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Arts de la Table : l’innovation se met à table

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Publié le 27/09/12 - Mis à jour le 17/03/22

Cette année, le salon Equip’Hotel dédie un showroom de 168 m2 aux Arts de la table. Imaginé par la designer spécialisée dans l’hôtellerie, Sylvie Amar, le Studio des Arts de la Table mettra en scène les dernières tendances et nouveautés du secteur autour d’installations, d’ateliers et de tables rondes, afin d’évoquer les problématiques auxquelles sont confrontés les professionnels, qu’ils soient fabricants, restaurateurs ou hôteliers.

Une nouveauté pour la prochaine édition du rendez-vous biennal parisien des hôteliers qui démontre l’importance des Arts de la table dans le secteur de l’hôtellerie-restauration.L’hospitalité et les collectivités représentent plus de 20% des revenus générés par cette industrie, avec un chiffre d’affaires en constante progression depuis plusieurs années et qui dépasse aujourd’hui le milliard d’euros. Le secteur est sans cesse à l’écoute des grandes tendances de la société actuelle, et ses codes sont remis en cause par l’évolution des comportements et des attentes des consommateurs. Le service traditionnel tend à devenir obsolète dans certaines structures, l’innovation s’invite à la table des restaurateurs et les problématiques de développement durable n’échappent pas aux professionnels de l’industrie. La salle du restaurant fait partie intégrante du métier de l’hôtellerie-restauration et suit les mêmes évolutions que les établissements eux-mêmes, afin de répondre aux attentes d’une clientèle identique. Avec la modernisation et la diversification des ustensiles de cuisine dans la grande distribution et l’engouement du grand public pour la gastronomie, la restauration n’a plus la même signification auprès des consommateurs. Les clients recherchent aujourd’hui une réelle expérience qu’ils ne pourraient pas vivre chez eux, que ce soit dans l’art de cuisiner d’un grand Chef, dans l’originalité du lieu où le repas est pris, ou dans le thème surprenant d’un restaurant. Le besoin de démarcation actuel des établissements hôteliers agit directement sur l’industrie des Arts de la table et les pousse à devoir surprendre le client par leur esthétisme, leur ergonomie, leur couleur, ou encore dans le service, la décoration et la situation de la table et de la salle. Les évolutions de la restauration moderne remettent parfois en cause les codes traditionnels du service et du dressage de la table, montrant la volonté des professionnels d’innover pour mieux se différencier les uns des autres. Les marques de renom et les créateurs se sont alors emparés du secteur et tentent, chacun à leur manière, de réinterpréter les codes des Arts de la table pour trouver de nouvelles manières de sublimer la cuisine des Chefs et d’améliorer l’expérience du client. Plusieurs marques réputées ont ainsi fait appel à des designers célèbres pour retravailler les ustensiles et accessoires de leur salle. De la même façon, certains professionnels, comme le chocolatier-pâtissier, Pierre Hermé, font appel à des architectes d’intérieur pour travailler sur la création. Matali Crasset, auteur de l’hôtel Hi de Nice et Matic de Paris, a dessiné la collection «Essentiel» de pâtisserie, qui associe les ustensiles et les plateaux de service. Le désir de s’éloigner des codes du service traditionnel est une tendance que remarque le président de la Confédération des Arts de la Table, Guy Bourgeois : «Avant, les arts de la table étaient très normés, notamment dans le dressage des tables et des plats. Aujourd’hui, le secteur s’éloigne de ses règles traditionnelles, les établissements étant à la recherche de moyens de se différencier et d’affirmer leur personnalité. Les normes ont été remplacées par une nouvelle devise, celle de se dire que tout est possible aujourd’hui». Confrontés aux mêmes problématiques que le design hôtelier, les professionnels des Arts de la table n’hésitent plus désormais à casser les codes traditionnellement très rigides de la restauration, tant dans le service que dans le dressage, et à jouer la carte de l’originalité et de l’étonnement pour mieux se démarquer.La tendance est telle que certaines transformations passent aujourd’hui inaperçues aux yeux des consommateurs et font désormais partie du paysage commun de la restauration, comme le démontre Guy Bourgeois: «Plusieurs restaurants, par exemple, dressent aujourd’hui leurs tables sans nappe alors que cela était encore impensable il y a quelques années. La plupart des établissements ne respectent plus l’ordre des couverts et les rassemblent souvent d’un même côté de l’assiette ou les installent dans une position plus originale». Des petites choses certes, mais qui interpellent néanmoins l’attention des clients. La vaisselle n’échappe pas à la tendance et les services assortis de nos grands-parents quittent les tables des restaurants au profit de vaisselles plus fonctionnelles et davantage adaptées à leur contenu.Il est plus que courant aujourd’hui de s’installer autour d’une même table et d’être servi dans des contenants aux formes différentes. L’assortiment de la vaisselle aux mets qu’elle