Soyons réalistes, “en février dernier, ce n’est pas le tourisme d’agrément, mais un événement sportif qui a permis à la ville d’augmenter sa fréquentation”, explique Joëlle Bonnet, directrice de l’Office du tourisme d’Albi. “Nous avons accueilli le Championnat de France de tir, du 7 au 12 du mois. Près de 2 500 participants et de 7 000 à 8 000 spectateurs et accompagnants ont séjourné ici à cette occasion, remplissant les hôtels en cette période habituellement calme. Mais la ville s’était déjà inscrite dans une dynamique positive depuis le mois d’août dernier” précise-t-elle. En effet, le 31 juillet la Cité épiscopale d’Albi a été inscrite au Patrimoine mondial de l’Humanité. Elle est ainsi devenue le 34e site français inscrit par l’Unesco sur cette prestigieuse liste. Le périmètre inscrit s’étend sur 19,5 ha. Il comprend notamment la cathédrale Sainte-Cécile, symbole monumental le plus remarquable, le palais de la Berbie qui abrite le musée Toulouse-Lautrec, l’église Saint-Salvi et son cloître, le Pont-vieux et une partie des berges du Tarn. Dans ce périmètre, plusieurs édifices sont classés ou inscrits aux monuments historiques. Des atouts qui attiraient déjà de nombreux visiteurs. Joëlle Bonnet le confirme : “Albi, grâce à son patrimoine, attire depuis longtemps une clientèle d’agrément, notamment entre Pâques et la Toussaint. Les touristes sont à 60% français. La clientèle étrangère est composée d’Espagnols, puis d’Anglais, de Belges, d’Allemands et de Néerlandais. Tous se déplacent pour notre patrimoine, et plus généralement pour notre culture et notre art de vivre et notre gastronomie. Grâce au musée, le fer de lance de notre communication internationale, nous accueillons aussi depuis bien des années des touristes des Etats-Unis et d’Asie du Sud, surtout japonais". Et depuis juillet, le trafic augmente. Le musée a vu croître sa fréquentation de 16%, et la cathédrale de 10%. Et en ce début d’année, l’impact est encore marqué.Alexandre Cazajous, hôtel Ibis et Etap Hotel Albi Centre "Nous avons ouvert en 2006. Les deux enseignes sont installées dans un bâtiment siamois. L’Ibis propose 60 chambres et l’Etap Hotel 44. Notre clientèle vient pour le tourisme en été, et pour affaires le reste de l’année. Le tissu économique local est très modeste. Mais le tourisme d’affaires se développe tout de même. Toutefois, il sera toujours limité. Nous sommes très proches de Toulouse et vu la taille de la ville, bien moins concurrentiels qu’elle. Quant au tourisme d’agrément, il est en pleine expansion depuis l’inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco qui a eu lieu en juillet. Le coup de projecteur que nous a apporté ce classement est extrêmement positif. De nombreux articles sont parus dans la presse, des spots ont été diffusés à la radio et même à la télévision… Nous qui avions une saisonnalité très marquée et des hivers difficiles, nous voyons maintenant des touristes en dehors de la période habituelle. J’espère vraiment que l’on ressentira les bénéfices de ce classement sur le long terme. Mais pour développer davantage la destination, je pense qu’il faudrait améliorer encore notre accessibilité. Nous avons déjà une nouvelle autoroute vers Toulouse, ouverte il y a environ deux ans. L’idéal serait de la prolonger, vers Rodez ou même Paris. Ainsi, nous pourrions devenir une ville étape. Car aujourd’hui, on ne passe à Albi que si c’est là qu’on avait l’intention d’aller.”“Seulement, même si les TO des hôtels augmentent eux aussi, ils progressent moins que la fréquentation car de nombreux visiteurs ne séjournent pas dans la ville”, explique la directrice de l’Office du tourisme. “De plus, les hôtels ont des résultats très variables. Leur fréquentation dépend beaucoup de leur emplacement. Les hôtels 2, 3 étoiles jouissant d’une vue sur le périmètre Unesco et la vieille ville fonctionnent mieux que les autres. Tout comme les hôtels économiques installés sur la Rocade. C’est en tout cas ce que certains experts nous affirment. Certains hôtels indépendants semblent vieillissants, et l’arrivée de nouveaux établissements pourrait apporter un coup de frais à notre parc. Or, depuis l’inscription au Patrimoine mondial, quelques projets sont à l’étude, dont l’un assez important, qui serait à la fois un hôtel, une résidence et un restaurant, installé dans un ancien château".En attendant, la ville fait des efforts pour accompagner le développement touristique. “Les horaires d’ouverture seront élargis à l’Office et au musée… Et un second point d’information, destiné aux personnes à mobilité réduite, verra le jour. Des visites audio-guidées en français, anglais et espagnol ont été conçues pour permettre des visites en permanence. Enfin, des produits touristiques destinés aux familles et aux enfants seront plus nombreux cet été”, explique Joëlle Bonnet.