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Aix-les-Bains a pris le virage bien-être

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Publié le 11/01/11 - Mis à jour le 17/03/22

Ville thermale depuis l’occupation romaine, Aix-les-Bains voit s’effriter chaque année la fréquentation des curistes, menacée à terme par le déremboursement de la Sécurité sociale. La stratégie élaborée depuis 2001 vise à repositionner la ville en activant trois leviers touristiques : le bien-être et l’environnement naturel, les spectacles et les jeux, et le tourisme d’affaires. L’équipe municipale accompagne cette stratégie touristique en faisant bouger son urbanisme, partagé entre son centre urbain et son bord de lac du Bourget.

En l’espace d’une dizaine d’années, Aix-les-Bains a perdu près de la moitié de ses curistes, aujourd’hui stabilisés autour de 30 000, malgré une légère reprise constatée récemment. Ce qui a fait la richesse de cette ville d’eau histo­rique, marquée par ses vestiges romains et par une étonnante collection de palaces, nés à la Belle Epoque et désormais transformés en appartements, lui colle une image vieillis­sante associée au thermalisme.RÉGION RHÔNES ALPES Chiffres à retenir -* 55 000 habitants dans l’agglomération aixoise -* 12,5 km² la superficie de la commune -* 4 500 hectares : la superficie du Lac du Bourget, le plus grand lac naturel de France -* 1 500 anneaux : 1er port de plaisance en eau douce de France -* 30 000 curistes annuels en moyenne -* 75 000 spectateurs au dernier festival Musilac -* 15 jours de compétition, 700 joueurs internationaux et leurs accompagnants au Championnat d’Europe d’Echec 2011 -* 20 000 entrées au Musée Faure (2e collection d’Impressionnistes et 2e collection d’œuvres de Rodin de France) -* 275 000 passagers à l’aéroport de Chambéry-Aix-les-Bains -* 3 heures de trajet Paris-Aix-les-Bains/Le Revard en TGVLa réflexion a été entamée dès 2001 pour transformer l’acquis thermal en nouvelle orientation bien-être, plus moderne et plus porteuse, sans forcé­ment renier ses racines. Un exercice difficile, mais bien entamé. "Il est apparu très vite qu’une stratégie tou­risme monofilière était dangereuse, comme le montre l’expérience du thermalisme”, explique Nicolas Durochat, directeur de l’Office du tourisme. "L’ensemble des professionnels réunis en séminaire était d’accord pour capitaliser sur nos autres atouts : un envi­ronnement exceptionnel qui permet de jouer la carte du ressourcement, combiné avec une offre de remise en forme autour des thermes modernisés ; une tradition de festi­vités et de jeux, avec l’ambition de rayonner au-delà de la région ; et des installations de tourisme d’affaires, les secondes en capaci­té en Rhône-Alpes”.D’accord sur la stratégie, les acteurs du tou­risme ont eu la chance de compter sur l’ap­pui résolu de la mairie, menée par Dominique Dord, qui a pris conscience des défis à rele­ver, quitte à bousculer un peu la tranquillité de sa population. "Entre lac et montagne, nous ne pouvons pas jouer la carte du ski, et l’image thermale nous colle celle d’une ville fréquentée par le 3e âge”, explique le dépu­té-maire, qui justifie ses choix. "En faisant de Musilac, un festival pop-rock, l’événe­ment phare de la ville, nous voulons juste­ment casser cette image et, en multipliant les offres de remise en forme, capter une nouvelle clientèle”.Le premier axe est symbolisé par le nouveau Coffret Bulle, proposé depuis quelques mois par l’Office du tourisme. Il existe en deux versions "Sensations” pour les prestations seules et "Emotions” avec un hébergement inclus. Distribué via le site Internet et dans les agences de voyages, il vise le segment court séjour avec un programme à composer librement avec des activités sportives ou autour de la détente et des soins aux thermes. Les Thermes Nationaux ont pris un coup de jeune avec les gros investissements dans les thermes Chevalley et son par­cours ludique, complé­mentaires du second bâtiment des thermes Pellegrini. Un