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Entretien avec Patrick Torrent, Directeur Exécutif dans l’Agència Catalana de Turisme et président du réseau européen de destinations durables NECSTour.

Je suis Patrick Torrent, Directeur Exécutif dans l’Agència Catalana de Turisme, en charge de la promotion touristique de la Catalogne.

Pourriez-vous nous expliquer votre parcours pour arriver à ce poste ?

C’est un long parcours. J’ai travaillé pendant 30 ans dans le secteur touristique. Les 15 premières années, j’ai travaillé dans le secteur privé et les 15 dernières, pour le secteur public à l’Agence de Tourisme Catalane sur le marketing touristique de la destination de la Catalogne.

J’ai une vision complémentaire. La vision rêvée entre l’agence de voyage et un groupe qui a une verticale du tourisme. Un groupe avec des services catalans sur la partie des événements, de l’industrie corporative du tourisme et sur le secteur public. Notamment pour le développement parce qu’ils vivent de la pension, du marketing touristique, de la gestion du management du tourisme et du développement de l’activité touristique d’après la vision de la politique touristique.

C’est pour cela que maintenant je suis président du réseau NECSTour : réseau des régions européennes pour un tourisme durable et compétitif. Ce réseau regroupe 34 régions parmi les plus importantes en matière de tourisme en Europe. Il y a 22 destinations touristiques européennes qui sont membres de NECSTour, 17 sont dans les premières destinations. Plus ou moins 70% du tourisme international qui arrive en Europe, arrive dans une destination de NECSTour.

Et quels travaux avez-vous menés au sein de NECSTour suite à la crise, avez-vous échangé ensemble ?

Oui, bien sûr, nous avons changé de monde. Avant, nous étions en mode développement touristique et nous partagions les visions et les bonnes pratiques pour développer un modèle plus durable et compétitif.

Après la crise, nous avons été capable de nous adapter en mode urgence. Urgence pour être les prochains en matière de décisions des institutions européennes, les prochains membres pour parler de la situation, pour partager les pratiques, pour développer d’après chaque vison et chaque région. Et pour faire des propositions consensuelles pour la Commission Européenne vers le Parlement Européen vers les Institutions qui ont vu que la voix des régions est bien représentée par le réseau NECSTour.

NECSTour offre une vision du tourisme qui est la vision que la Commission européene a décidé d’adopter. C’est pour cela qu’après ces conversations avec la Commission Européenne, le Commissaire a présenté au Parlement Européen un projet de travail avec le tourisme comme l’industrie la plus affectée de la crise du Covid-19.

Et c’est pour cela aussi que le 13 mai dernier , la Commission Européenne a présenté la vision sur le tourisme. C’est la première manifestation publique de commission et totalement focalisée sur le tourisme. Cela veut dire que c’est une situation historique. Jamais le tourisme n’avait été considéré dans les tables de décisions prioritaires des Institutions Européennes.

Tous les ministres du tourisme se sont parlés, ce 20 mai dernier. Il s’agissait plus de réaffirmer certaines choses mais il y a un début de quelque chose, il y a une naissance sur ces aspects-là. Quel est le poids du tourisme pour la région Catalogne pour en revenir à destination ?

Le tourisme pour la Catalogne représente 12% du PIB. C’est entre la première ou la deuxième industrie de la Catalogne. Il y a ici en Catalogne beaucoup de tissus industriels comme l’automobile qui nous a développé économiquement pendant ces dernières années. Mais maintenant, c’est le tourisme qui pousse en force et qui va peut-être réussir à être la première industrie économique de la Catalogne. La Catalogne occupe toujours une position entre les trois premières en Europe comme destination touristique. Entre les Canaries, Paris et l’Île-de-France, qui sont en concurrence pour occuper la première, deuxième et troisième position sur le podium européen du tourisme.

En comparaison avec les autres régions leader du tourisme en Europe, la Catalogne offre surtout de la diversité parce que les Canaries sont une destination de soleil et de plages. L’Ile-de-France est une destination plutôt urbaine, la plus visitée du monde. Mais la Catalogne est une destination très diversifiée. Elle est toujours dans les rankings européens et souvent dans le top ten, mais jamais en première position, seulement sur l’aspect croisière. C’est vrai qu’en termes de tourisme de croisière nous occupons la première position en Europe et quatrième position mondiale. Mais à part ça, nous avons du tourisme gastronomique, culturel, du tourisme de soleil de plage, du tourisme d’aventure. La Catalogne est parmi les dix premières positions européennes mais jamais la première – cela veut dire que c’est une opportunité pour nous de faire face à la situation que nous ouvre la crise du Covid-19. Et c’est vrai que c’est une grande opportunité de recevoir ces plus ou moins 36 millions de touristes que l’on reçoit chaque année dont la majorité desquels sont internationaux. 21 millions sont internationaux. Et les autres 15 millions sont du tourisme domestique.

