Courchevel, la piste aux étoiles

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Publié le 04/04/16 - Mis à jour le 29/06/23

Courchevel ©DavidAndre

Courchevel, la station de tous les superlatifs, s'est construit une place de choix au sein du Gotha mondial des destinations hôtelières de luxe. Historique, bilan de la saison 2015-2016, tendances, projets futurs : portrait de ce marché hôtelier qui tutoie des sommets toujours plus hauts.

Le luxe est roi à Courchevel, station d’extravagances et de superlatifs, où amateurs de glisse côtoient stars et millionnaires le long des pistes ou autour de la table d’un restaurant étoilé Michelin –le domaine des Trois-Vallées en comptabilise en effet pas moins de douze, dont sept pour la plus prestigieuse station du domaine–, ou le soir dans l'un de ses nombreux hôtels de luxe, dont 3 officiellement labellisés "Palace".La célèbre station de la vallée de la Tarentaise fête cette année ses 70 ans. Son premier téléski a en effet été installé en 1946, alors que les acteurs publics cherchaient à développer le tourisme alpin dans la période d’après-guerre. Mais les premiers skieurs à avoir dévalé ses pentes auraient aujourd’hui bien du mal à reconnaître le petit village de Saint-Bon. Avec de 1,1 à 1,2 millions de journées skieurs prévues cette année pour la seule Courchevel par son exploitant S3V (et près de 6 millions pour l’ensemble du domaine des Trois Vallées), la station a su s’imposer comme l’une des destinations les plus fréquentées des Alpes. L’organisation des épreuves de combiné nordique et de saut à ski au cours des Jeux d’Albertville de 1992 a permis de braquer les projecteurs du monde entier sur cette station déjà prisée, à l’aube d’une décennie qui l’a vu rejoindre Gstaad ou Aspen comme l’une des plus prestigieuses destinations de sports d’hiver dans le monde. Le tourisme a aussi bénéficié de la Perestroïka et de la chute de l’URSS, entraînant le développement subséquent d’une oligarchie russe prête à dépenser sans compter, qui plébiscite aujourd'hui Courchevel.La station est l’une des plus chères d’Europe du point de vue de l’hébergement, et apparaît comme l’un des incontournables du circuit hivernal pour le tourisme de luxe. Pionnier en France, l’altiport de la station en est l’un des symboles, cumulant à lui seul les records : perché à plus de 2000 mètres d’altitude, ce qui en fait le plus haut d’Europe, sa piste enregistre par ailleurs la plus forte pente du monde. Cet aéroport de montagne enregistre désormais chaque année près de 8000 mouvements (avion et hélicoptère confondus), dont 6000 pour la saison hivernale, et sa popularité n’a cessé de croître auprès d'une clientèle guère coutumière du chassé-croisé des vacances sur les routes de montagne.Les atouts de la station vont cependant bien au-delà de la simple recherche bourdieusienne d’un entre-soi de la haute société. Avec plus de 600 kilomètres de pistes –on en dénombre 318 au total– le domaine skiable des Trois-Vallées est en effet l’un des plus vastes au monde. Courchevel est aussi reliée à ses voisines plus modestes de Méribel, des Menuires, ou de Val Thorens, un supplément forfaitaire permettant de profiter de l’ensemble des pistes du domaine. Malgré le faste omniprésent de la station de Saint-Bon-Tarentaise, il faut aussi souligner le succès d’une stratégie visant à maintenir le tarif du forfait de journée-ski à des niveaux équivalents à celui de ses concurrents (49€ la journée pour la saison 2015/2016), permettant aux skieurs qui n’ont pas toujours les moyens de se loger sur place de profiter malgré tout de ses pistes pour des excursions à la journée. Quoi de mieux que de permettre de s'approcher du rêve d'une vie parmi les stars pour entretenir auprès du public la magie et l'image "glamour" de la station ?La station de sports d’hiver regroupe aujourd’hui l’une des plus grandes concentrations d’hôtels de luxe de l’Hexagone, pour une clientèle souvent prête à débourser plusieurs milliers d’euros par nuitée. Une semaine à l’Edelweiss –un chalet de luxe en bord de pistes– peut ainsi atteindre des sommes record : de 250 000 à 300 000 euros à la haute saison. Le Cheval Blanc, Les Airelles, Le Strato, le K2, la Sivolière… les adresses hôtelières prestigieuses ne manquent pas, à condition d'en avoir les moyens. L'hôtellerie joue la carte de l'exclusivité : la commune de Saint-Bon-Tarentaise compte quelque 2 300 chambres dans 55 établissements hôteliers (chalets inclus), dont 24 ayant obtenu la note maximale de cinq étoiles. En parallèle, la