contient à pris le dessus sur l’harmonie du service, correspondant au rôle des Arts de la table, comme son nom l’indique, de sublimer la cuisine du Chef. Les couleurs surfent sur la même vague de différenciation et se substituent davantage au blanc si prisé par les chefs cuisiniers. «Avant, on avait plutôt tendance à mettre des assiettes blanches pour la neutralité de la couleur qui met en avant les aliments contenus. Mais les couleurs ont refait leur apparition dans les Arts de la table, depuis que les professionnels ont constaté que certaines teintes s’adaptaient parfaitement à certains plats et les mettaient en valeur», explique le président de la Confédération des Arts de la Table.Le mouvement se radicalise parfois avec la suppression des assiettes ou même des tables : «On voit de plus en plus de choses plus farfelues dans les restaurants, où les tables et les assiettes n’ont plus leur place quand vient l’heure de manger», rapporte le président de la Confédération des Arts de la Table. Les restaurateurs font alors table rase du passé et s’affranchissent des règles naturelles du métier, notamment face à l’engouement des clients pour les brunchs très à la mode dans les brasseries. Les couverts et les assiettes sont également menacés par la mode de la «finger food» et des tapas, consistant à créer des mets qui seront mangés avec les mains. Une autre pratique qui va à l’encontre des repas traditionnels est également très prisée, notamment dans l’évènementiel, celle des apéritifs dinatoires et des cocktails, où plus aucune règle de dressage n’est de mise et les tables sont en option. Des évolutions qui ne sont pas sans conséquence sur les Arts de la table, comme l’explique Guy Bourgeois : «ces pratiques amènent tout naturellement au succès des petits contenants et à la transformation des assiettes en plateau pour d’autres petits récipients. Les objets sont également détournés et trouvent d’autres utilités au service : on peut, par exemple, servir des desserts dans des tasses ou des potages dans des bols au lieu de la traditionnelle assiette à soupe. Le secteur subi alors une atomisation du fait de l’adaptation des services à la cuisine, à la situation ou encore à la thématique du restaurant».Des quantités réduites pour plus de modularitéLe désir de rupture des règles des professionnels ne correspond pas uniquement à leur volonté de surprendre le client mais également à des problématiques de logistique. Un service composé de plats, de soupières, de saucières, d’assiettes, à soupe ou à dessert, pour ne citer que quelques éléments, pose des problèmes de stockage et de charge de travail liées à l’entretient. Une pièce n’est désormais plus réservée à un seul usage bien précis mais est conçue pour jouer un maximum de rôles dans les cuisines des hôtels et dans les salles des restaurants. Une demande que constate la designer spécialisée dans l’hôtellerie, Sylvie Amar, auprès de ses clients : «La tendance aujourd’hui se dirige vers l’amplification de la modularité, avec des pièces créées pour avoir différentes fonctions». Le Studio Sylvie Amar vient de créer en ce sens une nouvelle gamme de vaisselle pour les hôtels de l’enseigne Novotel. Baptisée «Jazz Collection», elle répond au besoin de modularité des professionnels, un souhait expressément exprimé dans le cahier des charges de la chaîne du groupe Accor, dont les requêtes étaient très précises. Le nouveau service devait s’adapter facilement aux changements trimestriels de cartes des restaurants, ne pas ressembler aux gammes habituelles des collections d’Arts de la table, ne pas avoir un style trop marqué afin de pouvoir passer les années, faciliter le travail des brigades et réduire le nombre d’erreurs de dressage. La designer a donc naturellement proposé de réduire le nombre de références d’assiettes et de contenants pour ne garder que quatre assiettes fonctionnelles et multi-usages, tout en restant dans les tons noirs et blancs.Pour Sylvie Amar, la modularité va ainsi au-delà du simple désir de surprendre le client, et relève davantage du service rendu aux professionnels de l’hôtellerie: «Réduire le nombre de références, comme nous l’avons fait pour les hôtels Novotel en faisant disparaître près de 30 à 40 modèles d’assiettes dans certains établissements pour les remplacer par des contenants modulables, permet de répondre aux problèmes de stockage et de gagner du temps sur le travail en cuisine et en salle». La designer constate également les prémisses d’une nouvelle forme de modularité, celle d’adapter la vaisselle à ses utilisateurs: «on remarque l’émergence de choses liées à la santé, avec la volonté d’avoir des objets utilisables par tous et de faire en sorte que tout le monde puisse utiliser la même vaisselle quelles que soient les déficiences de certains, notamment grâce à l’ergonomie des couverts et des assiettes». Des nouveautés seront ainsi présentées sur la prochaine édition du salon Equip’Hotel. Quel que soit le domaine dans lequel il est utilisé, l’un des premiers objectifs du design est de faciliter l’usage du produit fini. Dans son travail avec les hôteliers, Sylvie Amar répond à ce besoin de simplification non seulement auprès des professionnels mais aussi auprès des clients