Édito

Ceux qui n’évoluent pas disparaîtront

On n’arrête pas un train qui fonce à vive allure, mais on peut essayer de monter en marche quand l’opportunité se présente. L’économie collaborative – ce que les anglo-saxons appellent plus justement l’économie du partage – modifie progressivement tous les modèles économiques de l’économie marchande. Au lieu de se désespérer, une fois de plus, de la concurrence déloyale qu’elle présente, il faut voir dans quelle mesure le modèle peut trouver une application intelligente dans l’industrie hôtelière.

Cela n’empêche pas d’appuyer et même de bousculer un peu les responsables politiques pour qu’ils fassent leur travail législatif et rétablissent des règles acceptables et équitables pour tous les acteurs. Mais le mouvement est trop engagé auprès des clients pour espérer le voir disparaître. Le marché aura toujours raison.

Que peut-on retenir du modèle collaboratif ? D’abord qu’il permet de mieux exploiter des ressources inutilisées et surtout qu’il n’exclut pas la notion de service, un domaine où les hôteliers ont une certaine expertise. La collaboration est-elle inenvisageable entre des particuliers qui vont mettre une offre originale sur le marché et des hôteliers de proximité qui peuvent apporter une valeur ajoutée ? Aucune porte ne doit être fermée. La bataille acharnée entre les hôteliers et les promoteurs de résidences de tourisme s’est achevée par une récupération intelligente par les hôteliers d’un modèle de financement et de gestion qui présente des avantages. Dans la plupart des grandes villes où le déficit en chambres d’hôtels est manifeste, la location d’appartements ou le logement chez l’habitant sont des formules complémentaires qui ne font pas baisser le taux d’occupation. En revanche, pourquoi ne pas récupérer une partie des dépenses des touristes en leur donnant accès à la restauration, au fitness, au business center… ?

On voit que certains modèles originaux, comme Mama Shelter, rencontrent leur public. Il est sans doute possible de s’en inspirer en élargissant encore la gamme des services et en travaillant sur la rentabilité réelle de chacun.

L’autre leçon à tirer de l’économie collaborative est justement de laisser faire par d’autres les tâches qu’ils maîtrisent mieux. Dans cette collaboration, la répartition des tâches est profitable aux partenaires qui sauront trouver un terrain d’entente. Encore une fois, la restauration n’est pas le domaine d’excellence des hôteliers – à l’exception des établissements de grand luxe qui propose une expérience exceptionnelle. Les nouvelles formules sont plus proches de la vente à emporter et du plat à réchauffer que de la bonne gastronomie de terroir. Certains hôteliers ont déjà eu l’idée de confier leur room-service à un restaurant voisin sélectionné pour sa carte attrayante. D’autres alliances restent aussi à inventer. Lieu de rencontre, l’hôtel est légitime pour devenir un pôle de services, comme un «guichet unique» du voyageur pour ses réservations, ses spectacles, son bien-être, ses achats de première nécessité, ses déplacements futurs, voire des services de proximité… Si le tourisme est avant tout une suite de prestations, pourquoi l’hôtel n’en serait-il pas la locomotive ?

L’économie collaborative n’a aucune raison de se développer uniquement entre particuliers. La porte est déjà assez ouverte à toutes les tentations de para-commercialisme et de prestations déguisées. L’hôtellerie a besoin de bouger. Elle a besoin d’une stratégie qui ne soit pas que défensive, comme c’est trop le cas en ce moment. C’est en soi le signe d’un manque d’anticipation par rapport à des phénomènes de société. Cette stratégie peut être à la fois audacieuse et sortir des cadres habituels en s’appuyant sur les nouvelles générations qui n’ont pas la même réticence à sauter les barrières. Elle implique de la part des hôteliers de s’ouvrir plus largement sur leur communauté locale en les associant à l’accueil des visiteurs. Elle implique aussi de retrouver des réflexes et des métiers qui ont été trop vite négligés pour se focaliser sur la seule gestion. L’hospitalité au sens large fédère beaucoup de talents complémentaires qu’il faut s’atteler à réunir.



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