peu à l’extérieur de la ville, le Domaine de Marlioz, géré sous enseigne Thalassa de Accor, propose aussi ses forfaits détente.Le second axe repose sur un "événementiel réinventé”, selon le terme de Nicolas Durochat. "Il y a toujours eu une tradition de fêtes et de jeu, depuis l’époque romaine, à Aix. Il nous appartient de ponctuer le calendrier en touchant des publics diffé­rents”. En juillet, Musilac a servi de détona­teur, pratiquement au sens littéral du terme, à cette politique de spectacles. Pour sa 10e édition, ce festival rock en bord de lac a rassemblé quelque 75 000 participants, dont une bonne part en hébergement sur 3 jours. Dans un registre différent, plus tourné vers les curistes, le Festival d’opérette en début d’été et Navig’Aix, plus chic en août, un rassemblement de bateaux anciens. A cela, la ville ajoute une spécialisation dans les jeux de sociétés, avec ses compétitions de scrabble, de bridge, ses tournois de poker ou de tarot, qui drainent à chaque fois un public de niche mais qui augmentent avec les ambi­tions de la ville. Elle accueillera ainsi le championnat d’Europe d’Echec en mars et un peu plus tard le championnat du Monde de scrabble francophone.Du coup, la fréquentation régionale, natio­nale et désormais internationale de la ville est en forte croissance. Il reste à travailler les mois d’hiver, qui demeurent le véritable talon d’Achille. Pour combler ce vide qui entraîne la fermeture saisonnière de près de la moitié des établissements hôteliers, la seule option valable reste l’accueil de congrès. "Nous avons fait de lourds investis­sements sur le centre de congrès, qui a le second auditorium en capacité de Rhône-Alpes. Le casino participe à l’animation et à l’accueil des soirées de gala. Nous pouvons recevoir plus de 1 300 congressistes sur 3 jours sans problème, ce qui n’est pas le cas des autres villes de Savoie”, se félicite Nicolas Durochat, qui voudrait que cet outil soit mieux connu et utilisé. Il faut dire que la facilité d’accès de la gare TGV devrait séduire les organisateurs d’événements nationaux.Les hôteliers jouent la carte de l’investisse­ment avec de lourdes rénovations récentes dans plusieurs gros porteurs et si la munici­palité préfère renforcer la fréquentation des établissements existants, elle salue aussi l’arrivée d’un nouveau venu original : l’Aquakub, affilié à la chaîne Best Western, un hôtel de 50 chambres, en bordure du lac du Bourget, respectueux de l’environnement, et imaginé par Philippe Cocollomb .Ces investissements font partie d’un plus vaste plan qui a pour vocation de transformer et d’adapter la ville à ses ambitions en redy­namisant le cœur. Le centre urbain est l’objet de toutes les attentions avec l’embellissement des rues commerçantes de Genève et Chambéry, avec une charte des façades et des vitrines, avec la venue de commerce de luxe et de restaurants. Dans l’esprit développe­ment naturel, les parcs et jardins sont mis en valeur. Un travail de fond est mené sur le plan de circulation et de signalisation pour faciliter les flux, avec la création de "voies douces” pour un accès facile et gratuit du centre ville au bord du lac.La dichotomie d’Aix-les-Bains, très étirée entre son centre et son lac, crée deux univers qui mériteraient une communication diffé­rente. "Nous y avons pensé en voulant distin­guer Aix Bains et Aix Beach dans notre pro­motion, mais les moyens n’étaient pas suffi­sants pour y parvenir”, précise Nicolas Durochat, qui intègre systématiquement le lac dans la nouvelle image mise en avant. Ce lac du Bourget est lui-même au cœur d’un projet Grand Lac, pour valoriser son attraction tou­ristique. Aix-les-Bains, au sein de la commu­nauté d’agglomération, participe à cette reconquête des berges et à leur aménagement, y compris du port de plaisance. Marie-Hélène Albert, Présidente du Club Hôtelier AixoisAix-les-Bains a-t-elle une difficulté persistante à se démarquer de ses voisines Chambéry ou Annecy ?Notre originalité touristique est de plus