“Et la ville ne pense pas qu’à son tourisme d’agrément. Les hôteliers travaillent grâce au tourisme d’affaires généré par les déplacements professionnels. A l’avenir nous devrions développer cette dernière activité grâce à la création du "grand théâtre" au cœur de la ville dont l’ouverture est prévue début 2011”. Il proposera deux nouvelles salles de 250 places et une de 900 places. “Même si la vocation de ces bâtiments n’est pas exclusivement tournée vers le tourisme d’affaires, les congrès et les séminaires devraient bénéficier d’un outil tout à fait adapté”.Thierry Lafond, président de la branche hôtellerie de l’Umih du Tarn, lui, s’interroge encore sur l’intérêt de ce théâtre pour le tourisme d’affaire. “Le projet de la ville de construire une grande salle de concert avec un complexe de salles de cinéma est positif. Si la programmation est bonne, cela pourrait attirer de nouveaux touristes. Mais les hôteliers n’ont pas encore vu les plans définitifs. Et nous savons que ce genre d’infrastructure n’est généralement pas bien adapté pour recevoir des congrès ou des séminaires. Mais si ces nouveaux équipements tiennent aussi compte des besoins spécifiques des organisateurs de congrès, nous ne pourrons que nous féliciter de cette réalisation”. Thierry Lafond, président de la branche hôtellerie de l’Umih du Tarn et propriétaire exploitant du Mercure d’Albi Le parc hôtelier albigeois a-t-il constaté un «effet Unesco», en termes de fréquentation, depuis l’inscription de la citée épiscopale au Patrimoine mondial ? En 2010, la ville d’Albi a réalisé plus de 51% en taux d’occupation pour ses 24 hôtels, selon les données Insee. Donc plus qu’en 2009, avec 49,5% environ. Oui, nous avons senti l’effet Unesco, mais surtout sur les mois d’août et septembre, période déjà traditionnellement chargée. Et puis il y avait un décalage entre la réalité des rues, des commerçants, des monuments visités et celle des hôteliers. En effet, beaucoup de touristes, déjà en vacances à proximité, sont venus découvrir le nouveau site classé. La fréquentation a donc été boostée. Mais la plupart n’ont pas dormi ici. Les TO, eux, n’ont pas progressé de manière spectaculaire. Mais nous le savions. Nous nous doutions bien que ce classement ne changerait pas la donne du jour au lendemain. Mais nous espérons bien qu’à terme, cela permettra à la ville de recevoir davantage de touristes !Pensez-vous que le parc hôtelier actuel suffise à accompagner ce dynamisme ? Si l’inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco attire les touristes habitués des quelque 900 sites classés, il faudra que notre hôtellerie soit à la hauteur. Peut-être des travaux de rénovations dans certains hôtels seraient souhaitables. D’ailleurs, beaucoup se sont déjà lancés. Et puis il est possible qu’à terme, nous ayons besoin de plus de capacité en 4 ou 5 étoiles. Aujourd’hui, ces catégories ne représentent que 8% de la capacité du parc hôtelier. Ce qui correspond tout à fait à notre besoin actuel. Mais la nouvelle clientèle visée aime les produits haut de gamme. Cela ne signifie pas forcément qu’il faille construire un nouvel hôtel. Avec la nouvelle classification, des 3 et 4 étoiles albigeois vont monter en gamme. La capacité des 4 et 5 étoiles devrait donc passer à 21%. Ce qui devrait être suffisant. Du moins dans un premier temps. Pourtant, des projets sont déjà à l’étude. Depuis l’inscription au Patrimoine mondial fin juillet, on entend parler de plusieurs hôtels économiques, mais aussi d’un cinq étoiles de petite taille en centre ville. Mais rien de précis pour l’instant à ma connaissance.Si Albi souhaite attirer de nouveaux marchés grâce à son inscription, quels sont, selon vous, les progrès qui doivent être réalisés ? Les infrastructures d’accès devaient être revues pour permettre le développement de notre tourisme. De gros chantiers ont été entrepris. L’autoroute vers Toulouse est ouverte, et bientôt la rocade qui facilitera l’accès à Rodez et au Massif central sera achevée. Le doublement de la voie ferrée Toulouse - Saint Sulpice - Albi est également prévu. Aujourd’hui, elle tourne à 12 ou 13 fréquences par jour. C’est l’une des lignes simples les plus fréquentées de France. Nous pouvons donc espérer voir bientôt arriver davantage de monde par ce biais. Et