Naples et la côte Amalfitaine, les rescapées du Mezzogiorno

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Publié le 03/08/17 - Mis à jour le 17/03/22

Naples

Dans la région italienne de Campanie, les deux premiers sites inscrits par l’Unesco au patrimoine mondial de l’humanité furent le centre-ville de Naples, dès 1995, puis la côte Amalfitaine deux ans plus tard. Ces destinations d’Italie du Sud attirent pour des raisons différentes : la première incarne une histoire et un patrimoine riches, tandis que la seconde représente un espace presque inexploité de vingt-cinq kilomètres le long de la mer Tyrrhénienne. Mais dans la région du Mezzogiorno, minée par le chômage et le déclin économique, les performances touristiques de Naples et de ses environs représentent un enjeu majeur, au-delà de la carte postale touristique.

Au Sud-Ouest de la botte italienne, bordant la Mer Tyrrhénienne, Naples, capitale régionale de la Campanie, arrive en troisième position des villes les plus peuplées d’Italie, derrière Rome et Milan. La cité avoisine le million d’habitants tandis que l’agglomération toute entière dépasse les trois millions. Son activité économique est fondée sur l’industrie (agro-alimentaire, automobile, construction navale), l’agriculture (vin, tomates, huile d’olive) et bien sûr le tourisme. Fondée sous l’Antiquité grecque, Naples cultive sa personnalité à travers un rayonnement culturel important.Celui-ci s’illustre d’abord par un patrimoine riche, en églises et musées notamment, et en manifestations culturelles récurrentes. Ainsi, les célébrations de Pâques (Pasqua), le festival international de musique ethnique Ethnos ou encore la Fête de San Gennaro animent régulièrement le coeur historique de Naples. Les visiteurs de passage trouvent le repos de la majestueuse Chapelle Sansevero, explorent le mystère de ses souterrains (une véritable ville sous la ville) et goûtent avec délectation ses traditions culinaires italiennes, à commencer par la pizza qui serait née à Naples.La cité portuaire est, de surcroît, un passage obligé des croisières touristiques, et la porte d’entrée vers les vestiges historiques que constituent Pompéi et Herculanum, cités antiques conservées sous les cendres du Vésuve au Ier siècle de notre ère.

 

Enfin, la baie de Naples ne manque pas de conquérir les touristes amateurs de fabuleux paysages, qui ne voudraient pour rien au monde rater l’île de Capri et la côte amalfitaine, à soixante kilomètres au Sud de la capitale régionale. Ravello, à quelques encablures d’Amalfi, organise chaque année un festival mêlant musique et ballet pendant l’été : véritable monument culturel de toute la région, il fêtera bientôt son 65ème anniversaire.Pour autant, l’industrie touristique ne suffit pas à endiguer un taux de chômage accablant, qui dépasse les 20% dans la région en 2016 selon l’Eurostat, et culmine à près de 30% dans sa capitale pour une moyenne italienne de 12%. Les centres touristiques italiens situés plus au Nord, comme Venise, Milan et Rome, affichent des taux bien moins élevés. Le constat est le même pour le produit intérieur brut par habitant qui n’atteint que 60% de la moyenne de l’Union Européenne, contre 108% dans la région de Venise, 114% dans celle de Rome, et 126% (plus du double) en Lombardie, autour de Milan.Malgré le dynamisme portuaire de Naples et son statut de nœud ferroviaire et routier, une certaine désolation touche le paysage économique. Le constat est accablant pour toute l’Italie du Sud – ce Mezzogiorno, parfois surnommé “ La Grèce de l’Italie ”.

Pourtant, le tourisme italien connaît depuis plusieurs années des évolutions positives : selon la Banque Mondiale, le nombre d’arrivées de touristes dans le pays transalpin dépasse les 50 millions en 2015, soit 15 millions de plus que dix ans plus tôt. Mais il semblerait que cette formidable manne économique soit en grande partie accaparée par les régions du Nord, largement plébiscitées par les touristes.Cependant, Naples connaît aussi une progression forte ces dernières années : son aéroport, Naples Capodichino, est le septième du pays et il accueille un nombre croissant de passagers, évalué à près de 7 millions en 2015 – une hausse de près de 10%. De même, son industrie hôtelière a enregistré des performances très positives : son RevPAR (revenu par chambre disponible) est passé d’une moyenne de 46,15€ en 2014 à 49,70€ en 2015, pour exploser à 57,30€ l’année suivante. Ce bond de plus de 24% en deux ans et de plus de 15% entre 2015 et 2016 s’explique à la fois par des taux d’occupation en hausse (+9,2 points entre 2014 et 2016) et des prix moyens en croissance (+8,9%). Le RevPAR moyen de l’Italie avait pourtant reculé l’an passé (-5,5%).Sans doute parce que l’offre hôtelière de Naples reste relativement limitée : son parc hôtelier rassemble un peu plus de 2 200 chambres sous enseignes hôtelières, ce qui est bien pâle face à l’inventaire de ses consœurs italiennes (16 000 pour Milan, 17 000 à Rome) au 1er janvier 2017. Il faut dire que le taux de pénétration des chaînes hôtelières sur le marché italien est à peine supérieur à 8% en 2017, parmi les plus faibles d’Europe. L’Istat (Institut national de statistiques italien) recense près de trois millions de nuitées en hébergement collectif, enregistrées en 2014 dans la région de Naples.

