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Laurent Moreau, architecte d’intérieur : “Mon travail est d’appréhender le coeur d’un lieu puis de traduire ce ressenti en un projet à nul autre pareil”

8 min de lecture

Publié le 23/09/09 - Mis à jour le 17/03/22

• Laurent Moreau a fondé son agence en 1983. Après quelques projets institutionnels, il a choisi de se spécialiser dans l’architecture intérieure et la décoration hôtelière. Un secteur dont il connaît aujourd’hui tous les arcanes et toutes les contraintes. • De la conception des volumes à la décoration des lieux, chaque projet est le résultat d’un process rigoureux où même la lumière est un travail d’expert. • Là est toute la philosophie de ce cabinet spécialisé : donner aux professionnels du secteur les moyens de transformer un bâtiment à leur image en suivant un cahier des charges très précis. Car, l’esthétique ne se suffit pas de l’à-peu-près.

Vous travaillez presque exclusivement pour le secteur de l’hôtellerie-restauration. Pouvez-vous nous expliquer votre approche ?

_ Tout d’abord, je ne suis pas un designer concevant des concepts rooms, mais un architecte d’intérieur qui fait de l’ingénierie hôtelière. Cela s’entend de la conception du bâtiment à sa réalisation clés en main. Mon client est accompagné du début à la fin du projet. C’est un accompagnement à la fois financier, conceptuel et logistique. Ce dernier paramètre comprend toutes les contraintes liées à la réalisation d’un hôtel ou d’un restaurant, à savoir la dimension sécurité, environnementale (normes HQE) et santé. Je pense notamment aux agencements visant à réduire au maximum la notion de pénibilité du travail, ou encore à la création d’accès pour les personnes à mobilité réduite. Un hôtel doit être conçu non seulement pour le public qui y séjournera mais aussi pour le personnel qui doit pouvoir évoluer dans un espace pratique et fonctionnel. Tout cela ne sacrifie en rien l’aspect esthétique. Mais dans la chronologie de la réalisation du projet, cela arrive en dernière position : c’est le travail de décoration intérieure…2008 : Les Fous de L’Ile - Paris 4ème _ 2003 : Le Balthazar - Paris 17ème _ 2002 : Zebrano - Budapest _ 2001 : Le Grand Monarque - ChartresComment voyez-vous l’évolution de l’architecture hôtelière ? En quoi les hôtels d’aujourd’hui sont-ils différents de ceux d’hier ? _ Auparavant les clients se concentraient davantage sur le confort de la chambre. Aujourd’hui, l’hôtel est d’abord un environnement. Rares sont en effet les hôtels haut de gamme ne possédant pas qui un spa, qui des salles de séminaires, qui un restaurant gastronomique. Il n’est plus rare à notre époque de passer une journée dans un hôtel sans y dormir. L’autre grande évolution concerne l’agencement même des lieux. Le temps n’est plus aux espaces cloisonnés avec d’un côté les étages des chambres, de l’autre le lobby, la réception, et les salles de réunion. Aujourd’hui les hôtels sont vus comme des lieux changeants, des espaces évolutifs en fonction du moment de la journée et de l’utilisation que l’on veut bien en faire. Les concepts de flexibilité, de modularité ont même fait leur apparition à l’intérieur des chambres qui doivent pouvoir répondre à plusieurs usages : travail, détente, loisirs.C’est notamment le cas pour l’hôtel du Pas de Calais, rue des Saint Pères dans le 6ème arrondissement parisien… _ Oui, quand nous avons entrepris la réfection de cet établissement qui n’avait subi aucune transformation depuis plus de 50 ans, nous avons choisi de décloisonner les espaces, de transformer un hôtel morcelé en un lieu de vie agréable et fonctionnel. Mais nous avions une contrainte. L’endroit, un hôtel familial de 3 étoiles, possédait une cour intérieure avec jardin et bassin. Or, nous devions couvrir cette cour pour des raisons de circulation et de sécurité, perdant du coup l’espace jardin. Pour garder le caractère bucolique et vert du lieu nous avons transformé cette contrainte en créant un patio avec un jardin vertical (voir photo page ci-contre). Aujourd’hui, toute la vie de l’hôtel s’articule autour de ce lobby végétal dont les fonctions sont autant multiples que variées.Ce qui frappe dans toutes vos réalisations, c’est l’importance que vous accordez au travail de la couleur. Ainsi, à chaque projet semble être attachée une couleur dominante : à l’image du bleu pour l’hôtel Bassano, ou