capacité d’accueil touristique globale de Courchevel tous produits confondus est estimée à près de 40 000 personnes par les services de la municipalité.La pré-saison a été difficile fin 2015, avec des taux d’occupation dans les hôtels de luxe & palaces de Courchevel accusant d'après la base HotelCompset un recul de 7,8 points par rapport à l’année précédente – et de 21,7 points en comparaison avec une pré-saison 2013/2014 de référence. Cette année-là avait en effet démarré sur les chapeaux de roue en conjuguant enneigement précoce puis chutes régulières. En 2015-2016, « Le début de saison a été difficile pour les hôtels de la station, notamment du fait du manque de neige », rappelle Florence Carcassonne, Directrice Générale de la Sivolière 1850, et « les événements de Paris ont aussi pu avoir un impact sur la fréquentation ».Ce début poussif a fort heureusement pu être compensé par les premières chutes de neige plus conséquentes fin décembre. Avec 92,3% de taux d’occupation, les hôtels de luxe & palaces ont été bien remplis au moment de la période très stratégique des vacances de Noël et de Nouvel An. L'occupation est cependant restée en-deçà des excellentes performances d'il y a deux ans. Le déclin du rouble –et l’intérêt grandissant de la clientèle russe pour les stations du Caucase, en premier lieu Sotchi et son parc hôtelier de plus de 40 000 chambres– expliquent notamment ces mouvements. En 2015-2016, « Nous n’avons pas été directement affecté par cette baisse, mais on a effectivement pu constater un léger recul de cette clientèle sur la station du fait de la crise russe. A Courchevel, les flux de clientèle restent fortement liés à la monnaie. En contrepartie, on remarque une présence accrue de la clientèle britannique, tandis que les clients du Golfe sont toujours assez présents», remarque Florence Carcassonne. Dans la mesure où les tensions géopolitiques avec la Russie et les cours du pétrole semblent atteindre un plancher, les perspectives futures de ce marché-source seront sans doute plus favorables. C'est un atout pour la croissance future des hôtels haut de gamme de Courchevel, où les Russes avaient pris pour habitude de représenter 80% voire plus de la clientèle au moment de la nouvelle année et du Noël orthodoxes (première semaine de janvier).Finalement, le Nouvel An aura fait figure de pivot pour cette saison 2015/2016. Les premières chutes de neige conséquentes, tant attendues, valent bien tous les feux d’artifice dans l'esprit des hôteliers. Après une bonne intersaison de janvier, les hôtels de luxe de la station ont enregistré d’excellents niveaux de taux d’occupation au cours des vacances de février, l'indicateur atteignant les 90% sur la période – une hausse de 5,8 points par rapport à l’année précédente. Et la tendance devrait se poursuivre jusqu’à la fin de la saison, le taux de remplissage restant largement supérieur aux deux exercices précédents, grâce notamment à l’enneigement favorable sur les Alpes du Nord. Au global, sur la période du 1er décembre au 20 mars 2016, les hôtels de luxe de Courchevel ont enregistré une hausse de 2,1 points de leur taux d'occupation. Combinée à une hausse de 4% de leur prix moyen, le RevPAR des établissements haut de gamme grimpe de 7% relativement à la saison précédente (source : BDD HotelCompset) : l'exercice 2015-2016 s'achève sur de bons résultats.Forte de son succès, la station continue naturellement d’attiser la convoitise des investisseurs hôteliers, et les rêves des grandes fortunes. Avec d’autres investisseurs privés, le fondateur de Free Xavier Niel a ainsi déboursé près de 100 millions d’euros pour le développement de l’Apogée Courchevel, une adresse de 20 chambres et 33 suites qui a accueilli ses premiers clients en décembre 2013, et dont les rênes ont été confiés à Oetker Collection (opérateur notamment du Bristol à Paris et du Lanesborough à Londres). Xavier Niel a ainsi imité un autre chef d’entreprise médiatique, Bernard Arnault, qui avait lui aussi tout compris dès 2006 en ouvrant Le Cheval Blanc, un établissement de 36 chambres et suites qui fait aujourd’hui partie des trois Palaces de la station, avec l'envie de raviver les souvenirs hivernaux de son enfance passée sur les pistes de Courchevel.Ce n’est donc pas un hasard si le groupe LVMH a choisi la station de Courchevel pour l’ouverture de son second hôtel, après un premier établissement inauguré en 2012 à Saint-Tropez, emblématique destination des stars sur la Côte d’Azur. A travers sa nouvelle filiale LVMH Hotel Management, le