Sur ce total, 45,6% provenaient d’une clientèle domestique, le reste de visiteurs internationaux. De même, 95,5% de ces trois millions de nuitées ont été réalisés dans des hôtels ou établissements similaires, ce qui montre que le parc des établissements sans service hôtelier (villages vacances, auberges…) n’a pas une assise forte sur le marché napolitain. Si le parc de chaînes n’est que peu développé, la région, comme toute l’Italie, se caractérise par un tissu très dense d’hôtels indépendants difficile à évaluer en termes d’activité et de rentabilité. Mais peut-être la croissance du tourisme dans la région poussera-t-elle davantage l’implantation des enseignes ?Les statistiques hôtelières les plus récentes en Campanie illustrent une hausse des réservations dans le parc des chaînes. Les destinations populaires que sont l’île de Capri ou encore Amalfi et Salerno (deux cités-phares de la côte amalfitaine) affichent une saisonnalité marquée, avec des prix moyens qui s’envolent à partir du printemps et durant la saison estivale.Bien que la montée du tourisme puisse requinquer une économie fatiguée, certaines tensions ne permettent pas à la région de profiter pleinement de cet afflux. Ainsi les habitants de l’île de Capri, dans le Golfe de Naples, sont-ils agacés, par les milliers de touristes que les navires de croisière débarquent ponctuellement sur leurs côtes. De même, la cité de Naples, pourtant riche de culture, d’histoire et de gastronomie, peine à se défaire d’une image noire, marquée par les méfaits de la Camorra – l’une des plus anciennes branches de la mafia dont les origines remontent au XVIIème siècle – et le déferlement des réfugiés sans-papiers sur place.Ainsi, si la demande est croissante (plus d’arrivées à l’aéroport, performances hôtelières en hausse ces dernières années), elle ne se traduit pas encore par une offre plus moderne et plus contemporaine. Naples n’excelle pas dans la communication de ses atouts.

Fin 2016, son office touristique (VisitNaples.eu) a amorcé quelques efforts dans cette direction en réalisant une campagne comparant la cité italienne à d’autres destinations phares européennes, mettant l’accent sur les prix plus bas des attractions ou des restaurants à Naples par rapport à Londres, Amsterdam ou Rome. Par ailleurs, l’auteure Elena Ferrante a publié entre 2012 et 2015 une série de quatre romans ayant pour théâtre la capitale de Campanie, dont le succès a généré un flux important de touristes “ littéraires ” à Naples.Malgré des hotspots touristiques bien connus du grand public – le Vésuve, Pompéi, les îles de Capri et d’Ischia en tête – la région napolitaine n’arrive pas à qualifier son image, même de manière réductrice, comme d’autres l’ont fait, Paris, cité des amoureux ; Ibiza, capitale de la fête ; ou Milan patrie du design et de la mode.En mars dernier, Luigi de Magistris, le maire de Naples, a révélé un ambitieux plan touristique visant à accueillir deux millions de visiteurs d’ici 2020. Sa priorité est de définir un véritable modèle d’hospitalité et d’information touristique afin de fidéliser les visiteurs de passage à Naples. Le plan de développement recommande également de multiplier les actions de communication et de promotion touristiques, et de mettre la technologie à leur service. Enfin, le plan souhaite rassembler les acteurs du public comme du privé en vue de synergies territoriales. Baptisé “Napoli2020”, le projet a bien saisi les enjeux humains et économiques que pose une industrie touristique en ordre de bataille. “Naples ne doit pas seulement viser à améliorer son attractivité et sa compétitivité sur le marché touristique, mais aussi à assurer meilleures santé et qualité de vie à ses citoyens”, reprend son communiqué.Vedi Napoli e poi muori. Cette expression, qui signifie littéralement “voir Naples et mourir”, a été rapportée d’Italie dans les carnets de voyage de l’illustre Goethe, en 1787. Soulignant la beauté de la cité italienne, le proverbe pourrait redevenir d’actualité, si elle sait exploiter le boom touristique qui la touche. Pour autant, il lui reste à valoriser davantage ses atouts, en fédérant les destinations proches. Des sous-sols de Naples aux flancs volcaniques du Vésuve, des panoramas de la côte amalfitaine aux couleurs de Capri, toutes ces attractions et paysages forment un tout à part entière, un ensemble complémentaire à multiples facettes. Les efforts de communication sont engagés, même modestement, l’implication de tous les acteurs du tourisme est sollicitée, même difficilement. Naples et sa région ont visiblement des progrès à faire pour moderniser les capacités hôtelières, en introduisant davantage de technologie et de préoccupation environnementale – tout en poussant la formation du personnel d’accueil touristique dans ce sens.

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