en plus affirmée, par rapport aux villes que vous citez. Nous nous sommes vraiment démarqués grâce au lac du Bourget, aux festivités de la ville, à son atmosphère. En haute saison touristique, nous prenons même le devant de la scène. Le Club hôtelier est étroitement associé au travail de l’Office du tourisme pour donner une image plus dynamique à notre ville. Quand nous sommes présents sur les salons, il y a une unité entre tous les acteurs.Justement la saisonnalité reste t-elle trop marquée sur la ville ?Il est vrai que beaucoup d’hôtels ferment en moyenne deux mois en hiver car les Thermes Nationaux ferment aussi de mi décembre à fin janvier. Les curistes représentent encore souvent plus de la moitié de la clientèle des hôtels. Nous aimerions bien ouvrir car la plu­part d'entre nous gèrent de grosses structures avec des frais fixes importants. Il est diffi­cile de compter sur les sports d’hiver car notre station du Revard est fréquentée par des locaux qui n'ont pas besoin d'hébergement. Il n’y a guère que le développement du tou­risme de congrès qui est une piste intéressante. Nous y travaillons avec l’Office du tou­risme, en servant d’interlocuteur pour les appels d’offre en hébergement, que nous pou­vons coordonner.Les hôteliers de la ville ont-ils une vision différente selon qu’ils sont en ville ou en bord de lac ?Tous les hôteliers aixois sont membres du même Club, même si entre nous, nous faisons une distinction avec les «bord du lac». Ils sont davantage tournés vers les loisirs et l’envi­ronnement naturel et moins concernés par les manifestations en centre ville, plus éloignés. Chacun a son type de clientèle, mais nous restons solidaires dans la promotion. Grâce aux commissions de la centrale d’achat, nous pouvons financer notre présence dans les salons comme SITV de Colmar, Thermalies, MAP ou salon des Seniors, et c’est toute l’offre de la ville que nous présentons.Christine Perrotton, directrice du Campanile Aix-les-Bains“Voilà 17 ans que nous dirigeons cet hôtel, situé à l’entrée de la ville, sur le Golf d’Aix-les-Bains, et j’ai pu voir la ville évoluer et se moderniser considérablement. On s’éloigne de plus en plus de l’image d’une ville de curistes pour parler de bien-être et remise en forme. Nous avons la chance d’avoir un lac magnifique, un très bel environnement naturel et, de plus en plus, des entreprises qui s’implantent en péri­phérie. Le centre ville est en pleine transformation avec de nouveaux magasins et des restaurants ouverts tard qui participent à l’animation. C’est une ville où il fait de plus en plus "bon vivre" et les clients le ressentent aussi. Il n’est pas rare que des visiteurs de passage prolongent leur séjour car ils sont surpris par la diversité des possibilités que leur offre la ville et sa région. La montée en puissance de Musilac est réelle et nous remplissons l'hôtel avec les festivaliers. Avec l’activité Affaires qui se développe, la saisonnalité est beaucoup moins marquée qu'il y a quelques années et 2010, malgré la morosité du 1er semestre, a été pour nous une bonne année. Nous allons entreprendre la transformation de notre restaurant dès le mois d'avril de cette année, et nous espérons enchainer avec la rénovation des chambres en "Nouvelle génération" d'ici quelques temps. Il reste que la notoriété d’Aix-les-Bains n’est pas suffisante. Il y a encore des clients qui cherchent le lac d’Annecy, en oubliant que le lac du Bourget est encore plus grand, ou qui confondent Aix-les-Bains avec Aix-en-Provence...”Pierre Artaz, propriétaire de l’InterHotel Le Bristol“Nous avons repris cet hôtel de 100 chambres situé en centre ville en 1988 et nous avions déjà l’espoir que la ville allait prendre le virage nécessaire pour compenser une baisse régulière du marché des curistes. Le changement s’opère doucement, mais on doit pouvoir accélérer le mou­vement vers la notion de bien-être. A ce jour, les curistes représentent encore la moitié environ de mes clients et j’accueille une très petite propor­tion