Opérations

plus

Besançon, un bel écrin en mal de touristes

14 min de lecture

Publié le 07/07/09 - Mis à jour le 17/03/22

• La politique touristique de Besançon est à l’image du pays tout entier. Quand le tourisme n’est pas placé au centre des préoccupations politiques, il n’a pas les moyens suffisants pour s’épanouir pleinement. • Ainsi, Besançon, lovée dans son " quartier de la Boucle ", n’en finit pas de se refermer sur elle-même, quitte à se faire damer le point pas des destinations bien moins attractives. • Pourtant, la ville a de multiples cartes à jouer pour faire décoller son économie touristique. Un développement, dont les fortifications Vauban, classées il y a seulement un an au Patrimoine mondial de l’Unesco peuvent être le tremplin idéal.

Directeur du tourisme de l’île de la Réunion de 1985 à 1989, puis Directeur du tourisme du Var pendant vingt ans, de 1989 à 2009, Gilles Dreydemy a repris les rênes de la Direction de l’Office de tourisme et des Congrès de Besançon depuis mars dernier. Le chantier est vaste. Car, pareille à une belle fille qui n’aurait pas conscience de ses charmes, la capitale franc-comtoise n’a jamais vraiment pris la mesure de ses potentialités touristiques.Notre hôtel est situé en plein centre-ville de Besançon, au bord du Doubs, face au parc Micaud dans les jardins du casino. Cet emplacement ainsi que notre offre en espaces de réunion nous permettent de jouer sur les deux tableaux : l’Affaires (65% de la fréquentation) et le Loisirs. Sur ce segment, nous travaillons principalement avec la clientèle individuelle. Les groupes sont difficiles à accueillir à Besançon intra muros. Les tours opérateurs hésitent en effet à venir dans le centre, car la ville reste difficile d’accès et possède peu de parkings. C’est dommage, car la capitale franc-comtoise a de nombreux atouts à mettre en valeur : sa qualité de vie, son emplacement géographique exceptionnel, son accès rapide par TGV (en 2h30), réduit même à 2h à l’horizon 2012 avec l’arrivée de la LGV Rhin-Rhône. Mais voilà, Besançon n’a pas encore pris la mesure suffisante de ses potentialités touristiques. Le jour où ce secteur sera mis au centre des préoccupations de la ville, au même titre que les microtechniques, peut-être alors connaîtrons-nous le développement touristique d’une ville comme Nancy qui a su renouveler avec succès son image. Besançon manque de vie, d’évènements structurants et d’un centre des congrès en plein centre-ville pour asseoir sa notoriété. Il faut que la cité bisontine se donne les moyens de son développement en privilégiant les objectifs mesurables.Pourtant, tout est à portée de main. Le patrimoine, notamment, y est unique. Les innombrables fontaines sculptées, le Palais Granvelle, le Musée du Temps, l’Horloge Astronomique, le Musée des Beaux Arts et de l’Archéologie, et bien sûr les fortifications Vauban (enceinte urbaine et Citadelle), qui depuis l’année dernière font partie du Patrimoine mondial de l’Unesco, composent un ensemble patrimonial et muséal de tout premier ordre. Connue également pour ses actions envers la protection de l’environnement, Besançon a su par ailleurs se hisser au rang de première Ville verte de France.“Besançon est une ville très belle, très attachante. C’est aussi une ville jeune avec un tissu universitaire dense et varié qui lui donne un certain dynamisme”, note Gilles Dreydemy.Agréable à vivre, elle l’est aussi à visiter. Mais pour y séjourner, les touristes se montrent plus frileux. La durée de séjour moyen n’est en effet que de 1,4 jour. “Il faudrait créer davantage d’évènements culturels ou touristiques propres à capter les visiteurs de passage pendant quelques jours, à l’image de Rouen et son Armada ou encore de Carhaix et son Festival des Vieilles Charrues. Des touristes qui ne viendront pas seulement des régions environnantes, comme c’est plutôt le cas actuellement, mais également de toute la France et même de plus loin”. La cité bisontine a bien son festival des jeunes chefs d’orchestre en septembre, mais l’événement, quoique à rayonnement international, ne concerne guère qu’un public d’initiés.Justement, là est l’objectif : transformer la ville en une véritable destination. Le changement ne se fera pas à coups de projets révolutionnaires. Les mentalités bisontines sont à l’image des fameuses horloges de la ville, complexes et difficiles à manier. Mais les rouages les plus compliqués sont aussi les plus tenaces et durables et la capitale des microtechniques a plus d’un tour dans son sac. “Le tout est de fédérer toutes les bonnes volontés”, insiste Gilles Dreydemy.