puis l’aéroport de Castres est en plein essor. Puisqu’il est situé à 45 minutes d’Albi, nous ne pouvons que nous en réjouir ! D’ici deux ans, la ville sera donc bien plus accessible, et par voie de conséquence, espérons-le, plus fréquentée.Jean-François Rieux, propriétaire de l’hôtel Saint-Antoine 4*"Notre hôtel est un établissement indépendant situé à 3 minutes de la Cité épiscopale classée. Il appartient à la famille depuis 1734, soit 6 générations, sans faire partie d’aucune chaîne volontaire. Avec l’essor d’Internet, nous avons décidé de nous commercialiser seul. Notre clientèle vient plutôt pour le loisir. Ici, le tissu économique est très restreint. Albi est plutôt une ville administrative… Alors la saison touristique se concentre principalement entre Paques et la Toussaint. Mais depuis 3 ans, nous étions en difficulté. Alors je me réjouis de l’inscription de la ville au Patrimoine mondial de l’Unesco. Cet été, notre taux d’occupation a été meilleur. Mais surtout grâce à la mauvaise météo sur les côtes, qui a incité les touristes à entrer dans les terres. Bien sûr, l’effet d’annonce et le début du matraquage médiatique a également joué. Mais c’est surtout à l’avenir que nous devrions en ressentir les bénéfices de l’inscription à l’Unesco. En 2009, presque 90% des réservations faites par les tour-opérateurs avait été annulés. Et un peu moins en 2010. J’espère que cette année, les T-O n’annuleront aucune de leurs réservations ! Et je suis confiant. D’ailleurs, je viens d’investir dans des rénovations, pour rester compétitif. Et nous réfléchissons actuellement à un éventuel passage en 5 étoiles. Mais la décision n’est pas encore prise.”Hélène Arguel, directrice du Grand Hôtel d’Orléans 3* "Je pense que le tourisme à Albi a encore un énorme potentiel de développement. Le problème est que l’on a vite fait le tour de la ville… On ne peut pas fixer les gens et leur vendre davantage de nuitées. Nous devons donc absolument, pour devenir une destination à part entière, nous vendre et nous promouvoir avec d’autres villes alentour, comme un véritable territoire. J’ai d’ailleurs initié une démarche allant dans ce sens auprès la CCI, très à l’écoute de nos demandes. J’espère réussir à réunir des acteurs privés de divers villes de Midi Pyrénées pour proposer des produits touristiques très évolutifs, alliant Dali et Toulouse-Lautrec, deux peintres amoureux de la région. Mais l’offre ne sera pas que culturelle. Il y aura aussi du bien être, des randonnées, de la restauration bien sûr… Et surtout, l’humain sera remis au cœur de cette offre. Les voyageurs en ont assez du tourisme de masse. Ils veulent prendre le temps de découvrir une région également à travers ses habitants et leur savoir faire. Ils pourront découvrir avec un safranier ou un pastelier, faire une balade en calèche avec un vigneron, ou encore visiter l’exploitation et l’atelier d’un tisserand de laine angora… Et ainsi découvrir les talents cachés de notre région, et surtout, apprécier notre célèbre art de vivre autrement.”Alexandre Cazajous, hôtel Ibis et Etap Hotel Albi Centre "Nous avons ouvert en 2006. Les deux enseignes sont installées dans un bâtiment siamois. L’Ibis propose 60 chambres et l’Etap Hotel 44. Notre clientèle vient pour le tourisme en été, et pour affaires le reste de l’année. Le tissu économique local est très modeste. Mais le tourisme d’affaires se développe tout de même. Toutefois, il sera toujours limité. Nous sommes très proches de Toulouse et vu la taille de la ville, bien moins concurrentiels qu’elle. Quant au tourisme d’agrément, il est en pleine expansion depuis l’inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco qui a eu lieu en juillet. Le coup de projecteur que nous a apporté ce classement est extrêmement positif. De nombreux articles sont parus dans la presse, des spots ont été diffusés à la radio et même à la télévision… Nous qui avions une saisonnalité très marquée et des hivers difficiles, nous voyons maintenant des touristes en dehors de la période habituelle. J’espère vraiment que l’on ressentira les bénéfices de ce classement sur le long terme. Mais pour développer davantage la destination, je pense qu’il faudrait améliorer encore notre accessibilité. Nous avons déjà une nouvelle autoroute vers Toulouse, ouverte il y a environ deux ans. L’idéal serait de la prolonger, vers Rodez ou même Paris. Ainsi, nous pourrions devenir une ville étape. Car aujourd’hui, on ne passe à Albi que si c’est là qu’on avait l’intention d’aller.”
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