Édito

Cousins certes, mais pas germains !

Alors que la bataille de la distribution s’impose comme le défi majeur des années à venir, le modèle de développement suivi en France - et en Europe - s’appuie sur des fondamentaux qui peuvent faire la différence avec les marchés anglo-saxons.

En favorisant le développement de la franchise à grande échelle, les groupes américains ont donné naissance à toute une génération de produits hôteliers globalement interchangeables dans les différentes catégories hôtelières. Moyennant quelques changements cosmétiques, le même établissement peut afficher sans trop de difficultés différentes enseignes de même niveau de confort. Dès lors, la commercialisation ne peut s’appuyer que sur la localisation et le niveau de prix auprès d’une clientèle qui n’a qu’une relation lointaine avec la marque. Fondée largement sur une demande banalisée, moins ancrée dans le territoire primaire de l’établissement, ce modèle joue davantage sur le volume que sur la différenciation. C’est une situation qui donne plus de prise aux agences de vente en ligne, qui dirigent plus facilement les clients vers tels ou tels établissements similaires en fonction de l’intérêt financier qu’ils y trouvent.

Le modèle français a davantage pris en compte l’implantation locale et le potentiel de l’environnement immédiat de l’hôtel. Mieux maîtrisé, ce développement a su éviter de créer les surcapacités qui entraînent le besoin d’ouvrir sans contrôle tous les canaux de distribution. On pourrait même lui reprocher d’avoir entretenu une certaine pénurie, favorable à court terme aux hôteliers en activité mais potentiellement dangereuse pour l’avenir des destinations. L’effort des développeurs a aussi porté sur la segmentation des clientèles pour s’assurer que le mix était suffisamment solide pour assurer une exploitation rentable. Enfin, le travail récent des marques, un travail qui doit encore être encouragé, insiste sur l’adaptation du produit hôtelier à sa (ses) cible(s) majeure(s) de clientèle.  La diversité du territoire français et des motivations de séjours ont permis d’asseoir l’activité hôtelière au moins autant sur l’activité loisir que sur le segment affaires. La possibilité d’une plus large segmentation autorise l’utilisation de nombreux canaux de distribution pour ne pas dépendre d’une source unique. Elle incite aussi, comme l’ont fait les pionniers de notre industrie, à privilégier la relation directe pour éviter le plus possible le recours aux intermédiaires.

De fait, les hôteliers français et européens sont mieux armés que leurs cousins américains pour ne pas tomber dans le piège de la banalisation du produit hôtelier. Ils le seront d’autant plus s’ils n’oublient pas de mettre en avant les fondamentaux du métier d’hôtelier et de la relation client. La tentation est grande de tout – trop – miser sur le digital et l’ouverture sur la planète web. Si le marché s’élargit, la notoriété s’affaiblit, noyée dans une offre pléthorique. Rares sont les acteurs hôteliers qui peuvent aligner les budgets nécessaires pour exister sur la toile. Ils en sont réduits à satisfaire l’appétit des intermédiaires qui détiennent les clefs du référencement. Le digital n’est jamais qu’un outil. Il est nécessaire et même fondamental pour ne pas être exclu du marché, mais il est loin d’être la solution à tous les problèmes de commercialisation.

 La théorie de l’évolution de Darwin s’applique aussi aux organismes vivants que sont les secteurs économiques. Les survivants sont ceux qui s’adaptent à leur environnement et cultivent leurs différences. Il ne faut pas oublier que les géants d’hier (tour-opérateurs, réceptifs, grossistes, centrales de représentation hôtelière,…) ont dû céder la place à de nouveaux prédateurs, plus gourmands et pourtant globalement moins actifs dans la promotion des marques et des destinations. Demain, ces mêmes dinosaures peuvent subir le contrecoup d’une météorite qui frappera la planète Internet. Alors que le métier d’hôtelier tire son efficacité d’une tradition millénaire, sans cesse remise au goût du jour et qui sait se réinventer s’il n’oublie pas les basiques de l’accueil et de la relation personnalisée.  La banalisation ne peut conduire qu’à la disparition. C’est une erreur de vouloir copier le modèle américain, plus compatible avec l’environnement concurrentiel outre Atlantique. Les branches cadettes de la famille sont souvent moins consanguines et plus vigoureuses.

A bon entendeur…



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