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Jurisprudence : obligation de sécurité du salarié - Les employeurs face à une lutte accrue anti tabagisme

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Publié le 18/01/11 - Mis à jour le 17/03/22

A la suite de la décision rendue par la Cour de cassation le 6 octobre 2010 validant une rupture du contrat de travail pour non respect des dispositions réglementaires relatives à la lutte contre le tabagisme, certains de nos lecteurs se sont interrogés sur les circonstances qui ont amenés un employeur de l’hôtellerie a être condamné.

I. Exposé des faits

Pour rappel, ce principe d’interdic­tion de fumer s’applique dans tous les lieux recevant du public ou à usage collectif (art L 35117 du Code de la santé publique) et égale­ment à tout milieu de travail (art L 81122 du Code du travail).Un barman avait mis son employeur en demeure de ne plus l’exposer aux fumées de tabac dans un éta­blissement parisien barrestaurant où il officiait depuis plusieurs mois. Faute d’avoir obtenu un poste de travail non exposé à la fumée du tabac, le salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail, justifiée par la violation de la légis­lation relative à la lutte contre le tabagisme.Outre l’espace réservé à la clientèle au niveau du bar, le salarié précisait au médecin du travail que l’em­ployeur ne faisait respecter l’inter­diction de fumer dans la salle réser­vée au personnel (art R. 35111 du Code de la santé publique)Le salarié avait agi devant le conseil des prud’hommes pour faire requa­lifier son départ en licenciement sans cause réelle et sérieuse.II. Arguments de l’employeur hôtelierDevant les magistrats d’une Cour d’appel, l’employeur affirmait que même si un constat d’huissier avait établi que les dispositions du Code de la santé publique sur l’interdic­tion de fumer dans les lieux ouverts au public n’étaient pas respectées, il n’était pas démontré que la santé du salarié était compromise par ce seul fait.Pour le conseil de l’employeur, le préjudice de tabagisme passif doit être rapporté par le salarié de même que les incidences sur sa santé. Or, l’employeur faisait état d’un résul­tat d’analyse de sang du salarié prescrit par son médecin traitant qui démontre que son taux de nico­tine est relativement faible et ne peut être imputable aux seules conditions de travail.Le juge du fond alla dans le sens de l’employeur en déboutant le salarié de ses demandes après avoir relevé que :

- la présence dans le sang du taux de nicotine était inférieur au seuil qualifié pour un fumer passif ;
- qu’un tel taux ne pouvait être imputable à ses seules conditions de travail, car le salarié vivait dans une métropole particulièrement polluée ;
- et qu’au surplus, les services de la médecine du travail n’avaient pas émis d’observation sur les conditions de travail du salarié.
III. Le salarié a prouvé une atteinte à sa santé

Sous le visa des articles L 12311, L 12353 et L 41211 du Code du travail, et R 35111 et R 35112 du Code de la santé publique dans leurs versions alors applicables, la Cour de cassation casse la décision en appel faisant ainsi prévaloir le risque pour le salarié de développer une pathologie liée au tabagisme passif, et la dégradation effective de son état de santé. Dans sa déci­sion rendue le 6 octobre 2010, la chambre a fait ainsi droit à la demande du salarié/barman (affaire n°0965.103/ Migette c/ Sté L’Abbaye de SaintErmire) en pré­cisant que le juge du fond n’avait pas à inverser la charge de la preuve.Pour la Haute juridiction, l’em­ployeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat visàvis de ses salariés en ce qui concerne leur protection contre le tabagisme dans l’entreprise. .L’employeur est tenu, à l’égard de son personnel, d’une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de ses salariés”.En conséquence, le salarié est donc fondé à prendre acte de la rupture du contrat de travail dans l’hypo­thèse où ledit employeur ne veille pas au respect de la réglementation en ce domaine. Et ce, sans avoir à démontrer que cette carence a eu des conséquences effectives sur son état de santé.A noter que la Cour de cassation a déjà jugé un cas similaire, à savoir qu’un salarié exposé pendant toute la durée du travail à la fumée de cigarette de ses collègues parce que l’employeur ne fait pas respecter l’interdiction de fumer, peut prendre acte de la rupture du contrat de travail (arrêt du 29 juin 2005, n° 0344412, BC V n° 219).IV – Conséquence pour les employeurs CHRAinsi, le caractère du manquement à l’obligation de sécurité est réaf­firmé par la Haute juridiction et peu importe l’insuffisance du taux de nicotine trouvé dans le sang du sala­rié exposé aux fumées de cigarettes, puisqu’il n’y a pas à prouver une quelconque atteinte à la santé.En conséquence, l’employeur qui manque à son obligation de sécurité dès lors qu’il ne respecte pas les dispositions du code de la santé publique sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics concernant les salariés, peut être condamné dès lors que les salariés ont été exposés à un tabagisme passif, sans que ceuxci aient à prouver une atteinte à leur santé.Pour rappel, ce principe d’interdic­tion de fumer s’applique dans tous les lieux recevant du public ou à usage collectif (art L 35117 du Code de la santé publique) et égale­ment à tout milieu de travail (art L 81122 du Code du travail).

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