300.000 personnes travaillent dans le secteur touristique, nous avons pu réussir à avoir une croissance consolidée plus ou moins de 2,5 ou 3% chaque année. Et c’est vrai aussi que pendant les trente dernières années, l’évolution de la croissance du tourisme en Catalogne a été parallèle à la croissance de la disponibilité d’argent, des marchés plus importants pour la Catalogne. Il s’avère que la croissance économique de ces marchés a été en corrélation directement avec l’évolution du tourisme en Catalogne.

Cela veut dire un impact très fort déjà puisqu’en Espagne, vous avez dû fermer les établissements hôteliers. Ce n’était pas forcément le cas dans tous les pays européens mais en Espagne, c’était le cas. Et des perspectives de reprises qui sont un peu complexes puisque forte clientèle étrangère.

L’impact sur l’activité est terrible. Nous sommes presque à zéro en termes d’activité touristique en Catalogne. Les connexions internationales ont souffert d’une chute de 95%, il ne reste que 5% de connexion aérienne avec les aéroports catalans. Et surtout, ces 5% vont focaliser dans les travaux essentiels, pour transporter les personnes dans les secteurs essentiels. Au niveau des établissements, la situation est similaire. Il y a 90% de chute de l’activité et les 10% sont focalisés surtout dans les industries essentielles pour accueillir les personnes qui travaillent pour le secteur de la santé ou du social. C’est une situation qui est terrible pour tout le secteur qui est maintenant en train de travailler pour la réouverture graduelle, surtout avec des garanties de la santé et de la sécurité des visiteurs. Ici en Catalogne, il reste encore les restrictions plus fortes en termes de mobilité mais maintenant la situation de la crise sanitaire semble contrôlée.

La situation des mesures de sécurité pour préserver la santé des visiteurs sont adoptés partout : par les restaurants, par les hôtels qui aujourd’hui par exemple ici autour de moi, il y a peut-être cinq ou six hôtels qui sont ouverts. Ils ne sont pas ouverts au public mais travaillent pour garantir la sécurité et développer les actions de préventions. Je vois qu’il y a un effort et je vois la conviction de certains afin d’être sécurisés plus que jamais et de pouvoir accueillir les visiteurs quand les frontières seront ouvertes.

Quand est-ce que les frontières vont rouvrir ? Il y avait la recommandation de la Commission européenne le 13 mai pour être flexibles dans les restrictions des personnes dans l’espace européen. Et il y’a certains états qui ont fait l’ouverture partielle comme par exemple la situation des pays baltiques (l’Allemagne et l’Autriche ou l’Autriche et la Suisse). Ici en Catalogne, nous avons demandé à l’État espagnol une certaine flexibilité vu que la situation est contrôlée. Afin d’assurer la sécurité de nos visiteurs, il serait temps de commencer à parler de la date de réouverture des frontières avec la France et le Portugal surtout. Actuellement, ils sont en train de travailler sur les différents scénarios concernant l’ouverture et l’annonce sera faite durant la dernière semaine du mois de juin ou la première semaine du mois de juillet.

Il y aura des ouvertures au niveau des régions sanitaires à contrôler, puis sur les provinces, et après une ouverture générale. Je crois que l’ouverture provinciale va être plus ou moins en même temps que l’ouverture des frontières. Cela veut dire que les personnes qui habitent à Barcelone pourront visiter la Gironde ou l’Occitanie en France. Cela dépendra des Ministère des Affaires Etrangères espagnol et français pour retirer la mesure de quarantaine qu’ils ont décidé d’instaurer il y a une semaine.

La commission européenne a annoncé et notamment cela a été discuté pendant la conférence entre les ministres du tourisme, la date du 15 juin pour évaluer et faire un vrai planning de réouverture que ce soit à l’intérieur de l’espace Schengen et avec les autres pays internationaux.

Oui, c’est la recommandation que nous avons fait avec NECSTour. Une réouverture harmonisée et coordonnée pour éviter les chutes de compétitivités de certaines destinations et certains marchés. C’est important pour nous d’assurer l’égalité de la concurrence des destinations touristiques européenne et non de devenir une destination unique européenne. Il est essentiel de préserver le principe de la libre circulation des personnes et des capitales.

Quelles ont été les actions de la région catalane pour soutenir les professionnels et quels sont vos objectifs dans les semaines et les mois à venir, pour accompagner la reprise ?

Il y a des mesures adoptées en deux temps. La première ligne de travail a été l'urgence et surtout l’information. Nous avons créé un espace Covid sur notre site internet pour informer le secteur et qu’il puisse prendre des décisions. Nous avons surtout parlé de la sûreté des mesures et de la fermeture organisée du secteur touristique dans la première phase de la crise sanitaire. Après cela, nous avons créé un programme de soutien afin d’accompagner les entreprises, les microentreprises catalanes et les travailleurs autonomes dans le secteur touristique pour leur permettre de respirer et de pour pouvoir soutenir la situation. C’était alors 1 450 aides directes au secteur, une somme de 2 500€ pour chacun. Nous avons engagé 3,5 millions d’investissements directs sur le secteur.