encore des déclinaisons de beige pour l’hôtel du Pas de Calais. _ Oui, la couleur est primordiale. C’est elle qui assure l’harmonie d’un lieu, le fil conducteur entre les pièces que l’on visite. A l’hôtel Bassano, c’est effectivement le bleu que nous avons choisi pour couleur dominante. Il renvoie aux bleus de Paris, au bleu-gris de ses pavés et de l’ardoise de ses toits, à celui des zincs de ses cafés, au bleu canard de ses lourdes portes cochères… Mais marier ces bleus n’est pas chose facile. Pour que cela marche il faut respecter certains codes. Tout est affaire de justesse, d’harmonie. Le bleu canard, notamment, qui habille les canapés et autres assises du lobby pourrait choquer si pris dans son individualité. Mais associer à d’autres tonalités moins fortes, comme le beige, il éclaire la pièce, l’adoucit aussi. C’est cette homogénéité des couleurs, des matières qui assurent la pérennité d’un lieu. Et cela en dépit des modes et des tendances.La lumière également est partie prenante de chacune de vos réalisations … _ En effet, plus que le travail sur la couleur, nous avons fondé notre réputation sur le travail de la lumière. Je préfère inciter les hôteliers à consacrer un budget plus important à l’agencement de l’éclairage qu’à l’achat de mobilier. La lumière peut tout faire. Il faut juste s’en donner les moyens. Elle est bien-être, ce qui est primordial dans un lieu accueillant des personnes en recherche de repos, mais aussi d’espaces de travail et de loisirs. Elle habille les volumes, met en valeur les espaces, les cloisonne, décloisonne. Elle peut émouvoir, apaiser ou au contraire « réveiller ». Certains pensent que le fait de disposer quelques luminaires dans un espace suffit à créer une ambiance. Rien n’est plus faux. C’est un métier. D’ailleurs sur chaque projet, je travaille avec un éclairagiste, car à chaque lieu correspond une mise en scène particulière.Justement, pouvez-vous nous donner quelques exemples de « mises en lumière » d’espace ? _ Je pense notamment à la coupole de l’hôtel Château Frontenac. C’est une coupole avec une lumière totalement artificielle qui change en fonction des moments de la journée. Elle suit en quelque sorte les gradations chromatiques de la lumière du lever au coucher du soleil : du bleu du matin aux tonalités rouges du soir. C’est très technique mais le rendu est bluffant. Sur le salon Equip’Hôtel 2003 nous avions également fait un travail sur le bleu. Le lobby que nous avions présenté était un espace habillé d’un voilage derrière lequel nous avions installé un éclairage mordoré. Seul le comptoir était bleu. Un bleu glacier, qui tranchait avec le reste de la pièce, comme une invitation à étancher au bar sa soif de cocktails.Vos réalisations concernent également l’aménagement de restaurants. Avez-vous un projet coup de coeur sur lequel vous avez eu plaisir à travailler ? _ Oui, sans hésiter, je dirais le restaurant Les Fous de l’Ile, sur l’Ile Saint Louis. Tout d’abord car c’est l’histoire d’une formidable collaboration entre notre agence et un jeune couple de restaurateurs plein d’esprit et d’humour. Ensuite, parce que le projet est une vraie réussite. Tout est juste. Le décor, le prix, la carte. C’est un lieu agréable, sans chichis, qui a su garder la convivialité de son vécu. C’était une ancienne épicerie. Témoignages de ce passé, les niches en bois ont été préservées et accueillent une collection haute en couleurs de poules et de coqs. L’ancienne cuisine a également été gardée. Ouverte sur une table d’hôtes, elle est même devenue l’une des pièces maîtresses du restaurant. C’est un établissement bien dans l’air du temps. Moderne tout en étant chaleureux, convivial sans être rustique. Il suffit de voir la clientèle – hommes d’affaires, gens du quartier, touristes anglo-saxons …- pour voir que cela marche.Quelques réalisations du cabinet Laurent Moreau : Hôtels2008-2009 : Hôtel Château Frontenac - Paris, 8ème _ 2007-2008 : Hôtel Bassano - Paris, 16ème _ 2007-2008 : Hôtel Pullman Versailles Château – Versailles _ 2005-2006-2007 : Hôtel de Banville - Paris 17ème _ 2005 : Hôtel Elysées Régencia - Paris 16ème _ 2004-2005 : Hôtel Pas de Calais : Paris, 6ème _Restaurants 2008 : Les Fous de L’Ile - Paris 4ème _ 2003 : Le Balthazar - Paris 17ème _ 2002 : Zebrano - Budapest _ 2001 : Le Grand Monarque - Chartres

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