Louis de Vilmorin, Managing Director WellWays SA : Dans le luxe le Spa doit être justifié

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Publié le 29/01/25 - Mis à jour le 29/01/25

Louis

Louis de Vilmorin a été Directeur International des Instituts et Spas Guerlain, supervisant leur développement dans les hôtels de luxe. Sous sa direction, Guerlain a ouvert une quinzaine de spas au sein d'établissements prestigieux, renforçant ainsi sa présence dans le secteur du bien-être. Après son expérience chez Guerlain, il a cofondé Wellways, une agence de conseil spécialisée dans l'optimisation du bien-être en hôtellerie.

Doit-on considérer que tout établissement de luxe se doit, impérativement désormais, d’avoir une offre de wellness ?
Je ne suis pas tout à fait en ligne avec une telle affirmation ça parce que je pense que on oublie souvent le client. Pourquoi vient-il dans cet hôtel ? Qu'est-ce qu'il y cherche ? Beaucoup d’hôtels 5 étoiles sont extrêmement rentables parce qu'ils ne possèdent pas ce genre d'offres complémentaires parce qu'ils n'en ont pas besoin pour leurs clients, et pqrce que leur modèle économique n'intègre pas cette dimension. Soyons clair, en termes de rentabilité, il est difficile de faire contribuer un spa à la marge positive. Il doit avoir un très haut taux de remplissage et une très bonne équipe de gestion. Je ne dis pas que c’est impossible, mais est-ce impératif si les clients n’en sont pas friands et qu’ils ne viennent pas pour ça.

Qu’est-ce qui doit justifier cette présence ? Est-ce davantage pertinent si l’hôtel a une vocation resort ?

Ma réponse est qu’il faut, au préalable, réaliser une étude de marché sur le produit que l’on veut proposer. La réponse facile serait, oui, la présence d'un spa, c'est toujours mieux parce que c'est un service supplémentaire offert qui correspond à l'air du temps. Pour mémoire, si 60% des hôtels 5% ont un spa, 40% n’en ont pas et ne s’en portent pas forcément plus mal.

Est-ce parce qu’ils ne sont pas dans l’air du temps ou est-ce un choix délibéré ?

Je pense que c'est un choix délibéré. Dans l’hôtellerie de luxe, il faut investir probablement entre 10 et 20 millions pour un spa digne de ce nom. Même si je suis convaincu du bien-fondé d'un Spa hôtelier, je peux comprendre que les modèles économiques doivent privilégier le rendement des capitaux. Cela dépend aussi beaucoup de la stratégie d’ouverture, ou non, vers la clientèle locale à travers la notion de membership, qui est très importante dans la rentabilité. Sans le bénéfice d'une clientèle extérieure, il est beaucoup plus difficile d’être rentable.

dv

Comme pour les antibiotiques, le choix du spa n’est pas automatique été doit être justifié par une étude de marché….

J’ai effectivement vu beaucoup de réalisations qui sont le résultat d’un travail d’architecte, qui a séduit le propriétaire, associé à un vendeur d’équipements qui veut installer ses machines, sans que cela correspondent à la demande effective.

Peut-on aussi parler d’effets de mode ou de tendances dans la programmation d’un spa ?

Au-delà même du spa, il y a une tendance lourde, vraiment de fond, qui affecte tout l’univers hôtelier qui tourne autour du développement durable. Cela touche la construction aussi bien que les opérations, le personnel aussi bien que la clientèle. Dans le développement durable, il y a une notion de bien-être et de ressourcement qui se diffuse largement. Et d’ailleurs, le vocabulaire change on parle davantage de wellness que de spa. Cela élargit davantage la thématique. C’est plus un concept qu’un produit dans lequel on va trouver aussi bien de la détente et du soin traditionnel que de la recherche d’un bien-être émotionnel. Le wellness trouve aussi des traductions dans la restauration. Dans le même esprit, la tendance se prolonge jusqu’à la recherche de la longévité. Quitte à vieillir, autant vieillir mieux.

On parle beaucoup d’automatisation, de l’intervention de de la technologie, de l'intelligence artificielle dans la vie quotidienne ? Sûrement oui, mais en contrepartie le contact humain, la relation humaine va reprendre de l’importance et profiter au wellness où elle va pouvoir s’exprimer.

Dans l’évolution du spa, du wellness au sens large, qu’elle est, doit-être, la relation avec les marques ?

Venant moi-même de l'univers de LVMH et de la marque Guerlain dont j’ai dirigé les spas, je trouve naturellement que l’association est formidable. A une nuance près : si la marque est sincère, il y a indéniablement du win win. Les gestionnaires de spas n’ont pas la science infuse sur toutes les technologies de wellness, et certaines marques, comme Guerlain pour ne citer qu'elle, sont probablement le meilleur soutien pour les hôteliers parce qu’elles apportent du savoir-faire, des formations, une expérience, des rituels aussi. Ce sont des éléments que l'hôtellerie n'est pas censée maîtriser complètement.

Par ailleurs, les marques doivent apporter la dimension « retail » qui génère des marges fois deux alors qu'un soin arrive à payer juste l'esthéticienne. Oui, trois fois oui, aux partenariats qui peuvent s’exprimer de toutes les formes, exclusives ou pas, avec un système de royalties familier à l’hôtellerie, qui paie une marque et un service. Ce n'est pas juste pour un label sur une façade, c'est pour la dimension marketing.

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Spa Guerlain au Beau Rivage Palace de Lausanne

Ces deux univers de l’hôtellerie de luxe et du wellness sont-ils assez proches l’un de l’autre ?

C'est une question essentielle, mal résolue. Je dirais même que c'est un désastre au niveau macro. Il y a encore peu de directeurs généraux qui intègrent véritablement le wellness comme un élément constitutif de leur offre, notamment pour devenir une destination. Ils ne sont pas formés au business du spa qui est de nature différente de l’hébergement ou de la restauration. Je regrette qu’une école comme l’EHL de Lausanne, N°1 en Europe, si ce n’est dans le monde, ne soit pas très visionnaire pour intégrer la dimension de management du spa dans le cursus. Il y a bien quelques interventions mais pas du niveau nécessaire. Le recrutement des managers devrait se faire en école hôtelière.

L’évolution de l'offre de luxe, qui s’appuie beaucoup sur l’élément wellness pour se développer, va peut-être changer un petit peu les choses ?

Je suis dubitatif. Ce l’a fait au bas mot 25 ans que le wellness est entré dans le monde de l'hôtellerie. Si les grands groupes américains ont bien intégré le département avec des Wellness directors, la notion n'est pas sublimée. J’aimerais enfin voir une vraie volonté d'intégrer ce management dans les fonctions hôtelières.

 

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