groupe de luxe a fait appel à l’architecte Jean-Michel Wilmotte pour donner à sa nouvelle adresse un écrin à la hauteur de sa réputation. L’hôtel White 1921 a ouvert ses portes en décembre 2015, offrant à ses clients un accès aux pistes immédiat, ces derniers pouvant aussi bénéficier des équipements classiques d’un hôtel cinq étoiles, en premier lieu sauna et hammam - un must de l’après-ski dans les établissements huppés de la station. Malgré le foisonnement de l'offre, les professionnels du segment haut de gamme ne redoutent cependant pas vraiment la concurrence. La nouvelle compétition provient plus des chalets de luxe privés mis en location par les agences que des autres établissements hôteliers, finalement plus voisins que rivaux. Pour la Directrice générale de la Sivolière, « tous les hôtels de Courchevel ont leur propre personnalité. Nous avons la chance d’avoir des clients fidèles, qui reviennent d’année en année. Tout au plus, les hôteliers se devront d’être un peu plus vigilants sur la gamme des prix. »Cette année, c’est un autre acteur historique du luxe français qui inaugurera son adresse sur les pentes huppées de Courchevel, avec une ouverture prévue en décembre 2016 pour l’hôtel Barrière Les Neiges : il s’agira du premier hôtel de montagne du groupe. Cet établissement de 42 chambres dont 19 suites devrait avoir de nombreux atouts pour convaincre ses futurs clients, à l’image de la démesure de l’ensemble du domaine : il comprendra notamment le plus grand spa hôtelier de la station de Courchevel, une piscine et jacuzzi extérieurs, une "ski room", une salle de cinéma privée, ainsi que trois restaurants - dont une brasserie Fouquet's.Courchevel est en effet une destination de premier choix pour les amoureux de la gastronomie, et concentre un nombre de chefs étoilés sans équivalent pour une station de sports d’hiver : Yannick Alléno (Le Cheval Blanc), Pierre Gagnaire (Les Airelles), Michel Rochedy et Stéphane Buron (Le Chabichou), Jean-Rémy Caillon (Le Kintessence du K2), Gatien Demczyna (La Table du Kilimandjaro), Jean-André Charial (Le Beaumanière 1850), Julien Machet (Le Farçon)… sans oublier dans la vallée voisine, à Saint Martin de Belleville, le restaurant étoilé le plus haut de France, la Bouitte, une table où officient René et Maxime Meilleur, un duo père-fils qui a accédé en 2015 au club très fermé des établissements trois étoiles.Au-delà de cette dimension gastronomique, la station multiplie les initiatives pour rappeler sa différence et conserver son attractivité auprès de la clientèle haut de gamme. Le hors-ski, à Courchevel encore plus qu’ailleurs, apparaît comme une préoccupation centrale pour les responsables de la station. En partenariat avec les galeries Bartoux, Courchevel Tourisme a par exemple choisi cette saison de créer un musée à ciel ouvert en exposant les œuvres du sculpteur Richard Orlinski et du graffeur JonOne, qui a notamment donné une cure de jouvence aux remontées mécaniques de la station. D'autres nouveautés sont venues renforcer son offre alternative ces dernières années. Suite à un investissement de la municipalité de 63 millions d’euros, Courchevel a célébré cette saison l’inauguration de l’Aquamotion, un complexe ludique et sportif de 15 000 m² proposant piscines, centre de bien-être, jacuzzis, saunas, mur d’escalade, ainsi qu’une offre de restauration opérée par Nikki Beach. Le concept store L’Ecorce a lui aussi ouvert ses portes fin 2015 : cette boutique présente de multiples facettes, et peut se transformer tour à tour en lounge, bar, salon de thé, ou night-club une fois la nuit tombée. Les sports d’hiver restent eux aussi une priorité "naturelle" de la commune, qui a fortement axé sa communication sur le ski et la glisse cette année, privilégiant ainsi une image plus sportive. Les exploits de l’enfant du pays Alexis Pinturault –par ailleurs fils du propriétaire de l’hôtel Annapurna, un autre hôtel 5 étoiles de référence– auront peut-être incité les responsables de la station à rappeler que l'un de ses grands atouts reste évidemment son domaine skiable. Que ce soit sur les pistes ou en-dehors, Courchevel dispose ainsi de nombreux atouts qui devraient permettre à son hôtellerie de luxe de continuer durablement à tutoyer les sommets, malgré les nombreux projets de nouveaux établissements qui bientôt voudront se faire, eux aussi, une place au soleil.Le tourisme de montagne vous intéresse ? Pour aller plus loin, retrouvez notre rapport sur ce marché

 
 
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