A la veille du référendum sur le "Brexit", Hospitality ON analyse en profondeur les impacts possibles pour l'activité hôtelière européenne. Au Royaume-Uni, les conséquences d'une sortie seraient probablement différentes selon les espaces géographiques. Et ailleurs en Europe, des effets significatifs pourraient aussi s'en faire ressentir...
A la veille du référendum sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l'Union Européenne, de nombreuses questions se posent sur les conséquences possibles d'un éventuel "Brexit", comprenez British Exit, sur le tourisme et l'hôtellerie britannique.Il faut tout d'abord rappeler que le secteur enregistre actuellement des records d'activité outre-Manche, ayant enregistré plus de six années consécutives de hausse des arrivées internationales et du RevPAR -soit un bilan déjà bien plus dynamique que la plupart de ses voisins européens... En 2015, quelque 35,8 millions de visiteurs étrangers se sont rendus dans le royaume, une nouvelle progression de 4% par rapport à la fréquentation de l'année précédente. Leur présence a rapporté quelque 21,8 milliards de livres sterling à l'économie du pays. Alors qu'elles représentent la grande majorité de cette fréquentation, soit près de 60% du nombre total de visiteurs, les clientèles européennes seraient directement impactées par une sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne. Mais de quelle manière ?
Les défenseurs du Brexit y voient, de leur côté, une opportunité supplémentaire de croissance pour le tourisme britannique, qui découlerait notamment d'un taux de change plus avantageux pour les clientèles étrangères. En cas de retrait du Royaume-Uni de l'Union Européenne, la conjoncture pourrait en effet être plus favorable à l'euro qu'à la livre sterling, qui perdrait de la valeur face à la monnaie unique, comme l'ont montré les récentes évolutions du marché des changes à l'approche du scrutin. Une livre plus faible rendrait donc les prix pratiqués dans le pays plus attractifs pour les visiteurs potentiels.
A l'inverse, les détracteurs de la sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne anticipent en cas de Brexit une augmentation des tarifs douaniers pour les marchandises, et des coûts ou a minima des contraintes supplémentaires en termes d'entrée et de sortie sur le sol britannique, facteurs qui auraient des répercussions négatives sur les filières du voyage, du tourisme et des compagnies de transports. De fait, les procédures d'entrée sur le territoire britannique pourraient se durcir pour les touristes en provenance des autres pays membres de l'Union Européenne, qui bénéficient aujourd'hui de démarches simplifiées. Les passeports et visas pourraient aussi être à nouveau demandés à certaines nationalités.
Dans un article du Daily Express, la patronne de la compagnie aérienne low-cost Easyjet avait rappelé en début d'année que l'Europe avait permis de démocratiser le tourisme parmi les classes populaires, leur facilitant l'accès au voyage. La réaction possible des compagnies aériennes "low-cost", qui pour beaucoup ont fait de Londres leur "hub" de transit, a été étonnamment peu commentée à travers le débat ces derniers mois. En effet, leur sera-t-il possible, en cas de "Brexit", de maintenir des hubs aériens dédiés aux voyageurs de toute l'Europe sur le sol britannique ? Probablement pas depuis toutes les destinations, ce qui pourrait se répercuter sur le prix des vols vers et au départ du Royaume-Uni. A l'instar des sièges financiers, les places aéroportuaires d'Amsterdam, Francfort ou Paris rafleront-elles la mise ?
Surtout, l'impact d'un Brexit sur l'attractivité extérieure de l'économie britannique (du fait notamment du recul de la livre, mais aussi d'un accès plus difficile au marché européen et des risques qui pèseraient sur certaines activités de la City) aurait probablement un impact sur la demande hôtelière d'affaires, notamment à Londres. Le marché hôtelier britannique est, à l'instar de la France, fortement tiré par sa capitale. Or, compte tenu des niveaux de prix actuels, même en cas de dévaluation significative de la livre la capitale britannique resterait bien plus chère que les autres métropoles européennes, limitant probablement les gains d'attractivité auprès des clientèles loisirs. Dans le même temps, la demande d'affaires -qui reste le premier moteur de l'activité hôtelière- prendrait probablement de plein fouet l'impact économique de la sortie du Royaume-Uni sur plusieurs secteurs d'activité clés de la capitale : finance & assurance, immobilier, services aux entreprises... L'hôtellerie de la capitale aurait donc probablement plus à perdre qu'à gagner dans le cas d'un scénario de Brexit, malgré les gains de "compétitivité" attendus.
L'impact possible d'un Brexit est moins évident pour les marchés secondaires et tertiaires du Royaume-Uni. Les effets de taux de change devraient rendre les destinations étrangères plus chères pour les britanniques ; or ceux-ci sont l'un des premiers marchés émetteurs de la plupart des destinations touristiques mondiales. La baisse de la livre (et l'impact possible des évolutions de stratégies de hubs aériens) pourrait donc pousser les visiteurs loisirs britanniques à se tourner davantage vers leurs destinations domestiques. Ce n'est probablement pas un hasard si les stations balnéaires anglaises sont souvent, d'après les sondages, des fiefs "pro-Brexit"... Réciproquement, les marchés hôteliers européens loisirs fortement exposés à la clientèle britannique seraient alors impactés négativement.
En ce qui concerne le segment affaires, les gains potentiels en termes de compétitivité apportés par une chute de la livre se concentreraient probablement sur les secteurs industriels exportateurs (aéronautique, biens de consommation, automobile...), apportant alors un soutien à la demande hôtelière d'affaires de certains secteurs géographiques très spécifiques (Sunderland, Hucknall...). Mais pour le Royaume-Uni dans son ensemble, l'impact négatif sur la demande hôtelière d'affaires de la baisse d'activité dans la construction et les services (notamment financiers et services aux entreprises) et leurs répercussions probables sur toute l'économie britannique, devrait tirer vers le bas les performances hôtelières.
La chute pourrait être d'autant plus significative que le Royaume-Uni était déjà le pays européen le plus en avancé dans le cycle actuel de reprise, étant déjà dans sa 7e année de rebond post-crise des subprimes... Les risques d'une chute prolongée et d'une "contagion" paneuropéenne voire mondiale ne doivent pas être écartés. La crise de la dette en 2012-2013, pourtant liée à des pays moins importants économiquement, mais qui avait entraîné une stagnation ou un recul du RevPAR spécifiquement en Europe, est un précédent à méditer.
Pour autant, le "Brexit" n'est pas nécessairement un scénario voué à se réaliser. Mais son impact est déjà mesurable : l'incertitude qui pèse sur l'issue du scrutin a incité les entreprises britanniques à la prudence depuis le début d'année. Avec une économie attentiste (cumulée à l'incertitude sécuritaire que vit toute l'Europe), l'hôtellerie a suivi et n'enregistre qu'une maigre hausse de 0,7% de son RevPAR entre janvier et mai 2016, contre +4,6% en 2015 (avec +0,4 point d'occupation et +4,1% de hausse du prix moyen).Should I stay or should I go : les hôteliers britanniques n'auront sans doute pas la même réponse à apporter, selon leur territoire. Mais quoi qu'il en soit, c'est toute l'Europe hôtelière qui est suspendue au résultat du référendum.
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