
• Les Etats généraux de la Restauration française du 28 avril dernier à Bercy ont été l'occasion de concrétiser ce qui filtrait chaque jour un peu plus sur le contrat gagnant gagnant entre l'Etat et les professionnels : 2 milliards rendus aux restaurateurs mais avec des contreparties. • Après dix ans d'attente, le processus est accéléré : la baisse de la TVA sur la restauration assise entrera en vigueur au 1er juillet prochain, selon l'arbitrage du Président de la République. Les engagements de la profession sont scellés dans un document en quatre chapitres : prix, recrutement, salaires, investissement. • Malgré les réticences manifestées chaque jour un peu plus sur le terrain devant la difficulté de faire tourner les restaurants en ce moment, Bercy veut croire que les syndicats feront respecter les engagements. Le comité de suivi dira au bout des six premiers mois si la confiance a été trahie et si le fisc doit trouver des mesures coercitives.
Devant les représentants de 9 organisations patronales(1) et les personnalités qualifiées du secteur, Hervé Novelli, secrétaire d'Etat au Commerce, à l'Artisanat, au Tourisme et aux Services, a insisté sur l'effort consenti par l'Etat qui va se priver de 2,650 milliards de recettes fiscales (en année pleine) en baissant la TVA sur la restauration assise de 19,6% à 5,5 % (à l'exception des boissons alcoolisées qui restent taxées à 19,6%). Il va récupérer environ 650 millions d'euros des aides à l'emploi qui ne seront plus versées. Cet effort fiscal net de 2 milliards d'euros n'est pas seulement une promesse électorale qui se devait d'être honorée, c'est l'occasion pour l'Etat de stimuler la consommation, l'emploi et l'investissement en demandant aux restaurateurs de faire un geste significatif dans ces trois directions.(1) CPIH, Fagiht, GNC, Snelac, SNARR, SNRPO, SNRTC, Synhorcat et Umih _ (2) Entrée, plat chaud, plat du jour, dessert, menu entrée-plat, menu plat-dessert, menu enfant, jus de fruit ou soda, eau minérale, café, thé ou infusion.Au-delà de la grand-messe qui s'est tenue à Bercy, autour de tables rondes thématiques sur le consommateur, les produits, les entrepreneurs et leur personnel, Christine Lagarde et Hervé Novelli attendaient des 8 présidents d'organisations professionnelles qu'ils s'engagent pour tous leurs adhérents. Un “contrat d'avenir” est fixé sur trois ans, assorti de la mise en place d'un comité de suivi, qui fera son rapport tous les six mois sur la concrétisation des engagements pris par les syndicats représentatifs. Il comporte quatre volets avec, pour chacun, des objectifs chiffrés ou des modalités précises : baisse de prix au consommateur, création d'emplois, augmentation des salaires et modernisation de l'outil de travail.Pour les restaurateurs traditionnels, Hervé Novelli demande qu'ils fassent leur choix de 7 produits types parmi une liste de 10 (2) et qu'ils y appliquent une baisse d'au moins 12 % (effet mécanique intégral du passage de 19,6 à 5%). Les cafetiers auront le choix entre le café, le thé ou une boisson fraîche et dans la restauration rapide, concernée uniquement par la consommation assise, une baisse d'au moins 5 % est attendue sur un menu phare de l'enseigne. Cette baisse devra être annoncée de façon claire et identifiée comme un geste dû à la baisse de TVA. Un panonceau vitrophanie signalera que l'établissement suit les engagements de la profession.Globalement, l'Etat compte aussi sur un effort de recrutement de l'ensemble des entreprises du secteur, petites et grandes, sur une période de deux ans. 20 000 emplois pérennes en CDI sont attendus, complétés par la présence de 20 000 apprentis supplémentaires, en formation en alternance ou en contrat de professionnalisation. Les entreprises s'engagent aussi à développer la pratique du tutorat pour faciliter l'intégration des jeunes dans le circuit professionnel.Par ailleurs, les organisations patronales s'engagent à reprendre les négociations avec les centrales syndicales salariées pour améliorer les conditions de travail des salariés. Les négociations doivent porter sur la grille de salaires, la formation et la protection sociale. Les discussions doivent aboutir avant la fin de l'année 2009. Elles sont assorties d'une volonté publique de lutter contre le travail illégal et une amélioration de la sécurité au travail.Le secrétaire d'Etat en charge du Tourisme veut profiter de l'occasion pour inciter les restaurateurs à se transformer, à investir dans la sécurité et l'hygiène de leur cuisine, dans le décor de l'établissement et l'accueil des clients, et dans les outils de gestion, notamment en informatique. Il est prêt à accompagner cet effort puisqu'il négocie avec Oseo et le soutien de la Caisse des Dépôts la création de prêts participatifs (quasi-fonds propres sans garanties exigées) à taux bonifiés, dans la lignée des PPRH instaurés pour la rénovation hôtelière. “Nous voulons amorcer et soutenir un mouvement d'investissement qui représenterait 1 milliard d'euros de prêts sur 3 ans”, évoque le Secrétaire d'Etat.Il n'en reste pas moins que ces engagements, paraphés par les organisations patronales, sont soumis à leur bonne application des entreprises sur le terrain. D'ores et déjà des mouvements de protestations remontent vers les sièges des syndicats, les accusant de leur faire perdre tout le bénéfice de la baisse au profit des consommateurs et des employés, alors que ce ballon d'oxygène était attendu pour traverser la crise sans trop de casse. Qu'adviendra-t-il si les francs-tireurs sont trop nombreux et que les résultats ne sont pas à l'appel ? “Je ne veux même pas y croire”, tempère Hervé Novelli. “Le seul jeu de la concurrence, quand un grand nombre d'établissements vont jouer la carte de la baisse et le faire savoir avec l'affichette apposée sur leur devanture, ferait sortir les récalcitrants du marché. Nous avons signé un contrat de confiance. Pour autant, le comité de suivi fera son rapport tous les six mois. Un relevé des prix a été opéré dans des milliers d'établissements par la DGCCRF qui servira de référence pour mesurer l'effort de la profession. S'il s'avère que trop de monde ne joue pas le jeu, vous pouvez faire confiance à l'administration fiscale pour trouver une réponse appropriée”.La menace est voilée mais effective. Déjà Christine Lagarde avait annoncé que si l'Etat s'engageait sur le taux réduit dans le cadre d'un contrat, elle se sentirait déliée de cette obligation si la contrepartie n'était pas honorée et que le taux pouvait changer. L'heure est plutôt à la satisfaction générale, alimentée par la relative surprise d'une application avancée à l'été 2009. Hervé Novelli entreprend un nouveau tour de France pour porter la bonne parole dans les régions et apposer les premières vitrophanies dans les restaurants pilotes. Il compte aussi faire du 28 avril une fête nationale de la Restauration à l’instar de la Fête de la Musique.(1) CPIH, Fagiht, GNC, Snelac, SNARR, SNRPO, SNRTC, Synhorcat et Umih _ (2) Entrée, plat chaud, plat du jour, dessert, menu entrée-plat, menu plat-dessert, menu enfant, jus de fruit ou soda, eau minérale, café, thé ou infusion.