“ Les pouvoirs publics, mais aussi les hébergeurs, les restaurateurs, les commerçants, en somme tous les acteurs de la vie touristique et culturelle car, en zone urbaine, vous pouvez avoir le plus bel hôtel du monde, s’il n’est pas dans un environnement attractif, vivant, ludique, il ne satisfera pas complètement la clientèle. L’offre touristique n’est viable que si elle est globale”. Pour être réellement attractifs, les produits du tourisme urbain doivent aussi pouvoir se démarquer de l’offre concurrentielle. “Il est important, tout en misant sur la qualité, de prendre le contre-pied de ce qui se fait ailleurs”. Et Gilles Dreydemy de poursuivre en prenant l’exemple des marchés de Noël. “Chaque année, Besançon organise un marché pendant les fêtes de fin d’année. Pourquoi ne pas proposer un événement réellement différenciant, un projet singulier propre à la ville et non une pâle copie des marchés alsaciens qui ont pour eux la tradition ”.Or, que faire lorsque l’on a ne serait-ce que seulement 60 000 euros de budget pour sa communication (150 000 € de budget consolidé)? Si le Directeur de l’Office de tourisme a déjà une idée sur l’orientation qu’il souhaite donner au développement touristique de Besançon, il sait néanmoins qu’il lui faudra d’abord convaincre les autorités, mais aussi les habitants, du bien-fondé de ses ambitions. “Nous sommes dans une période de réflexion. Nous devons avant tout réfléchir aux objectifs précis vers lesquels s’orienter et aux moyens à mettre en œuvre pour y parvenir”.Pour cela, Gilles Dreydemy compte mettre en place un véritable schéma de développement touristique. “Pour que notre stratégie réussisse, il faut tout d’abord qu’elle s’appuie sur une commande très claire des élus : quel tourisme veulent-ils pour Besançon et, au delà, pour toute l’agglomération ? C’est primordial. Ensuite, il faut pour bâtir quelque chose de cohérent, et comme je l’ai dit plus haut, que tous les acteurs touristiques se sentent concernés et soient consultés. Enfin, et c’est le nerf de la guerre, des moyens à la mesure de nos ambitions”. Le Directeur de l’Office de tourisme sait néanmoins se montrer mesuré. “Nous devons proposer des idées à la fois fortes mais concrètes afin que nos objectifs puissent être atteignables dans un laps de temps raisonnable. Je suis partisan d’adopter un plan glissant, établi à 5 ans et que l’on pourra faire évoluer progressivement en fonction des nouveaux objectifs et des changements de comportement de la clientèle touristique”.Quoi qu’il en soit, si grands changements il y a, ils n’apparaîtront pas avant la rentrée prochaine. Pour le moment, l’heure est à l’accueil des estivants. Si l’Office de tourisme est facile d’accès pour les automobilistes, en revanche pour les piétons, il reste tout de même assez excentré. Ainsi, depuis le 1er juillet, trois nouvelles antennes ont été déployées : à l’Hôtel de ville, mais aussi sur le parking de Chamars, point d’entrée des touristes de groupes et siège des départs de navette pour la visite de la Citadelle Vauban. Cette dernière a également été investie avec une représentation de l’Office de tourisme installée dans le corps de garde. “Il faut que Besançon devienne la championne de l’accueil. Nous allons d’ailleurs beaucoup travailler sur ce point”, souligne Gilles Dreydemy. Ainsi, dès cet été également, des brigades de jeunes à vélo seront déployées à des points stratégiques : à la sortie de la gare SNCF, en montant vers la Citadelle, devant l’hôtel de ville… “Elles auront deux fonctions : d’une part améliorer l’accueil dans la ville, en informant et guidant les touristes, d’autre part, recueillir des informations sur les origines des visiteurs, sur la nature de leurs besoins, leurs motivations : des données qui nous manquent cruellement pour mesurer réellement le poids économique du tourisme sur la ville. Si cette opération marche bien, nous la renouvèlerons à d’autres périodes de l’année, sur les ponts de mai par exemple