, attentifs mais surtout mobilisés. Même si la compétition existe et elle reprend évidemment ses droits, tout le monde est fédéré et c’est une chose extrêmement positive.

Quand nous parlons d’attractivité pour une métropole comme Lille, c’est quoi les tendances qui vont avoir une propentson à s’accélérer ? Cette crise va peut-être amener d’autres usages ou accélérer des réflexions que vous aviez déjà en cours.

Nous verrons, je ne sais pas combien de temps, tout cela va rester. Mais aujourd’hui les entreprises notamment celles qui organisent des événements, ne vont pas spontanément miser sur l’organisation d’événements en dehors de leur propre territoire. Les budgets vont être découpés. Cela impactera sans doute la communication. L’événementiel, apparait comme non nécessaire spontanément. C’est une discussion que nous avons avec les organisateurs d’événements et les milieux qui les accueillent, mais aussi une réflexion à intégrer.

Nous le savons des événements digitaux peuvent remplacer des événements physiques. Au niveau statistique, le passage d’un événement physique à un événement digital fait perdre quand même du chiffre d’affaires à l’organisateur et à celui qui le reçoit. Mais il faut entendre cette tendance-là. Il y a quand même des envies naturelles fortes de transformation et de nos manières de consommer.

Après la tendance lourde, c’est est la question de l’accessibilité. Nous avons une chance formidable, c’est d’être à une heure de Paris en train avec 25 trains par jour. Aujourd’hui, les entreprises nous montrent qu’elles vont sans doute organiser des événements, mais sans doute pas très loin de chez eux. Donc Lille dans ce contexte-là, a tout à gagner. Mais il faut que les lieux imaginent de nouvelles manières et de nouveaux fonctionnements pour accueillir ces visiteurs. Ce n’est pas simple parce que c’est une industrie parfois lourde, qui a des équipements forts à faire tourner. Nous disons souvent que les emplois sont non délocalisables pour nos industries, mais nous voyons bien que la compétition va être importante entre les métropoles. Beaucoup de chiffres d’affaires a été perdu, donc évidemment chacun tirera son épingle du jeu. Nous allons miser fortement sur la question de l’accessibilité et évidemment sur l’immatériel de l’accueil, la chaleur et la convivialité. Aujourd’hui ce sont des mots qui sont extrêmement importants même si cela doit se faire à distance.

Dans ce contexte-là, nous réfléchissons souvent à la compétitivité de la France. Les résultats touristiques sont bons, mais moins dynamique ces trois et quatre dernières années par rapport à nos voisins européens. Il y a des sujets sur l’augmentation de notre compétitivité donc de facto notre attractivité. Est-ce un sujet sur lequel vous êtes en train de réfléchir peut-être à l’échelle régionale ou de la métropole ?

Il faut avoir en tête qu’il va y avoir une compétition entre les métropoles. Nous avons entendu parler d’un certain nombre d’initiatives où des métropoles souhaitent mettre en place la gratuité de leurs lieux d’accueil (hors parc des expositions). C’est une des idées qui émerge mais je ne suis pas sûr que ce soit la plus pertinente. Je pense que le métier que nous faisons est un métier qui a de la valeur. Les choses doivent avoir un prix même si évidemment la concurrence va s’opérer.

Notre mission est de fédérer à la fois, les acteurs de l’événementiel qui accueillent les grands événements et les hôteliers. Nous savons qu’il y a toujours des tensions qui peuvent exister. Les organisateurs d’événements trouvent souvent que l’hôtellerie est un peu chère lorsqu’ils organisent leurs événements. C’est un débat.