Maintenant nous sommes en train d’ouvrir une autre ligne de support de 9 millions d’euros. Avec ses 9 millions d’euros nous essayerons d’aider les typologies d’entreprises qui peuvent être bénéficiaires des aides telles que les entreprises qui soutiennent le secteur. Nous devons préserver le tissu industriel de ce secteur et c’est pour cela que nous avons fait cette aide. Elle garantit que le tissu qui supporte l’expérience en Catalogne ne va pas disparaître, parce que cela pourrait arriver. Parce qu’il y a beaucoup d’entreprises qui sont en situation critique et nous avons décidé de les aider et de leur offrir ces ballons d’oxygène.

La deuxième phase, c’est la récupération. Nous travaillons avec le secteur pour développer une campagne de communication et récupérer la confiance en la destination. Repositionner la marque Catalogne pour travailler sur l’idée des véhicules émotionnels de tous les touristes. Nous allons appeler à leurs sentiments. Nous allons appeler à ces personnes qui ont été confinées pendant 70 ou peut-être 80 jours et maintenant qui ont besoin plus que jamais de récupérer toutes les opportunités des destinations touristiques que la Catalogne peut vous offrir. 

Et c’est pour cela que nous allons communiquer surtout au marché de proximité, notamment en France ou nous recevons presque 5 millions de touristes chaque année. Mais également en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Italie et au Royaume-Uni. Même si la situation du Brexit est en transition actuellement, son marché pourrait arriver en Catalogne en voiture ou par avion. Les tendances et les changements de comportement de la clientèle nous font penser que les arrivées en voiture vont être supérieures à d’habitude et c’est pour cela que nous allons essayer de focaliser la communication aux marchés de proximité qui pourrait arriver en Catalogne.

Cela représente quoi comme budget cette campagne ?

Il y aura en première campagne du tourisme d’intérieur pour les catalans pour le mois de juin et juillet. Et nous allons investir plus ou moins 2 millions d’euros. L’autre campagne européenne, nous allons investir presque 4 millions d’euros.

Quel le budget annuel de Turisme de Catalunya que l’on puisse se rendre un peu compte ?

Pour les actions de marketing touristique, le budget de l’année 2020 est de presque 18 millions d’euros.

Justement Patrick, compte tenu de la présence de Turisme de Catalunya au sein du réseau NECSTour, j’imagine que vous avez dû échanger entre vous, entre destinations sur ce que sera le tourisme de demain. Quelles sont les priorités que peuvent être données ? NECSTour travaille beaucoup sur les questions de tourisme durable, de tourisme pour tous, pour les personnes à besoin spécifiques. Est-ce qu’il y a d’autres sujets que vous avez envisagé de développer ensemble ?

Oui, nous en parlons souvent avec les membres de NECSTour et les autres régions qui sont, comme nous, engagées avec ces modèles de tourisme durable et compétitifs. Nous avons identifié clairement que le tourisme doit faire partie de la solution et non partie du problème.  Nous avons exprimé cela au Commissaire. Nous avons partagé la vision.

Cette parenthèse a permis d’ouvrir l’opportunité et la réflexion du consommateur qui va être plus conscient que jamais du besoin commun de travailler dans un modèle durable et compétitif. Pour cette durabilité et compétitivité, il faut travailler en deux axes, le premier sera la durabilité sociale, culturelle, environnementale et aussi économique et touristique. La deuxième sera la digitalisation. Nous venons de faire en immersion forcée de la digitalisation en 80 jours. Mais c’est vrai que certaines choses que nous avons apprises pendant ces périodes seront utiles dans ces nouveaux modèles durables et compétitifs que nous allons bâtir.

C’est le moment de récupérer les 5 axes stratégiques du réseau NECSTour. Le premier est le S de Sociale, de l’équilibre socio culturelle du tourisme, du besoin que nous avons de partager le contenu de la déclaration de Barcelone pour un tourisme qui soit durable au niveau culturel et social.

Le deuxième S est de Smart. La destination doit être capable d’harmoniser la technologie et l’environnement. D’harmoniser sa rénovation et sa capacité de pouvoir attirer un tourisme plus responsable.

La troisième S est de Skills. Les compétences et la capacité des équipes qui travaillent dans le secteur du tourisme afin d’avoir les aptitudes pour offrir un modèle plus durable et plus compétitif.

L’autre S est de Statistiques. Celles-ci vont être absolument nécessaires pour connaître la situation et pour gérer la situation. Nous ne pouvons pas gérer, ce que nous ne pouvons pas mesurer. C’est l’une des maximes de NECSTour. Il faut bien mesurer la situation.

Et la dernier S mais pas sans importance, c’est Safety. La sécurité et la résilience des destinations, la capacité des destinations à se réinventer et à offrir une proposition de valeur ou la sécurité des visiteurs sont au centre de l’offre. Et c’est pour cela qu’avec ces axes, nous croyons que nous pourrons bien répondre et que nous pourrons effectuer les défis que nous recevons vis-à-vis de cette situation.

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