où pendant les congés de Noël et de Pâques”.L’Office de tourisme vient également de lancer un nouveau produit : le Visi Pass. “Il permet de visiter trois sites - la Citadelle de Besançon et ses musées, le Musée du temps et le Musée des Beaux Arts et de l’Archéologie tout en bénéficiant de réduction chez les commerçants affiliés”.Et l’hôtellerie? Elle est un peu à l’image de l’attractivité touristique de la ville : en mal de reconnaissance. Peu sollicités jusqu’à présent, les professionnels de l’hébergement devraient être plus écoutés à l’avenir. C’est du moins la promesse du nouveau directeur de l’Office de tourisme et des congrès. Là encore, on attend un sursaut des pouvoirs publics. Les hôteliers du centre historique se plaignent du manque de places de stationnement. Et que dire du palais des congrès, trop excentré à leur goût, et peut-être aussi à celui des visiteurs ? Des pistes sont ouvertes, comme l’hypothétique transformation de l’Hôpital Saint Jacques, petit bijou patrimonial, en un centre des congrès en plein cœur de ville. Mais, qui dit changement dit investissements. La ville de Besançon a-t-elle les moyens de ses ambitions ? Les instances politiques sont-elles prêtes à prendre quelques risques financiers pour faire décoller la machine touristique ? Le projet du tramway, dont la mise en place est prévue pour 2014 et le coût estimé à 235 millions d’euros, prouve que là où il y a une vraie volonté politique, les projets peuvent fleurir… Hébergement hôtelier : Un petit parc en développementAvec seulement 9 établissements situés dans Besançon intra muros et 30 dans toute l’agglomération, le parc hôtelier bisontin est tout sauf en surcapacité. Depuis quelques années, le nombre de chambres n’a cessé de baisser. En tout, une centaine d’unités a ainsi disparu des statistiques hôtelières, principalement dans le moyen de gamme. Le parc est en effet composé à plus de 80% d’hôtels de catégorie économique, soit 414 chambres en 0-1* et 747 en 2 étoiles (source : chiffres MKG).Ainsi avec 18,6% de la capacité totale, les hôtels 3 étoiles restent minoritaires, quant aux établissements 4 étoiles, ils sont tout simplement absents du paysage hôtelier bisontin. Si les pouvoirs publics avaient un temps songé à la construction d’un hôtel haut de gamme, le projet n’est aujourd’hui plus vraiment d’actualité. Après une période de repli, une centaine de nouvelles chambres devraient néanmoins voir le jour dans les prochains mois, principalement des projets d’extension."L’hôtel Florel, un Logis de France 2 étoiles de 30 chambres, va quasiment doubler sa capacité après le rachat d’un bâtiment adjacent, l’Hôtel de Paris (55 chambres) va passer en 3 étoiles après des rénovations importantes et l’hôtel Charles Quint qui vient de faire l’acquisition du Couvent des Clarisses va aménager 24 chambres supplémentaires en 3 étoiles supérieures ", développe Gilles Dreydemy, le Directeur de l'Office de Tourisme et des Congrès. Seule une création pure va voir le jour : le All Suites Hôtel (photo), un établissement de 61 chambres de catégorie deux étoiles. Cet hôtel-restaurant de la chaîne " All Suites Home ", nouveau réseau hôtelier développé par le groupe bordelais Patrice Pichet en partenariat avec Jean-Pierre Papin devrait sortir de terre à la fin de l’année 2009 sur la technopole TEMIS. Il permettra de répondre aux besoins croissants des entreprises de cette zone industrielle de 74 hectares spécialisée dans les activités microtechnique et micromédicale.Pour Gilles Dreydemy, les hôteliers font partie des forces vives du tourisme bisontin. " Ils doivent être consultés. A nous, pouvoirs publics, de créer les conditions d’une vraie concertation. J’ai d’ailleurs l’intention de mettre en place une vraie consultation basée sur une démarche participative où chacun pourra faire part de ses propositions. C’est en favorisant l’échange avec les professionnels de l’hébergement que nous pourrons vraiment améliorer la qualité de l’accueil et de nos prestations. Besançon a besoin de toutes les bonnes volontés ".Fabrice Lipinski, Directeur du Novotel et co-président du club hôtelier bisontin Le marché touristique bisontin est plutôt difficile. Le segment Affaires n’est pas assez développé, que ce soit sur les gros volumes (congrès, conventions) ou