Le secteur aérien pris au dépourvu par le Covid-19

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Publié le 27/03/20 - Mis à jour le 17/03/22

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D’après l'Association internationale du transport aérien (IATA), plus de 185 000 vols de passagers auraient été annulés depuis fin janvier, après la découverte des premiers cas de Coronavirus et le début des restrictions de voyage en Asie (avec la Chine dans un premier temps) puis dans le reste du monde. C'est tout un secteur qui est mis en difficulté, appelant instances intergouvernementales et régulateurs à l'aide pour assurer la survie d'une industrie qui supporte des millions d'emplois en Europe et plus largement dans le monde.

L’association professionnelle rappelait ainsi que « l'ampleur de la crise actuelle de l'industrie est bien pire et bien plus étendue que le 11 septembre, le SRAS ou la crise financière mondiale », face à des mesures de restriction sans commune mesure.

Alexandre de Juniac, directeur général et PDG de l'IATA, déclarait ainsi :

Stopper la propagation de COVID-19 est la priorité absolue des gouvernements. Mais ils doivent être conscients que l'urgence de santé publique est devenue une catastrophe pour les économies et pour l'aviation.

L’organisme rappelle également que la fermeture massive de lignes aériennes a engendré la baisse jusqu’à 90% du trafic pour certains marchés, en comparaison de l’an dernier. Au total, l’IATA estime les pertes engendrées par la crise du Coronavirus sur le secteur aérien européen à 76 milliards de dollars de chiffre d’affaires et la baisse de 46% de la demande, mesurée en chiffre d’affaires par passager kilométrique).

Par ailleurs, comme le rappelle Alexandre de Juniac, « des millions d'emplois sont en jeu », à côté des compagnies aériennes qui auraient « besoin d'une action gouvernementale urgente si elles veulent sortir de cette situation en bonne santé pour aider le monde à se relever, une fois que COVID-19 aura été battu ».

Mais les premières répercussions sur le secteur se font déjà sentir. Ainsi des aéroports commencent à fermer des terminaux, comme l’aéroport d’Orly qui a fermé ses terminaux 1, 2 et 4 depuis le 26 mars. Pour d’autres, il s’agit même de tout l’aéroport qui est temporairement fermé, comme c’est le cas pour l’aéroport de Biarritz, Lille-Lesquin ou encore celui de Chypre. Dans tout le continent, ce sont 12,2 millions d’emplois qui risquent d’être perdus, et 823 milliards de dollars de contribution en moins au PIB européen.

Afin d’évaluer l’ampleur des dégâts et prévoir ainsi l’enveloppe budgétaire à consacrer pour sauver les acteurs du secteur, l’IATA a estimé l’impact que la crise aurait, pays par pays en Europe.

En France, le manque à gagner serait de 65 millions de passagers en moins en 2020, conduisant à des pertes de chiffre d’affaires (CA) estimées à 12 milliards de dollars, mettant potentiellement en péril 318 000 emplois et une contribution de 28,5 milliards de dollars à l’économie française. En échos à ces estimations, le groupe Air France-KLM a récemment annoncé progressivement réduire son nombre de vols de manière « très significative » dans les deux prochains mois, après une vague de rapatriement actuellement en cours pour assurer le retour des ressortissants français sur le territoire. Une baisse de trafic est ainsi estimée entre 70 et 90%, en réponse à la chute de la demande et aux restrictions imposées par différents états dans le monde.

En Italie, pays européen le plus impacté par la crise pour le moment, ce serait 7 millions de passagers en moins, entraînant une perte de CA de 9,5 milliards de dollars, la potentielle suppression de 256 000 postes et une contribution de 17,4 milliards de dollars à l’économie italienne.

Deuxième pays qui pourrait être économiquement le plus impacté, 113,5 millions de passagers de moins pourraient être enregistrés au Royaume-Uni cette année, ce qui amputerait de 21,7 milliards de dollars le CA du secteur, représentait un risque pour près de 402 000 emplois et une contribution d'environ 32,7 milliards de dollars à l'économie britannique.

Du côté de l’Espagne, le manque à gagner serait le plus important en Europe. Deuxième destination mondiale avec près de 84 millions de touristes, l’état pourrait enregistrer une baisse de 93,7 millions du nombre de passagers en 2020. Ces pertes auraient un impact colossal estimé à 13 milliards de dollars, 750 000 emplois et une contribution de 49,4 milliards de dollars à l’économie nationale, la plus forte contribution de tous les pays européens.

Aussi, il pourrait y avoir 84,4 millions de passagers en moins en Allemagne. Le secteur aérien outre-Rhin perdrait ainsi 15 milliards de dollars de CA, ce qui menacerait 400 000 emplois et une contribution de 28 milliards de dollars à l’économie du pays. Pour rappel, la compagnie nationale et plus grande compagnie aérienne d’Europe en volume, la Lufthansa, traverse actuellement la plus grande crise financière de son histoire, si bien qu’elle a été contrainte de stationner au sol près de 700 avions de sa flotte, après avoir réduit de 95% ses opérations pour retrouver un trafic équivalant à celui de 1955.

Enfin en Grèce, le trafic aérien pourrait perdre 21,5 millions de passagers et 3,2 milliards de dollars de CA. Au total ce sont 193 000 emplois qui sont en péril et un manque à gagner de 8,3 milliards de dollars pour l’économie grecque.

Pour toutes ces raisons, l’IATA demande une aide d'urgence pouvant atteindre 200 milliards de dollars pour sauver les compagnies aériennes au niveau mondial de la déroute, à cause du ralentissement mondial du trafic aérien pour limiter les échanges et ralentir la propagation du Covid-19. A l’échelle de l’Europe, outre un soutien financier direct, l’association demande également la souscription de prêts, garanties de prêts et soutien au marché des obligations d'entreprises, ainsi qu’un allégement fiscal aux entreprises.

Pour rappel, le CAPA - Center for Aviation, estime que la plupart des compagnies aériennes dans le monde seront en faillite d'ici à la fin mai 2020, si les gouvernements ne leur viennent pas en aide en prenant des mesures immédiates.

Mais d’après l’IATA, il y aurait déjà des premières mesures prises par le Conseil européen, saluées par l’association :

« Certains régulateurs prennent des mesures positives. Nous sommes reconnaissants au Conseil européen d'avoir insisté sur une dérogation à la règle d'utilisation des créneaux horaires pour toute la saison. Cela permettra aux compagnies aériennes et aux aéroports de bénéficier d'une plus grande souplesse pour cette saison et d'une plus grande certitude pour l'été prochain. Mais il reste encore beaucoup à faire sur le plan réglementaire. Des modifications sont nécessaires de toute urgence pour donner plus de flexibilité à l'UE 261. Et ils doivent prendre des mesures pour que le fret aérien continue de circuler », déclarait Rafael Schvartzman, vice-président régional de l'IATA pour l'Europe.

Différents acteurs du secteur et deux associations de défense, à savoir l'Association des compagnies aériennes des régions européennes (European Regions Airline Association, ERA) et l’Airlines for Europe (A4E) se sont également regroupés à travers une lettre ouverte envoyée ministre européen des transports. La missive collective appelle ainsi à la mise en place de mesures complémentaires et davantage flexibles pour assurer la pérennité des entreprises d’ici la fin de la crise, notamment la permission de donner des avoirs plutôt que le remboursement des vols, solution qui n’est pas autorisée par la Commission Européenne actuellement.

Du côté des compagnies aériennes de l’Hexagone, les acteurs estiment à juillet le retour à un niveau « normal » de la demande.

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