Nous avons la chance à Lille d’être une destination qui n’est pas vécue comme une destination chère, en tout cas avec des établissements hôteliers qui sont extrêmement qualitatifs. Nous avons un maillage hôtelier assez particulier qui n’a pas de gros porteurs donc ce n’est pas simple pour les organisateurs d’événements de se dire « tiens, nous allons les mettre sur plusieurs hôtels, puis d’autres sur un seul ». Mais je pense qu’aujourd’hui, je le revendique, c'est une force. Nous pouvons aussi avoir besoin de l’État pour qu’il choisisse un certain nombre de métropoles pour organiser des événements internationaux. Toutes les métropoles françaises ne peuvent pas le faire et nous avons besoin de décentraliser ce qui se passe à Paris. C’est important d’avoir cette reconnaissance-là. La concurrence va s’opérer. Elle se met déjà en place. Ce n’est pas non plus le monde des bisounours, mais l’attractivité va encore plus se densifier à compter de la rentrée.

Je schématise mais est-ce que nous ferons un aller-retour pour un rendez-vous de deux heures ? Comment pouvons-nous venir enrichir l’expérience et la rendre plurielle même si la motivation première est singulière ?

Nous avons décidé avec Hello Lille de fédérer un réseau d’ambassadeurs. Donc nous avons plus de mille ambassadeurs : des chefs, des patrons d’entreprise, des start-up sportifs, des artistes qui ont décidé de porter le territoire – de dire : « voilà, nous sommes la quatrième métropole française, nous avons des industries de pointe, des sièges internationaux, des leaders mondiaux et il faut que ça se sache maintenant ».

Décathlon, qui est une entreprise d’ici, a mis à disposition ces masques pour les hôpitaux italiens et cela à traverser le monde entier. C’est une fierté locale qui devient une fierté nationale et devient un exemple mondial.  Des exemples comme celui-ci, nous en avons des centaines. Cette fierté-là doit appartenir au territoire. Nous voulons imprimer Lille comme un des choix possibles. L’accessibilité, soyons honnête, reste la base. Quand vous êtes à 35min de Bruxelles ou à 40min de Londres, avec un aéroport et puis nous sommes au sein de nos partenaires, c’est important.

Nous attendons aussi de voir les décisions qui seront prises notamment par rapport à Air France sur l’aide en contrepartie de l’arrêt des lignes accessibles en train à moins de 2h30. Nous verrons ce qui sera décidé. Je pense qu’il y a une prise de conscience. Les choses doivent changer et évoluer. Les villes doivent faire le choix d’avoir un centre de congrès accessible à pied et des transports en commun. Nous sommes une destination qui regroupe l’ensemble de ces qualités-là. Nous souhaitons promouvoir ces atouts.

Je crois que nous avons compris que nous allons survivre comme nous pouvons, en gardant de l’enthousiasme, de l’entreprenariat, du dynamisme parce qu’il faut faire face à la situation et se mettre à la hauteur du challenge. D’après toi, quand est-ce que Lille va retrouver son niveau d’activité d’avant Covid-19 ? Peut-être pas forcement 2019 mais quelque chose qui soit équivalent à 2017 ou 2018 ?

C’est une question extrêmement difficile. C’est étape par étape. Nous faisons tout d’ores et déjà pour essayer de sauver la saison. Nous avons la chance d’avoir derrière nous la métropole européenne de Lille qui va y mettre les moyens. Au-delà de l’État, au-delà de la Région, le fait que nous ayons une métropole derrière nous, nous motive et nous aide. Le fait que la filière soit plutôt unie va aussi évidemment nous arranger. Nous pouvons raisonnablement dire que le printemps prochain est un horizon à atteindre. La « bonne nouvelle » dans cette mauvaise nouvelle, c’est que nous avons beaucoup d’appels pour des organisations d’événements. Le téléphone de notre bureau des congrès n’a pas cessé de sonner. C’est plutôt une excellente nouvelle, en tout cas une projection assez intéressante. Le temps de l’urbain va revenir et sera important mais le message que nous faisons passer c’est que l’été pour nous, en tout cas pour notre filière hôtelière, est un moment extrêmement important. C’est pour cela que nous serons au rendez-vous à travers un certains nombre de campagnes que nous allons mettre en place.

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