sur la clientèle individuelle. De plus, il se concentre davantage sur l’hôtellerie deux étoiles. Il faut dire que le tissu industriel de l’agglomération bisontine est avant tout constitué de petites PME de pointe, la plupart concentrées sur le secteur des microtechniques. Sur le loisirs, la ville n’a encore pas réellement pris conscience de ses potentialités. Pourtant, le tourisme fortifié par le classement récent des fortifications Vauban au Patrimoine mondial de l’Unesco peut être un excellent levier de développement pour la ville. Besançon est une ville encore trop discrète. Il faut la faire vivre, imaginer de nouveaux évènements, communiquer sur ses atouts, y compris à l’international. Pour l’été, la Direction de l’Office du tourisme et des congrès a mis en place une opération dynamique pour mieux accueillir les visiteurs. L’accueil doit être au cœur de notre politique. C’est d’ailleurs le message que je fais passer aux membres du club hôtelier : continuons à faire de la qualité, à prendre soin de nos clients, à les orienter vers ce qui fait la richesse de notre ville. Pour le moment, avec la crise, tout devient plus compliqué. Mais nous devons rester vigilants et imaginatifs. Au Novotel, nous avons des touristes étrangers, principalement du nord de l’Europe, que nous essayons de capter au maximum, en les invitant à rester un jour de plus pour découvrir les charmes, restées trop secrets, de la capitale franc-comtoise.Franck Terazza, Directeur Campanile : Besançon Ouest, Châteaufarine Du fait de notre situation sur la ZAC de Châteaufarine, nous travaillons presque essentiellement avec la clientèle d’affaires individuels. Si le début d’année a plutôt été satisfaisant grâce aux nuitées générées par l’extension de la galerie marchande du Géant Casino nous faisant face, en revanche depuis avril nous connaissons une sérieuse baisse d’activité. Les séjours des commerciaux se sont réduits. Désormais ils ne restent que deux nuits, contre trois en moyenne auparavant. Notre clientèle en séjour à l’hôtel plébiscite notre offre de restauration. C'est souvent un élément déterminant de leur choix d'hôtel. En revanche, nous constatons une baisse du nombre des clients de proximité, notamment le midi, en raison de la réduction du temps consacré aux pauses déjeuners et au boom de la restauration rapide.Jean-Jacques Visse, Directeur du Mercure Besançon Parc Micaud Notre hôtel est situé en plein centre-ville de Besançon, au bord du Doubs, face au parc Micaud dans les jardins du casino. Cet emplacement ainsi que notre offre en espaces de réunion nous permettent de jouer sur les deux tableaux : l’Affaires (65% de la fréquentation) et le Loisirs. Sur ce segment, nous travaillons principalement avec la clientèle individuelle. Les groupes sont difficiles à accueillir à Besançon intra muros. Les tours opérateurs hésitent en effet à venir dans le centre, car la ville reste difficile d’accès et possède peu de parkings. C’est dommage, car la capitale franc-comtoise a de nombreux atouts à mettre en valeur : sa qualité de vie, son emplacement géographique exceptionnel, son accès rapide par TGV (en 2h30), réduit même à 2h à l’horizon 2012 avec l’arrivée de la LGV Rhin-Rhône. Mais voilà, Besançon n’a pas encore pris la mesure suffisante de ses potentialités touristiques. Le jour où ce secteur sera mis au centre des préoccupations de la ville, au même titre que les microtechniques, peut-être alors connaîtrons-nous le développement touristique d’une ville comme Nancy qui a su renouveler avec succès son image. Besançon manque de vie, d’évènements structurants et d’un centre des congrès en plein centre-ville pour asseoir sa notoriété. Il faut que la cité bisontine se donne les moyens de son développement en privilégiant les objectifs mesurables.

Pour aller plus loin

Chaque semaine, l’équipe HON vous apporte un regard expert sur le monde de l’hospitalité. En devenant membre, vous aurez accès à un écosystème complet : contenu exclusif, emploi, etc.

DEVENIR MEMBRE

Inscrivez-vous pour ajouter des thèmes en favoris. Inscrivez-vous pour ajouter des catégories en favoris. Inscrivez-vous pour ajouter des articles en favoris. Connectez-vous gratuitement pour voter pour la candidature.

Déjà inscrit ? Déjà inscrit ? Déjà inscrit ? Déjà inscrit ?