de visiteurs qui viennent se remettre en forme. Nous n’en sommes qu’aux prémices alors que la baisse du thermalisme est maintenant stabilisée. Nous sommes présents sur les salons de tourisme et nous vendons la destination Aix-les-Bains avec le lac du Bourget comme produit d’appel, avec des séjours découvertes en partenariat avec la Compagnie des Bateaux du Lac, et des propositions de circuits jusqu’à Chamonix ou Annecy. Nous avons un magnifique patrimoine historique et naturel que nous devons mettre en avant. L’opération Musilac prend une aura de plus en plus grande et contribue à la notoriété d’Aix. Nous accueillons chaque année plus de clients qui se déplacent spécialement. Il reste que l’activité hivernale est trop insuffisante pour justifier notre ouverture entre novembre et avril.”Thierry Pecorella, directeur général du Radisson Blu et de la résidence Les Loges du Park“A mon arrivée à la tête du Radisson Blu il y a 8 mois, j’ai eu la bonne surprise de voir que la ville n’était pas autant dépendante que je l’imaginais de l’activité thermale. Le travail indispensable de diversification de la clientèle a été engagé par l’équipe municipale et l’office de tourisme avec une approche commer­ciale d’entrepreneur. On sent qu’il y a un mouvement auquel participe la commu­nauté touristique. L’activité curistes est aujourd’hui stabilisée et il faut donc d’autres axes de développement en profitant d’atouts non négligeables à commencer par l’environnement naturel, l’accessibilité d’Aix-les-Bains par le TGV ou l’aéroport de Genève. La ville peut tout à fait jouer la carte des courts séjours et dans notre clien­tèle nous constatons cette montée en puissance des week-ends avec une clientèle régionale, mais aussi d’Ile-de-France. Nous participons au coffret Bulle de l’Office de tourisme avec l’hôtel, la résidence et le spa, pour une offre à composer pratique et attrayante pour le client. Venant de Nice, j’ai envie de développer le marché MICE des réunions d’affaires, sur lequel la ville a toute sa place car elle a une offre com­plète clé en main en centre ville, hébergement, restauration, spectacle et salles sans navette. Le marché régional se développe bien mais il faut gagner des parts au niveau national dans les milieux associatifs ou sportifs, en comblant le déficit de connais­sance et de reconnaissance de la destination Aix-les-Bains. On peut réduire la sai­sonnalité qui est réelle, même si elle est moins marquée que je pensais, notamment via ce tourisme d’affaires encore embryonnaire.”Bertrand Gallay, directeur géné­ral du Domaine thermal de Marlioz, Mercure Thalassa Ariana et Mercure Thalassa Acquaviva“En qualité de membre du Comité de direction de l’Office de tourisme, j’ai eu la chance d’être associé depuis le début à la réflexion marketing pour repositionner Aix-les-Bains avec un rééquili­brage entre le thermalisme et le tourisme de loisirs. J’ai adhéré totalement à cette orientation et je constate que d’importants virages sont pris au sein de la ville. Le Domaine de Marlioz et son enseigne Thalassa avec des propositions courts séjours autour de la balnéothérapie et la remise en forme, s’inscrivaient déjà de son côté dans ce mouvement. Il est important de diversifier une activité thermalisme sta­gnante, de moins en moins prescrite dans notre spécialité ORL, en poussant le mar­ché du bien-être et des loisirs. Nous avons pu ainsi maintenir notre niveau d’activité sur le segment des curistes en multipliant les offres de courts séjours, en proposant des activités bien-être liées au tourisme d’affaires et en développant l’accueil d’équipes sportives qui profitent tant d’une logistique très complète de notre ville que de nos installations de préparation sportive dans un cadre de verdure de 10 hec­tares. Nous investissons davantage dans les équipements et la commercialisation sur ce créneau de diversification, en étant plus circonspects sur l’évolution du therma­lisme ORL.”

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