des hôtels. L’enseigne de Louvre Hotels Group, Campanile, a ainsi fait appel à elle pour faciliter la mise en place et le réassort des buffets de petits-déjeuners par les équipes de services ainsi que son utilisation par les consommateurs. La designer a créé pour la chaîne des portes étiquettes pour les bols, les saladiers et les assiettes qui se clipsent à même le contenant afin de se fixer au support et de ne pas être simplement posé à côté, évitant ainsi qu’ils ne se déplacent et entraînent la confusion quant au contenu des récipients.La vaisselle opère un retour aux sourcesAu-delà des problématiques fonctionnelles se cache une volonté d’esthétisme influencée comme dans tout secteur par des modes. Réglant les derniers détails du Studio qu’elle animera sur le salon Equip’Hotel et après avoir largement parcouru les tendances des Arts de la table, Sylvie Amar remarque une recherche de naturel dans les nouvelles collections des différentes marques du secteur : «aujourd’hui, la mode est aux émaux de couleur très travaillés afin de donner aux objets une impression de fabrication artisanale à base de matières naturelles. Une tendance qui correspond à l’esprit japonais qui veut manger dans des contenants façonnés par la main de l’homme car les bonnes choses passent aussi par le contenant et l’artisan qui l’a fabriqué». Les nouvelles collections se donnent des airs de fait main ajoutant, en autres, des défauts volontaires dans leurs moules de fabrication. Une volonté de donner un aspect authentique aux produits, qui s’inscrit dans l’air du temps, alors que les préoccupations sur le développement durable font naître des envies de retour aux sources et au naturel.Les Arts de la table évoluent au même rythme que les courants de création de leur époque et jouent naturellement la carte de l’écologie en faisant appel à des matériaux originaux, dans un contexte ou le développement durable est ancré dans tous les esprits. Le respect de l’environnement trouve ainsi son application dans le secteur via le choix des matières utilisées et les procédés de fabrication. Pour le directeur de la Confédération des Arts de la Table, la durabilité est innée dans le secteur «les Arts de la table sont, par nature, durables puisque les produits utilisés sont conçus pour durer dans le temps et être remplacés le moins souvent possible». Si la vaisselle jetable a bien eu son effet de mode, la tendance ne s’est jamais réalisée, étant incompatible avec les problématiques liées au respect de l’environnement, et a aujourd’hui disparu des cuisines professionnelles.Le choix des produits est l’un des axes principaux sur lequel travaillent les professionnels afin d’améliorer la durabilité de leurs produits. Le matériel le plus répandu aujourd’hui en matière de développement durable est le bois sous toutes ses formes. Le bambou trouve également sa place dans les Arts de la table, mais son utilisation fait l’objet de polémiques en ce qui concerne la résistance du produit, à l’eau et au lave-vaisselle par exemple ; la transformation de la matière brut en élément de la table, ses cultures peuvent s’avérer polluantes dans certaines régions ; et la nocivité des colles utilisées dans les processus de fabrication, étant difficile de s’assurer qu’elles sont saines dans certains pays. D’autres matériaux font peu à peu leur apparition dans les procédés de fabrication des éléments de la table, comme le papier et le carton recyclé et lavable, mais les initiatives restent marginales. Certains fabricants s’impliquent réellement dans les procédés de fabrication durables, et leurs efforts finissent par payer. Arc International inscrit ainsi l’ensemble de ses activités dans une démarche écologique, de la conception des produits à l’élaboration de stratégies et d’initiatives en faveur de l’environnement. En 2010, le groupe a lancé deux nouveaux matériaux, le Zenix et le Diamax. Plus écologiques et plus solides, ils constituent des avancées technologiques considérables dans le secteur des Arts de la table, leur résistance permettant des économies de matière qui peuvent aller jusqu’à 30%. Le Zenix est issu de la fusion à très haute température de matières premières d’origine minérale, lui octroyant une résistance aux chocs et à l’ébréchure trois fois plus élevée qu’une vaisselle en porcelaine. Sa surface renforcée, lisse et non poreuse lui permet de mieux résister aux rayures que la moyenne. Quant au Diamax, cette matière multiplie les qualités du cristal tout en supprimant ses inconvénients. Ce verre offre une plus grande brillance et une plus grande résistance, étant ainsi plus durable et plus facile à exporter.Les procédés de fabrication restent le principal levier des professionnels des Arts de la table pour adopter une attitude en accord avec les problématiques actuelles de développement durable. Le Made in France fait ainsi son grand retour, comme dans la plupart des secteurs aujourd’hui. Pour Sylvie Amar : « l’avenir est au développement des collaborations avec les gens du pays où l’on est installé, pour la fabrication comme pour le choix des matériaux, permettant notamment aux établissements de mettre en avant leur particularité »

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